L’exportation d’armes devient une course qui se livre entre la France et l’Allemagne et qui menace leur relations
La dynamique du marché mondial des armements a connu des changements significatifs au cours des dernières années, notamment en raison du conflit persistant entre la Russie et l’Ukraine.
Selon le dernier rapport du Stockholm International Peace Research Institute (Sipri) publié le 11 mars, les Etats-Unis ont renforcé leur position dominante, représentant 42 % des ventes mondiales d’armes. Dans le même temps, la France a enregistré une progression notable, tandis que la Russie a vu son influence sur le marché des armements diminuer.
La France a intensifié ses efforts pour moderniser ses capacités militaires, notamment en acquérant des avions, des hélicoptères, des véhicules de combat et des systèmes de défense antiaérienne. Cette tendance s’inscrit dans une politique plus large de réarmement, motivée en partie par les engagements envers l’OTAN visant à consacrer au moins 2 % du PIB national à la défense.
La question de l’exportation d’armements en Allemagne suscite actuellement des débats passionnés au sein de la coalition gouvernementale, avec des implications potentiellement importantes pour la politique d’armement européenne. Alors que le projet de loi sur le contrôle des exportations d’armements (REKG) est toujours en cours de discussion, les divergences au sein de la coalition jamaïcaine entre les partisans d’une politique plus libérale et ceux qui prônent une approche plus restrictive continuent de diviser le paysage politique allemand.
La France, de son côté, observe attentivement ces développements, consciente de l’impact que les décisions de l’Allemagne pourraient avoir sur ses propres intérêts en matière d’armement. Si le gouvernement allemand semble adopter une approche pragmatique en matière d’exportation d’armes, la question de la création d’un comité de contrôle composé de partenaires internationaux soulève des inquiétudes quant à l’avenir de la coopération européenne dans ce domaine.
En effet, cette proposition pourrait entraîner une fragmentation du processus de décision et créer des incertitudes juridiques et diplomatiques pour les États vendeurs et acheteurs. Face à cette situation, la France doit envisager une stratégie qui tienne compte à la fois de ses intérêts nationaux et de sa coopération avec l’Allemagne et d’autres partenaires européens.
En ce qui concerne l’Allemagne, il est clair que sa politique en matière d’exportation d’armements est motivée par ses propres intérêts politiques et économiques. Alors que le gouvernement allemand cherche à concilier les différentes positions au sein de la coalition, la France doit rester vigilante et veiller à ce que ses propres intérêts ne soient pas compromis dans le processus.
Emmanuel Dupuy, géopoliticien français, spécialiste des questions internationales et de sécurité et président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) affirme dans une interview exclusive pour Le Parisien Matin que “La France et l’Allemagne se sont tondus par rapport au matériel militaire. Il y a une lutte au couteau entre les industriels allemands et français.”.
En effet, le chancelier Olaf Scholz a déclaré que la production d’armements était une « nécessité urgente (…) Car aussi dure que soit cette réalité, nous ne vivons pas en temps de paix ».
Une exportation d’armes qui pourrait être affectée par la réélection de Vladimir Poutine
La réélection du président russe pourrait continuer à affecter les relations franco-allemandes et alimenter leur différend en matière de production d’armements dans le conflit ukrainien. Alors que la Russie célèbre la victoire de Vladimir Poutine lors des élections récentes, la France et l’Allemagne restent préoccupées par les implications géopolitiques de ce résultat.
Pour la France et l’Allemagne, la réélection de Poutine soulève des inquiétudes quant à la stabilité régionale et à la poursuite du conflit en Ukraine. Alors que les deux pays ont exprimé leur volonté de trouver une solution diplomatique à la crise ukrainienne, la réaffirmation de Poutine au pouvoir pourrait compliquer les efforts de médiation et de résolution pacifique du conflit.
La question de la production d’armements continue de diviser la France et l’Allemagne. Alors que la France a adopté une position plus stricte en matière de vente d’armes à la Russie, l’Allemagne a été critiquée pour son soutien continu à l’exportation d’armements vers la Russie.
Emmanuel Dupuy explique que “Les rapports entre la France et l’Allemagne se sont tendus depuis plusieurs années par rapport à la coopération industrielle dans le secteur militaire. Il y a une lutte au couteau entre les industriels allemands et français quant au partage des tâches sur le futur char de combat (MGCS) et l’avion de chasse (SCAF) visant à harmoniser l’offre européenne, en la matière. Gageons que l’accord conclu, péniblement, entre les deux ministres de le défense français et allemand, pour une répartition 50/50 du MGCS rééquilibrera les choses, permettant d’avoir un successeur du Léopard 2 et du Leclerc, d’ici 2040 »
En effet, Emmanuel Dupuy affirme aussi que : “Les industriels allemands, pourtant engagés dans des programmes d’armement communs, jouent souvent cavalier seul” dans la course à la production d’armes. Dupuy explique que cette stratégie allemande vise surtout à reconstituer une Bundeswehr puissante dans le cadre de PSDC européenne, ce qui a eu tendance à aggraver les “divergences franco allemandes”, eu égard aux deux desseins divergents entre Paris et Berlin.
La France entend « européaniser » ses exportations d’armement, tandis que l’Allemagne, cherche désormais à vendre son savoir faire industriel sur les marchés du Moyen-Orient, d’Asie du Sud-Est et du Maghreb, jusqu’ici préempté par les industriels français »
Cette divergence d’opinions a suscité des tensions au sein de l’Union européenne et pourrait s’intensifier à la lumière de la réélection de Poutine.
La poursuite du conflit en Ukraine et la réélection de Poutine entraînent déjà une augmentation des dépenses militaires dans la région, alimentant ainsi la course aux armements entre la Russie et l’Occident. Alors que la France et l’Allemagne cherchent à maintenir la paix et la stabilité en Europe, la poursuite du conflit en Ukraine pourrait exacerber les tensions et compromettre les relations bilatérales.
La réélection de Poutine souligne les défis persistants auxquels sont confrontées la France et l’Allemagne en matière de politique étrangère et de sécurité. Alors que les deux pays s’efforcent de trouver des solutions diplomatiques aux crises régionales, la situation en Ukraine reste un point de friction majeur qui pèse sur leurs relations et façonne l’avenir géopolitique de l’Europe.
Auteur / autrice
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Suzanne Latre est la rédactrice en chef du Parisien Matin. Elle est une romancière publiée avec une formation en politique, diplomatie et droit. Elle est spécialiste des relations internationales et porte un intérêt particulier aux affaires irlandaises et françaises. Elle est également directrice de Spokz People, une organisation qui soutient le bien-être des personnes handicapées. Suzanne Latre contribue aux rubriques politiques et culturelles du Parisien Matin.
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