Lors de l’inauguration du centre aquatique olympique de Saint-Denis le 4 avril dernier, le président de la République a déclaré que la chanteuse franco-malienne Aya Nakamura avait “tout à fait sa place dans une cérémonie d’ouverture ou de clôture des Jeux.” De rumeur à véritable débâcle politique, la polémique Nakamura fait encore débat.
Lancement de la rumeur Aya Nakamura
Tout commence le 29 février dernier, lorsque l’Express annonce la rumeur que la chanteuse à succès Aya Nakamura, à l’origine de titres comme Djadja ou Pookie, pourrait chanter le 26 juillet prochain, lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024. Reçue le 19 février en “catimini” à l’Élysée selon le magazine, l’artiste féminine de l’année 2024 s’est vue poser la question : “Alors, quels chanteurs ou quelles chansons du répertoire français comptent pour vous ?”, par Emmanuel Macron. La chanteuse aurait répondu qu’elle aime Edith Piaf, chose à laquelle le président de la République n’a pas manqué de répondre : “Eh bien, il faut que le jour J vous chantiez ce que vous aimez.”
Même quelque temps après la sortie de l’article, rien n’a été confirmé, que ce soit par l’Élysée, l’artiste ou la communication des Jeux. Par contre, il n’a pas fallu longtemps pour déclencher une polémique remuant l’ensemble de l’échiquier politique.
L’opposition
Le 9 mars, le groupe identitaire les natifs a publié une photo sur le réseau social X (Twitter) d’une banderole avec écrit dessus : “Y’a pas moyen Aya, ici c’est Paris, pas le marché de Bamako !” L’entité d’extrême droite s’est aussi fendue d’un communiqué pour l’occasion : “Une quinzaine de Natifs ont manifesté dans le 4e arrondissement afin de dénoncer le choix de notre président : remplacer l’élégance française par la vulgarité, africaniser nos chansons populaires et évincer le peuple de souche au profit de l’immigration extra-européenne”. Ce fut ensuite au tour du parti Reconquête d’Éric Zemmour d’y ajouter son grain de sel. Le lundi 12 mars, Marion Maréchal, championne du polémiste, affirme “qu’elle ne chante pas en français.
Elle ne représente ni la culture ni l’élégance française”, propos qu’elle martèlera une nouvelle fois sur les plateaux d’Europe 1 et de C8.
Indignés par de tels propos, la ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme et SOS racisme saisissent la justice dès le 13 mars, “dénonçant des propos sans équivoque, imprégnés de l’idéologie d’extrême droite, qui propagent des théories racistes, exhortent à la haine et encouragent les pratiques discriminatoires à l’encontre des personnes issues de l’immigration et/ou de couleur de peau noire, expliquant qu’elles ne partageraient aucune valeur avec ce qu’ils qualifient de « peuple de souche », les plaçant volontairement en dehors de la communauté nationale”, s’exclame la Licra dans un communiqué publié le 16 mars sur X.
La défense d’Aya Nakamura
Bien évidemment, la principale intéressée n’a pas manqué de réagir à une telle déferlante haineuse sur les réseaux sociaux : « Vous pouvez être raciste mais pas sourd. C’est sa qui vous fait mal ! Je deviens un sujet d’état numéro 1 en débats etc. mais je vous dois quoi en vrai ? Kedal », s’indigne Aya Nakamura sur X, le 10 mars.
En parallèle à la haine, une vague de soutien n’a pas tardé à arriver pour défendre la chanteuse, notamment d’Amélie Oudea-Castéra, Ministre des Sports et des Jeux Olympiques au travers d’un tweet : “Peu importe comme on vous aime, chère Aya Nakamura, foutez-vous du monde entier” La ministre de la Culture, Rachida Dati, n’a pas manqué de réagir le 12 mars lors d’une audition au Sénat : “S’attaquer à une artiste pour ce qu’elle est, c’est inacceptable, c’est un délit”, témoigne-t-elle.
Dadju, le fameux chanteur R’n’B a également apporté son soutien dans un post sur X : “C’est pour ça qu’on est en retard ici. Vous lynchez la plus grosse artiste du pays avec des arguments de CM1… C’était même pas un combat mais maintenant faut qu’elle chante, nous on va soutenir.”
Et maintenant ?
Puis plus le temps passait, plus l’affaire semblait se calmer malgré quelques relances comme Gérard Larcher, président LR du Sénat, qui affirmait sur France Info le 14 mars “qu’on est assez loin de la représentation de notre pays. Par exemple avec ‘catchaca’, cette ode à la levrette…”, en faisant référence aux paroles de la chanson Djadja.
Mais c’est le 4 avril que le débat se relance lors de la visite d’Emmanuel Macron à Saint-Denis pour l’inauguration du centre aquatique olympique. Pour le président de la République, Aya Nakamura “parle à bon nombre de nos compatriotes […] et a tout à fait sa place dans une cérémonie d’ouverture ou de clôture des Jeux […] Je ne dévoilerai pas ici les détails, mais si elle fait partie avec d’autres artistes de cette cérémonie, je pense que c’est une bonne chose”.
En effet, lorsque l’on regarde de plus près les performances d’Aya Nakamura, elle n’a pas volé son titre d’artiste féminine de l’année. La chanteuse cumule 6 milliards d’écoutes sur les plateformes de streaming, d’après son label REC 118. À cela s’ajoute plus de 3 milliards de vues sur sa chaîne Youtube, avec son clip Djadja prenant à lui seul 957 millions de vues.
À l’heure actuelle, rien n’est encore affirmé, que ce soit par la chanteuse ou par l’organisation des Jeux, comme le témoigne Léontine Issartel, attachée de presse à la communication de l’événement : “La présence d’Aya Nakamura lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024 n’a pas été confirmée par le comité d’organisation : d’ici à la cérémonie, nous allons entendre encore beaucoup de noms, d’idées, de rêves, de fantasmes concernant les artistes présents, les tableaux… mais nous ne confirmerons ou n’infirmerons aucun de ces informations pour laisser la place à deux fois plus de surprises ! Nous donnons rendez-vous à tout le monde le 26 juillet prochain pour découvrir la cérémonie d’ouverture.”
Auteur / autrice
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Quentin est journaliste spécialisé sur les sujets de société, nouvelle technologie et pop-culture pour Le Parisien Matin
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