La monétisation des jeux vidéo a évolué de manière spectaculaire au fil des années, surtout avec les nouveaux modèles économiques, rendus possibles par des progrès technologiques et la diversification des plateformes où jouer.
Si, autrefois, les joueurs payaient un prix fixe pour un jeu complet, souvent accompagné de mises à jour ponctuelles, aujourd’hui, des jeux comme Fortnite, Apex Legends ou Valorant sont gratuits à télécharger et à jouer.
Comment ces jeux génèrent-ils des revenus ? Pourquoi ne vend-on plus les jeux à un prix fixe, comme autrefois ?
L’évolution du coût de production des jeux vidéo
Historiquement, le prix d’un jeu vidéo a oscillé autour de 50 € pendant plusieurs décennies. Toutefois, le coût de production des jeux a considérablement augmenté. À l’origine, les jeux vidéo étaient développés par de petites équipes de quelques dizaines de personnes. Aujourd’hui, ce sont des projets de plusieurs centaines de développeurs, artistes, designers, testeurs et autres spécialistes, travaillant sur des budgets qui se chiffrent en millions de dollars. Le développement de jeux AAA, tels que Red Dead Redemption 2 ou Cyberpunk 2077, peut coûter jusqu’à 100 millions d’euros, voire plus. Cette explosion des coûts de production a poussé les studios à repenser leur modèle économique.
Le développement du jeu vidéo Concord avait nécessité un budget de 400 millions de dollars, mais qui n’a abouti qu’à un échec retentissant. Dans ce contexte, un jeu doit impérativement connaître un grand succès pour récupérer les investissements colossaux consentis dans sa création. C’est ainsi que des modèles comme le free-to-play (gratuit à jouer) se sont imposés.
Trois grandes stratégies pour monétiser un jeu vidéo
- Les cosmétiques, qui sont au coeur du modèle Free-to-play
Le modèle économique le plus courant des jeux gratuits repose sur l’achat de cosmétiques.
Ces éléments, appelés skins, permettent de modifier l’apparence des personnages, de leurs équipements ou même des environnements, sans impacter le gameplay. Les skins ne confèrent aucun avantage compétitif.
Ils permettent aux joueurs de personnaliser leur expérience de jeu tout en ne perturbant pas l’équilibre du jeu. Ces objets peuvent varier en prix, allant de quelques euros à des sommes bien plus importantes, parfois plusieurs centaines, comme c’est le cas dans League of Legends avec des offres spéciales appelées “bundles”.
Les entreprises ciblent principalement les whales (les « baleines »), des joueurs prêts à dépenser des sommes énormes dans ces cosmétiques. Ce modèle permet de rendre le jeu accessible gratuitement à une large base de joueurs, tandis que les gros dépensiers financent une grande partie du jeu.
- Les DLC , qui sont des extensions payantes pour enrichir l’expérience
Le second modèle utilisé par de nombreux développeurs est celui des DLC (contenus téléchargeables). Ces extensions permettent d’ajouter de nouvelles fonctionnalités, de nouveaux niveaux ou de nouvelles histoires au jeu. Contrairement aux cosmétiques, ces DLC apportent de véritables ajouts à l’expérience de jeu, souvent contre un tarif plus élevé.
Certaines entreprises sont tout de même accusées de limiter certains contenus déjà prêts pour les vendre ensuite en tant que DLC, comme si ces ajouts faisaient partie de la stratégie commerciale dès le début. Cette pratique touche parfois des contenus qui auraient dû être inclus dans le jeu de base. Cela peut créer une dynamique malsaine, où les joueurs ont le sentiment de ne pas avoir acheté un produit complet, mais plutôt une version incomplète d’un jeu qu’ils devront continuellement payer pour « compléter ».
- Le pay-to-win : payer pour devenir plus puissant
Le modèle pay-to-win (payer pour gagner) est l’une des méthodes de monétisation les plus détestées des joueurs. Il permet aux joueurs d’acheter des avantages dans le jeu, comme des améliorations de personnages ou des objets puissants, qui leur permettent de surpasser les joueurs qui ne dépensent pas d’argent. Ce modèle est particulièrement fréquent dans les jeux mobiles, comme Clash of Clans ou Candy Crush, mais on le retrouve aussi dans certains jeux en ligne massivement multijoueurs (MMO).
Ce modèle crée des inégalités notables entre les joueurs payants et non payants. Si la balance n’est pas correctement gérée, les joueurs gratuits risquent de se sentir frustrés et découragés. Si ces derniers ont l’impression qu’ils ne pourront jamais rivaliser avec les payeurs, ils finiront par abandonner le jeu. Le but est donc de maintenir une certaine équité dans l’expérience de jeu tout en exploitant les joueurs les plus enthousiastes.
L’impact des loot boxes et de la publicité sur les jeux vidéos
Pendant un certain temps, les loot boxes (boîtes à butin) ont été une méthode de monétisation populaire. Ces boîtes contiennent des objets aléatoires, souvent cosmétiques, que les joueurs peuvent obtenir en jouant ou acheter avec de l’argent réel. Bien que ce système ait généré d’importants revenus pour les studios, il a été fortement critiqué, notamment parce qu’il ressemble à du jeu d’argent.
Les loot boxes sont souvent perçues comme une forme de « jeu d’argent » qui implique une forme de hasard, ce qui a poussé plusieurs pays européens à interdire leur utilisation dans les jeux vidéo.
La publicité dans les jeux est également un sujet sensible. Si la publicité est un moyen viable de monétiser un jeu, elle ne doit pas nuire à l’expérience des joueurs. Des plateformes comme Steam ont interdit les modèles qui bloquent l’accès au jeu derrière des publicités ou qui imposent aux joueurs de regarder des publicités pour avancer dans le jeu.
Cela dit, les placements de produits dans le jeu, ainsi que les publicités en dehors de la plateforme (comme sur les réseaux sociaux ou autres sites partenaires), sont toujours autorisés.
Le phénomène Gacha et les dérives de la monétisation en Asie
Le modèle Gacha, qui repose sur un système de tirage aléatoire pour obtenir des objets ou personnages, est particulièrement populaire en Asie. Des sociétés comme GungHo, le développeur de Puzzle & Dragons, ont investi des centaines de millions d’euros dans des jeux basés sur ce modèle, mais sans succès commercial notable.
En 2023, des rapports ont révélé que GungHo avait dépensé environ 640 millions d’euros sur plusieurs projets qui n’ont pas généré de revenus suffisants pour être rentables. Enchaînant des échecs commerciaux répétés, le PDG de la société, Kazuki Morishita, a vu son salaire augmenter de manière spectaculaire, ce qui a provoqué la colère des actionnaires.