L’ancien président brésilien Jair Bolsonaro a passé son week-end derrière les barreaux après avoir tenté d’endommager son bracelet électronique, geste interprété par la Cour suprême comme une manœuvre pour disparaître avant le début de sa peine de vingt-sept ans de prison. Son arrestation, spectaculaire et encore fraîche, a résonné jusque sur le sable de Copacabana, où la Pride de Rio s’est transformée en vaste célébration de son incarcération.
Une nuit trouble, un bracelet forcé et une arrestation à l’aube pour Jair Bolsonaro
Les faits commencent peu après minuit : le boîtier de suivi attaché à la cheville de Bolsonaro envoie un signal suspect. Le dispositif semble avoir été forcé. Selon les propres déclarations de l’ex-chef d’État, un accès d’angoisse et des hallucinations provoquées par un changement de traitement l’auraient poussé à utiliser… un fer à souder.
Ses avocats et médecins reprennent cette version, parlant d’un moment de confusion.
Le juge Alexandre de Moraes, qui supervise plusieurs procédures liées aux événements du 8 janvier 2023, n’y croit guère. Dans une décision rare rendue un samedi, il ordonne l’arrestation immédiate de Bolsonaro, estimant qu’il existe un risque réel de fuite.
Aux premières heures du matin, les agents fédéraux interviennent. À six heures, ils entrent dans la résidence du septuagénaire, l’embarquent et le conduisent au siège de la police fédérale à Brasília. Des sympathisants campaient dans le quartier depuis la veille, tandis qu’un rassemblement organisé par l’un de ses fils devait avoir lieu plus tard dans la journée.
Quelques heures plus tard, une formation restreinte de la Cour suprême se réunit en ligne. Les quatre juges, Alexandre de Moraes, Flávio Dino, Cristiano Zanin et Carmen Lúcia, valident d’une seule voix le maintien en détention préventive.
La chute d’un dirigeant qui voulait rester au pouvoir
Cette arrestation marque le dernier épisode d’un long feuilleton judiciaire.
En septembre, Bolsonaro a été condamné à vingt-sept ans de prison pour avoir encouragé une tentative de renversement institutionnel après sa défaite face à Luiz Inácio Lula da Silva en 2022.
Depuis, il vivait en résidence surveillée, surveillé en permanence par un bracelet électronique.
Samedi, cette surveillance a été rompue ou du moins suffisamment endommagée pour faire réagir les autorités. Pour le juge de Moraes, il ne s’agit pas d’un simple incident technique ou d’une crise d’angoisse : il y voit un signe annonciateur d’un départ précipité du pays.
Une vraie joie suite à son arrestation lors de la parade de Rio
Pendant que Bolsonaro est interrogé à Brasília, la foule commence à se rassembler à Copacabana. Rio célèbre sa Pride annuelle, un événement devenu immense au fil des ans, mais l’ambiance prend cette fois une dimension inattendue.
Sur les camions-sonos, les animateurs crient : « Il est en prison ! » et « Dehors Bolsonaro ! ». Les cris déclenchent des vagues d’acclamations parmi les participants drapés de drapeaux arc-en-ciel.
Pour beaucoup, ce moment sonne comme un renversement symbolique après des années d’hostilité ouverte de l’ex-président envers les personnes LGBTQ+.
Emy Mateus Santos, professeure de danse de 25 ans, porte un T-shirt aux couleurs du drapeau brésilien, longtemps accaparé par le camp bolsonariste.
« Je veux le reprendre, ce drapeau. Ce sont nos couleurs aussi », explique-t-elle. « On a vu trop de haine ces dernières années. Savoir qu’il répond enfin de ses actes, ça donne de l’air. »
Bolsonaro avait multiplié les insultes à caractère homophobe pendant sa carrière politique. Un jour, il s’était même décrit comme un « fier homophobe ». Ces prises de position l’ont isolé d’une partie de la population, mais nourri une frange ultra-conservatrice toujours active.
Rio a organisé la première marche des fiertés du pays il y a trente ans. Les organisateurs rappellent souvent qu’à l’époque, ils devaient fabriquer eux-mêmes des masques en papier mâché pour protéger l’identité des participants, qui risquaient de perdre leur emploi ou d’être rejetés par leur famille.
« Aujourd’hui, les masques servent à faire la fête », sourit Cláudio Nascimento, l’un des organisateurs historiques.
Mais la fête n’efface pas la réalité : la violence contre les personnes LGBTQ+ reste élevée. En 2024, l’association Gay Group from Bahia recense au moins 291 morts violentes, chiffre en hausse par rapport à l’année précédente.
Pour beaucoup, l’incarcération de Bolsonaro n’est donc pas seulement un événement politique : c’est un moment où certains sentent que l’air devient un peu plus respirable.
Dani Balbi, première femme trans élue au parlement régional de Rio, résume ce sentiment : « Pendant son mandat, il a réduit presque toutes les politiques publiques destinées à protéger et soutenir notre communauté. Voir son arrestation tomber juste avant la Pride, puis des dizaines de milliers de personnes dans la rue, c’est comme tourner une page. Et j’espère qu’on ne la rouvrira plus. »


