À l’approche des élections municipales de 2026, des questions traversent de plus en plus de territoires : comment mieux nourrir les habitants? Comment préparer l’avenir agricole, sanitaire et environnemental des communes ?
Guillaume Michel, directeur du Groupement des Agriculteurs Bio des Côtes-d’Armor, l’a dit. « Nous sommes à un moment charnière. Les élections municipales de 2026 sont l’occasion de réfléchir à ce que l’on veut pour les six prochaines années : une alimentation de qualité, locale, accessible, et une agriculture qui fait sens sur nos territoires. »
Un réseau structuré au service des territoires
Jérôme Lep, chargé de mission territoire au Groupement des agriculteurs bio du Finistère (GAB 29), rappelle que chaque département breton dispose de son GAB, coordonné à l’échelle régionale par la Fédération régionale de l’agriculture biologique (FRAB), elle-même reliée à la Fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB).
« En Bretagne, ce sont six structures, environ 80 salariés, des techniciens et chargés de mission dédiés au développement de la bio et de ses filières sur les territoires », précise-t-il. Un réseau qui ne travaille pas uniquement avec les producteurs, mais aussi avec les collectivités, via le réseau des Territoires Bio, par exemple, composé exclusivement de communes et d’intercommunalités engagées.
Où en est la bio aujourd’hui en Bretagne et en France ?
Les chiffres montrent réellement le poids de l’agriculture biologique et ses fragilités aussi. En Bretagne, environ 10 % de la surface agricole est aujourd’hui cultivée en bio, et près de 16 % des fermes sont certifiées. On compte près de 4 200 fermes bio dans la région, contre un peu plus de 60 000 à l’échelle nationale.
Après une période de croissance continue, la filière a toutefois connu une inflexion. Entre 2022 et 2023, les surfaces bio ont reculé d’environ 1 %. C’est un signal d’alerte, mais la dynamique d’installation reste forte. « Un agriculteur qui s’installe sur deux aujourd’hui choisit la bio », explique Jérôme Lep. Ces projets sont en effet souvent portés par une quête de sens, au-delà d’un profit purement économique.
La bio : un choix de santé publique avant tout
Pourquoi soutenir l’agriculture biologique à l’échelle communale ? Julia Bastide, chargée de mission alimentation et territoire au GAB du Morbihan, insiste sur un premier argument décisif : la santé.
« L’agriculture biologique protège d’abord ceux qui produisent », rappelle-t-elle. Les maladies professionnelles liées à l’usage des pesticides, comme la maladie de Parkinson ou certains cancers, sont aujourd’hui reconnues chez les agriculteurs conventionnels.
Les bénéfices pour les consommateurs sont désormais documentés : une étude menée par l’INRAE, l’INSERM et l’Université Paris-13 montre une diminution de 25 % du risque de cancer chez les consommateurs réguliers de produits bio.
La biodiversité est le nouveau combat pour les municipales
En trente ans, les populations d’oiseaux et d’insectes se sont effondrées en Europe. Sur les parcelles bio, on observe pourtant jusqu’à 32 % d’individus en plus et 23 % d’espèces supplémentaires.
La question de l’eau, compétence directe des collectivités, est tout aussi centrale. Entre 1980 et 2024, près d’un tiers des captages d’eau potable ont été fermés en France, principalement en raison des nitrates et des pesticides. « Certaines collectivités choisissent aujourd’hui de soutenir financièrement les agriculteurs en bio sur les aires de captage, car cela coûte moins cher que de dépolluer l’eau a posteriori », explique Julia Bastide.
Derrière les prix affichés dans les rayons se cachent des coûts bien réels. Une étude récente, L’injuste prix de notre alimentation, estime à près de 19 milliards d’euros par an les impacts négatifs du système alimentaire actuel en France : dépenses de santé, dégradation environnementale, coûts sociaux. Des charges supportées en grande partie par l’État et les collectivités.
À l’inverse, l’agriculture biologique génère jusqu’à 30 % d’emplois supplémentaires par ferme et favorise les circuits courts, contribuant directement à l’économie locale.
Les municipalités ont les cartes en main pour les municipales
Contrairement à une idée reçue, les collectivités disposent de nombreux leviers d’action. La restauration scolaire, compétence obligatoire des communes, constitue un point d’entrée évident. Commander des produits bio et locaux, c’est soutenir les producteurs du territoire tout en envoyant un signal fort aux futurs installés.
Mais d’autres leviers existent. On peut citer la gestion du foncier agricole, l’accompagnement des changements de pratiques, la sensibilisation des habitants, ou encore le renouvellement générationnel. « Même lorsque ce n’est pas une compétence obligatoire, rien n’interdit à une commune d’agir », rappelle Julia Bastide. Elle prend l’exemple de collectivités ayant mis en place une véritable “politique agricole communale”.
Quentin Maille, chargé de mission en Ille-et-Vilaine, présente plusieurs initiatives locales. Certaines communes ont mis en place des programmes de sensibilisation à destination des élèves de CM1-CM2, combinant ateliers pédagogiques, visites de fermes bio et éducation au goût.
D’autres collectivités ont facilité l’accès des producteurs bio aux marchés, créé des marchés dédiés, soutenu l’installation de magasins de producteurs ou lancé de vastes campagnes de communication valorisant les fermes locales.
À Quimper, la gestion du foncier a permis l’émergence de projets emblématiques comme la ceinture maraîchère bio ou le projet Quartier fertile à Kermoysan, installant des maraîchers biologiques au cœur même de la ville


