Le Premier ministre indien Narendra Modi a annoncé lors d’une récente allocution radiophonique que le nouveau corridor de transport dévoilé en marge du sommet du G20 à Delhi deviendrait la base du commerce mondial pour des centaines d’années à venir. Cette déclaration fait suite à l’annonce du projet du corridor économique Inde-Moyen-Orient-Europe (IMEC), qui semble marquer un resserrement des relations entre les États-Unis et l’Arabie saoudite.
Les États-Unis, représentés par le président Joe Biden, et l’Arabie saoudite, représentée par le prince héritier Mohammed ben Salmane, ont annoncé conjointement l’IMEC, signe d’un rapprochement entre les deux pays. Le projet vise à renforcer les liens de transport et de communication entre l’Europe et l’Asie grâce à des réseaux ferroviaires et maritimes, tout en servant les intérêts de la politique étrangère américaine.
Ravi Agarwal, rédacteur en chef du magazine Foreign Policy, a souligné que la politique étrangère américaine vise principalement à servir les intérêts des États-Unis contre la Chine. Cependant, certains experts estiment que les États-Unis ne bénéficieront pas directement du projet, le comparant à la réunion entre le Japon et la Corée du Sud à Camp David, qui avait permis de détendre les relations entre les deux nations pacifiques face à l’expansionnisme chinois.
L’IMEC est également perçu par de nombreux observateurs comme une réponse des États-Unis à l’Initiative Belt and Road (BRI) de la Chine, un projet mondial visant à connecter la Chine à l’Asie du Sud-Est, à l’Asie centrale, à la Russie et à l’Europe.
La pertinence de la comparaison avec la BRI
Cette année marque le dixième anniversaire du lancement de la BRI par le président chinois Xi Jinping. Certains estiment que les ambitions initiales du projet ont considérablement diminué, notamment en raison du ralentissement économique de la Chine. Certains pays, comme l’Italie, expriment leur volonté de se retirer, tandis que d’autres, comme le Sri Lanka et la Zambie, se retrouvent piégés dans des dettes qu’ils ne peuvent pas rembourser.
La BRI a également été critiquée pour diverses raisons, notamment ses objectifs sous-jacents visant à obtenir une influence stratégique grâce à une empreinte développementale, la mise en place de chaînes de valeur centrées sur la Chine, le manque d’attention aux besoins locaux, le manque de transparence, le non-respect de la souveraineté, les impacts environnementaux négatifs, la corruption et le manque de supervision financière, comme l’a écrit Girish Luthra, membre de l’Observer Research Foundation, dans un article récent.
Malgré ces difficultés, la Chine a réalisé des progrès remarquables avec la BRI, tandis que l’IMEC est loin d’être son rival, selon Parag Khanna, auteur de Connectography. L’IMEC peut au mieux être considéré comme un corridor de volume modéré, sans pouvoir rivaliser avec la BRI en termes d’ampleur et d’impact.
Les défis à relever
L’accord de principe de l’IMEC manque encore de détails concrets, mais un plan d’action est attendu dans les 60 prochains jours. La mise en œuvre du projet sera extrêmement complexe, notamment en ce qui concerne la mise en place d’une nouvelle architecture douanière et commerciale pour harmoniser la paperasserie.
De plus, il existe des complexités géopolitiques évidentes liées aux relations entre les pays partenaires tels que les États-Unis, Israël et l’Arabie saoudite, qui ne partagent pas toujours les mêmes points de vue. La concurrence de l’IMEC avec le canal de Suez en Égypte, utilisé pour le transport de marchandises entre Mumbai et l’Europe, pourrait également poser problème, car le transport maritime par le canal est plus économique, plus rapide et moins contraignant.
Malgré ces défis, l’IMEC ambitionne de couvrir divers domaines, de l’électricité à la cybersécurité, tout en poursuivant des discussions entamées dans des forums de sécurité tels que le Quad.
En fin de compte, l’IMEC représente un développement majeur dans le paysage économique mondial, mais son succès dépendra de la capacité des pays partenaires à surmonter les obstacles logistiques, économiques et géopolitiques qui se dresseront sur leur chemin. L’avenir de ce corridor économique ambitieux reste à voir.