On ne connaît pas communément leurs noms car l’Histoire que l’on nous apprend les occulte majoritairement. Pourtant ces reines puissantes ont existé et elles ont marqué leurs peuples. Reines guerrières, stratèges hors-pairs ou reines aux métissages cachés, mettre en lumière leurs histoires nous permet de mieux comprendre l’Histoire.
Les Candaces, reines noires et protectrices des Africains
Il y eut les Candaces, reines noires du IIIe siècle avant Jésus-Christ. Cité dans la Bible, le royaume où elles régnèrent n’est pourtant pas méconnu : il s’agit du royaume de Koush. Elles régnaient depuis la ville de Méroé dans l’actuel Soudan, sur la rive Est du Nil. Les Candaces étaient des reines guerrières, implantées dans un système de pouvoir matrilinéaire. Elle se sont léguées le nom de Candace pendant près de 500 ans, basant également leur culte religieux sur une adoration commune. Elles adoraient le dieu cosmique Amon.
Ces reines africaines étaient redoutées dans le monde entier, craintes par Alexandre le Grand : à dos d’éléphants de guerre, certaines repoussaient les attaques, d’autres protégeaient contre l’invasion. Les travaux d’Hérodote, de Strabon et de Diorodus confirment l’existence de ces reines guerrières en Afrique. Celles dont le nom signifie « reine-mère » ou « femme royale » avaient une liberté comparable à celle des hommes – ce qui est étonnant pour l’époque – et un pouvoir indépendant aussi respecté que celui des pharaons.
Candace Amanirenas, Candace Amanishakhe, Candace Majaji ont particulièrement marqué l’Histoire. Longtemps en guerre contre Rome, inspirant crainte et fascination aux Romains, l’Empire des Candaces connut sa fin en 350 avant Jésus-Christ.
Elles marquèrent une civilisation unique, profondément africaine qui n’a jamais eu besoin de colonisation extérieure pour être développée et qui rayonna encore plus pendant les 500 ans du règne héréditaire des Candaces.
La stratège Nzinga Mbandi, une reine africaine qui a marqué l’histoire de l’esclavage
Les Candaces ne sont qu’un exemple, de ces nombreuses femmes qui défient le stéréotype usé de la femme africaine et luttent contre l’oppression. Nzinga Mbandi est un modèle de résistance, encore aujourd’hui, pour son pays. Elle était à la tête des royaumes de Ndongo et du Matamba, l’actuel Angola et du peuple Ovimbundu.
Nzinga Mbende naît vers 1582, dans la famille royale de Ndongo. Très jeune, le père de Nzinga lui enseigna l’art et les tactiques de la guerre, ainsi que l’écriture, la lecture et le langage portugais. Elle bénéficie d’une formation militaire et politique exceptionnelle. La reine noire maîtrise aussi les relations commerciales à la perfection : elle s’allie avec des pays tels que le Pays-Bas pour combattre le Portugal.
Elle arrive finalement au pouvoir à 43 ans, après la mort de son frère, Ngola Mbende, et l’assassinat contre le prince héritier, son neveu Kaza. Elle fut soupçonnée d’avoir mis en œuvre ces deux morts. Entre 1631 et 1635, la reine capture la reine Mwongo Matamba et elle en envahit le royaume, qui est voisin, celui de Matamba. Sa stratégie est d’y instaurer une traite d’esclaves pour financer la guerre de son premier royaume.
Tout au long de son règne, elle choisit de se convertir, notamment au catholicisme, pour garantir des accords de paix afro-européens. Grâce à cela, son royaume fut reconnu par le Pape Alexandre VII, puisqu’elle était déclarée reine légitime et indépendante en tant que reine chrétienne.
Pendant quarante ans, elle se battit contre les colons portugais. Pour que la Traite des esclaves ne soit pas étendue à l’Afrique centrale, elle repoussa les colons jusqu’en 1663 où elle meurt de vieillesse. La série Netflix éponyme, sortie le 15 février 2023, retrace son ascension et la puissance de sa gouvernance féminine. Nzinga a porté l’espoir et la défense d’un peuple de manière redoutable.
« La Mère de l’Angola » bouleverse, par son histoire, l’histoire coloniale, la mémoire de l’esclavage et l’histoire de la condition des femmes et des reines africaines. Elle préserva au mieux jusqu’à son dernier souffle l’identité culturelle de son peuple.
Pourquoi les reines noires posent problème ? L’exemple potentiel de la Reine Charlotte.
Charlotte de Mecklembourg-Strelitz intéresse beaucoup les historiens. Cette reine anglaise du XVIIIe siècle n’a, à première vue, rien d’africain. Pourtant, les ambiguïtés en ce qui concerne ses origines ethniques soulèvent un véritable problème dans la diffusion populaire des découvertes historiographiques. En effet, ce type de découvertes contredit l’idée reçue que les puissants de l’Histoire étaient uniquement d’ascendance européenne et caucasienne.
L’épouse de Georges III reste respectée pour la dignité avec laquelle elle est montée sur le trône en 1761, seulement âgée de 17 ans, et le courage qu’il lui fallut pour affronter un royaume dépourvu d’un roi sain d’esprit.
Elle encouragea les arts et se fit également mécène dans le domaine de la botanique, accompagnant aussi des grands noms comme Bach ou Mozart. Celle qui donna naissance à 15 héritiers intéresse aujourd’hui d’autant plus qu’elle aurait été la première reine afro-descendante à régner sur l’Angleterre.
Cela remonterait potentiellement à une descendance de 15 générations, le roi portugais Alphonse III aurait eut une aventure avec une maîtresse d’origine supposée étrangère Madragana Mor Alfonso.
Les portraits faits de Charlotte montrent des traits plus africains subsahariens qu’européens : une chevelure fournie, un nez arrondi, une bouche pulpeuse. Quant-à la couleur de sa peau, certaines recherches envisagent que sa peau aurait été éclaircie pour correspondre au monopole européocentré de l’époque.
Christian Friedrich von Stockmar (1787-1863), le célèbre médecin de la famille de Saxe-Cobourg, écrit au XVIIIe siècle que Charlotte était « petite et tordue, avec un vrai visage de mulâtre ». Au XIXe siècle, ses narines étaient décrites comme « trop larges » par Horace Walpole, un homme politique britannique.
Dans la célèbre série Bridgerton, phénomène Netflix, la mère du Roi Georges demande aux peintres d’éclaircir la peau de la reine pour qu’elle soit plus « lumineuse » que jamais, sous-entendant très explicitement que la « condition » de la Reine ne doit pas être connue du monde. Le monde doit croire qu’elle est totalement blanche.
À partir des années 1940, on commence à évoquer plus sérieusement les potentielles origines africaines de la Reine Charlotte. Et en 1999, un site hébergé par la chaîne américaine PBS, reçoit en invité l’historien Mario de Valdes y Cocom qui soutient que son « apparence indubitablement africaine » et « sa physionomie négroïde sont le résultat de ses ancêtres africains éloignés ».
Les ancêtres en question appartiendraient à une branche noire de la famille royale portugaise. L’historien confirme que les portraits de la reine « avaient certainement une signification politique, puisque les artistes de l’époque étaient censés minimiser, adoucir ou même effacer les traits indésirables du visage d’un sujet », alors que sont visibles « les caractéristiques africaines évidentes dans tant de portraits de la reine ».
Le débat reste totalement ouvert et rien ne peut infirmer ni confirmer ces faits de façon certaine. Néanmoins, l’existence même d’un tel débat montre une invisibilisation historique des personnes, et particulièrement des femmes, puissantes et afro-descendantes. Les évolutions des recherches, du devoir de mémoire et du travail de représentations artistiques de ces reines puissantes font, heureusement, reculer cette invisibilisation.