Nick Fuentes, 27 ans, se revendique comme l’un des visages de la droite radicale américaine. Ses propos sont d’une violence qui semble inimaginable dans le paysage politique actuel : insultes racistes en direct, éloges d’Hitler, attaques contre les femmes ou encore dénonciations obsessionnelles d’un prétendu “complot juif mondial”. Pourtant, loin de le marginaliser, cette brutalité verbale l’a propulsé au rang de star d’internet. Sur X (anciennement Twitter), plus de 730 000 personnes le suivent, et ses vidéos sur Rumble, une plateforme prisée des conservateurs, récoltent des centaines de milliers de vues.
Le rejet des figures traditionnelles du conservatisme
Fuentes se distingue des personnalités MAGA classiques. Là où d’autres, comme Laura Loomer ou Candace Owens, se limitent à des insultes ciblées ou à des positions outrancières, Fuentes pousse la logique beaucoup plus loin. Lors d’un récent direct, il s’en est pris à J. D. Vance, vice-président et étoile montante du Parti républicain, en ridiculisant sa femme d’origine indienne et leurs enfants métis. Selon lui, un homme issu d’une telle famille ne pourrait jamais défendre une “identité américaine fondée sur l’ethnie”.
Un influenceur qui ne recule devant rien
Depuis ses débuts à l’université de Boston en 2017, Fuentes a choisi la provocation comme stratégie de visibilité. Après avoir assisté au rassemblement meurtrier de Charlottesville cette même année, il quitte les bancs de la fac et se consacre à ses émissions en ligne. Il y parle de “multiculturalisme comme d’un cancer” et défend l’idée que la ségrégation raciale aurait été préférable pour l’Amérique. Cette radicalité séduit une partie de la jeunesse blanche désabusée, qui se retrouve dans son discours pessimiste sur l’avenir : endettement, impossibilité d’acheter une maison, sentiment d’exclusion dans une société diversifiée.
Le plus inquiétant est son influence grandissante dans les cercles proches de Donald Trump. Même si l’ancien président a officiellement pris ses distances après un dîner controversé avec Fuentes et Kanye West en 2022, les passerelles demeurent. Certains de ses partisans occupent déjà des postes sensibles, comme Paul Ingrassia, nommé à un rôle de liaison avec le Département de la Sécurité intérieure. Des mèmes issus de la communauté des “Groypers”, les fidèles de Fuentes, ont même été repris par Trump sur ses propres réseaux.
Fuentes représente une stratégie de rupture avec le “système MAGA”
Fuentes ne se contente pas d’applaudir les grandes figures de la droite. Au contraire, il n’hésite pas à les critiquer frontalement, y compris Trump lui-même, qu’il accuse d’avoir trahi sa base en se montrant trop conciliant sur certains dossiers comme l’Iran ou l’affaire Epstein. Là où d’autres commentateurs de droite se plient à la ligne officielle, Fuentes joue la carte de l’indépendance. Il se présente comme celui qui ose dire tout haut ce que les autres pensent tout bas, et ce franc-parler radical lui attire une loyauté solide parmi ses partisans.
Le risque d’une normalisation
Si Fuentes reste officiellement en marge, son influence s’étend. De nombreux campus universitaires voient apparaître des groupes proches de ses idées, infiltrant des organisations étudiantes conservatrices et préparant la relève politique de demain. Les débats publics sur l’immigration, l’identité nationale ou le rôle de la religion sont de plus en plus contaminés par son vocabulaire brutal. Contrairement à Richard Spencer, qui s’est effondré après un pic de notoriété, Fuentes semble avoir trouvé une formule plus durable : une ligne politique claire, une mise en scène provocatrice et une communauté de jeunes fidèles prêts à le suivre.
L’histoire américaine a connu d’autres figures extrémistes qui ont fini par s’éteindre, mais Fuentes bénéficie d’un contexte différent : les réseaux sociaux, la polarisation politique extrême, et une jeunesse en quête de repères. Même si sa popularité devait décliner, ses idées, elles, risquent de rester. Ses fans, les « Groypers » ont déjà prouvé qu’ils savaient se mobiliser et perturber des événements républicains, et leur influence dans les cercles conservateurs locaux ne cesse de croître.
Nick Fuentes se présente comme un outsider libre de toute contrainte. Mais derrière cette posture, c’est une vision du monde profondément raciste, misogyne et antisémite qui gagne en visibilité. Que l’on prenne ou non ses outrances au sérieux, il façonne peu à peu l’avenir de la droite américaine. Et c’est bien là que réside le danger.


