Du 9 au 11 juillet, le sommet de l’OTAN a marqué une escalade sans précédent dans la rivalité sino-américaine. Sous la pression des États-Unis, l’Alliance atlantique a adopté des résolutions d’une agressivité inédite envers la Chine. Ce sommet illustre la volonté de Washington de transformer le soutien européen à l’Ukraine en une coalition stratégique contre Pékin.
L’extension de la rivalité sino-américaine est visible au Sommet de l’OTAN.
Depuis plus d’une décennie, les États-Unis et la Chine sont engagés dans une guerre commerciale. La Chine, avec un succès croissant, tente de s’émanciper des échanges inégaux imposés par Washington. Profitant de l’approfondissement des liens économiques entre Pékin et Moscou, les États-Unis cherchent à rallier les pays européens à leur politique agressive, en faisant de la rivalité avec la Chine un objectif fondamental de l’OTAN.
La réunion a particulièrement mis en lumière les préoccupations des membres de l’OTAN concernant la politique étrangère chinoise. Une déclaration conjointe a souligné le rôle de la Chine en tant que soutien stratégique de la Russie dans la guerre en Ukraine. En fournissant à la Russie des composants à double usage, Pékin contribue à l’effort de guerre russe, ce qui constitue une menace pour la sécurité euro-atlantique. L’OTAN appelle la Chine à cesser tout soutien matériel et politique à la Russie, soulignant que cela pourrait nuire à ses propres intérêts et à sa réputation internationale.
La Russie, affectée par la fermeture du marché énergétique européen, redirige ses exportations vers la Chine, malgré la capacité limitée du marché chinois à absorber ces flux. En retour, la Chine exporte des produits manufacturés et des composants militaires vers la Russie. Cependant, ces produits ne suffisent pas à compenser les difficultés de l’industrie militaire russe, privée des technologies européennes.
Antony Blinken, secrétaire d’État américain, a clairement exposé la stratégie des États-Unis : démanteler les cloisons entre l’Europe, l’Asie et les États-Unis pour inclure les alliés européens dans la guerre commerciale contre Pékin. Il a insisté sur l’assistance chinoise à la Russie, que l’OTAN tend à surévaluer, pour rallier les pays européens à la politique indopacifique américaine.
Les divisions internes dans l’OTAN auront des répercussions sur l’Europe.
La stratégie américaine de décloisonnement, visant à étendre la guerre commerciale sino-américaine à l’Europe, ne fait pas l’unanimité parmi les puissances européennes, exacerbant les divisions internes de l’OTAN. La France, par exemple, estime que l’OTAN n’a pas vocation à s’impliquer dans l’Indopacifique. Emmanuel Macron a déclaré : « Il ne s’agit nullement de rentrer dans une logique de bloc. Il nous faut bâtir des coopérations mais en aucun cas faire de l’OTAN une alliance de défense qui aurait à se déployer en Asie-Pacifique ». Pour la France, la priorité reste la menace russe en Ukraine.
Cependant, certains diplomates européens voient l’engagement dans les tensions indopacifiques comme une manière de garantir la sécurité du continent et de maintenir l’approvisionnement des forces ukrainiennes. Ulf Kristersson, premier ministre suédois, a souligné l’importance de répondre aux préoccupations sécuritaires des États-Unis pour obtenir leur soutien en Europe.
La question de l’intégration de l’Ukraine dans l’OTAN a été un point de discorde majeur. Les États-Unis, appuyés par l’Allemagne, refusent cette option pour éviter une escalade avec la Russie, tandis que la France et le Royaume-Uni plaident en faveur de l’intégration.
La Redéfinition des priorités stratégiques américaines
Le sommet de l’OTAN a également mis en lumière la hiérarchisation des priorités américaines. En redéfinissant ses objectifs militaires, Washington cherche à consolider ses positions indopacifiques tout en désengageant partiellement l’Europe. Comme le souligne Camille Grand, ancien fonctionnaire de l’OTAN, les États-Unis concentrent de plus en plus leur politique étrangère et sécuritaire sur l’Indopacifique.
Cette redéfinition stratégique menace la stabilité du continent européen. Jo Inge Bekkevold, spécialiste de la Chine, avertit que le désengagement relatif des États-Unis pourrait conduire à une structure de pouvoir multipolaire en Europe, susceptible de provoquer des conflits.
Le sommet de l’OTAN témoigne des tentatives américaines de transformer l’alliance atlantique en un outil stratégique contre la Chine. Cette stratégie, qui exacerbe les divisions internes européennes, pourrait avoir des répercussions significatives sur la stabilité du continent. Les prochains mois seront cruciaux pour observer comment les puissances européennes naviguent dans ce contexte géopolitique complexe et redéfinissent leurs propres priorités stratégiques.