Pour beaucoup de Français, l’élection Miss France est une manière de valoriser la beauté des femmes de l’hexagone. Si nous ne connaissions que trop bien les controverses quant au “sexisme” de ce concours, nous voilà maintenant face à beaucoup de Miss qui se plaignent d’être victimes de racisme. Sabah Aib, Miss Nord-Pas-de-Calais affirme en être la cible. Mais une vraie question à se poser est la suivante: Est-ce que les Miss n’exaggèrent pas un peu pour attirer de la sympathie avant les élections?
Selon le récit de Sabah Aib, Miss France serait une élection marquée par la haine.
Sabah Aib, âgée de 18 ans, a été élue Miss Nord-Pas-de-Calais en octobre 2024. Ce moment qui aurait dû être une consécration s’est rapidement transformé en une expérience amère pour la jeune femme. Dès le lendemain de son élection, Sabah a déclaré sur Instagram être la cible d’une “vague de haine raciste”, principalement en raison de ses origines algériennes et marocaines. Ces propos ont suscité de nombreuses réactions, certains exprimant leur soutien à la candidate, tandis que d’autres alimentaient encore davantage cette haine en ligne.
Dans son post, Sabah Aib a tenu à rappeler son identité profondément française, malgré ses racines. Elle a affirmé avec force : « Je suis née en France tout comme mes parents, nous nous considérons avant tout comme Français ». Ce positionnement fait écho à de nombreuses candidates avant elle, notamment celles issues de la diversité, qui ont souvent dû se défendre face à des accusations similaires. Mais Sabah a choisi de mettre au premier plan ces attaques, une stratégie qui pourrait soulever des questions sur l’importance accordée à sa victimisation dans les médias.
Sabah Aib gagnerait beaucoup à se victimiser.
Dès son premier message sur les réseaux sociaux, Sabah Aib s’est positionnée comme la victime d’une société encore trop fermée, selon elle, aux questions de diversité. Mais certains se demandent si ce choix de communication ne la place pas dans une posture de victimisation qui pourrait occulter ses autres qualités en tant que Miss. A l’heure des réseaux sociaux, la moindre attaque devient immédiatement visible et amplifiée, souvent au détriment du reste du parcours des candidates.
Il est vrai que le racisme est un fléau auquel il est nécessaire de s’attaquer mais la manière dont Sabah choisit de rendre public chaque détail de cette « vague de haine » peut paraître, à certains, comme une manière de se distinguer davantage en tant que victime que comme candidate potentielle au titre de Miss France.
D’autant plus qu’il faut rappeler que Sabah Aib peut tout à fait passer pour une femme blanche de par ses cheveux blonds et ses yeux bleus. Il est difficile d’imaginer des attaques racistes très poussées alors que seul son nom montre ses origines. Il est beaucoup plus facile d’y voir une stratégie peu élaborée pour obtenir un “coup de pouce” d’un public français, outré qu’une jolie jeune femme soit victime de racisme.
En réalité, il est plus probable qu’elle essaie de copier d’autres Miss France qui ont obtenu la sympathie de leur public en exposant la haine à laquelle elles font face.
Nous pensons notamment à Vaimalama Chaves.
Vaimalama Chaves, ancienne Miss France 2019, s’est imposée comme une figure emblématique de la lutte contre le racisme, marquant son règne par un discours engagé. Originaire de Tahiti, Chaves a souvent mis en lumière les difficultés auxquelles sont confrontées les femmes issues des minorités dans des environnements souvent perçus comme élitistes, à l’image des concours de beauté. En tant que Miss France, elle a porté haut les couleurs de la diversité, non seulement à travers ses origines polynésiennes mais aussi par son franc-parler sur les réseaux sociaux où elle dénonçait régulièrement les discriminations dont elle était victime.
Ce positionnement courageux a rapidement fait d’elle une héroïne pour de nombreuses personnes, notamment pour celles qui partagent des parcours similaires et qui cherchent à briser les stéréotypes raciaux et sociaux. Vaimalama Chaves n’a pas hésité à exposer les attaques racistes qu’elle recevait, notamment sur son physique ou ses origines, et a riposté avec dignité, offrant une voix à celles et ceux qui n’en avaient pas. Cependant, ce rôle de militante n’est pas sans générer une certaine méfiance dans l’univers des concours de beauté. De nombreuses Miss pourraient être tentées de suivre cet exemple pour attirer l’attention des médias et augmenter leur popularité.
Certaines critiques voient en cette tendance une stratégie pour capitaliser sur un sujet sensible, où la dénonciation du racisme devient un levier de visibilité. Pour ces Miss, s’associer à la lutte contre le racisme peut se transformer en un argument de légitimité, mais cela pose la question de la sincérité.
Chaves a ouvert la voie, mais il est légitime de se demander si toutes celles qui empruntent ce chemin de dénonciation du racisme partagent le même engagement ou si certaines le voient comme une opportunité stratégique dans leur carrière. Cette instrumentalisation potentielle du racisme suscite donc un débat: jusqu’où le combat est-il véritablement porté par la cause, et quand devient-il une arme pour servir des ambitions personnelles.
Le racisme que Sabah Aib “dénonce” est avant tout la réalité que chaque Miss sera critiquée pour quelque chose.
Sabah Aib n’est pas la première Miss à faire face à des critiques basées sur ses origines. L’histoire récente du concours Miss France est marquée par des précédents similaires.
On se souvient de Flora Coquerel, élue Miss France 2014, qui avait été la cible de nombreuses insultes à caractère raciste en raison de sa couleur de peau. Flora avait choisi de ne pas accorder d’importance à ces attaques, préférant se concentrer sur son rôle de Miss et sur les messages positifs qu’elle pouvait transmettre.
Sonia Rolland, Miss France 2000, d’origine franco-rwandaise, avait également subi une avalanche d’insultes racistes, allant même jusqu’à recevoir des menaces et des lettres haineuses. À l’époque, les réseaux sociaux n’avaient pas encore l’impact qu’ils ont aujourd’hui, et pourtant, elle aussi avait réussi à traverser cette épreuve avec dignité, sans chercher à en faire un sujet central de son parcours.
Le cas d’April Benayoum, Miss Provence 2020, montre encore une fois cette triste réalité. Victime d’une vague d’attaques antisémites après avoir révélé ses origines israélo-italiennes en direct à la télévision, elle avait néanmoins réussi à éviter de transformer cette haine en moteur de son expérience de Miss.
Ces cas illustrent l’idée que beaucoup de Miss France font face à des commentaires racistes, mais le fait que beaucoup de Miss d’origines diverses soient élues au fil des années prouve que la France n’est pas raciste et qu’il y a probablement une intention de se promouvoir par la victimisation chez Sabah Aib.
Il faut aussi se rappeller que chaque Miss France est critiquée pour quelque chose. Maëva Coucke, Miss France 2018, avait suscité des commentaires désobligeants en raison de sa couleur de cheveux rousse. Dans un monde où les stéréotypes de beauté sont encore largement dominés par des normes de cheveux blonds ou bruns, Coucke a été confrontée à des critiques sur son apparence, simplement parce que sa chevelure rousse ne correspondait pas aux attentes de certains.
Le racisme en France, c’est avant tout une affaire de succès.
Bien qu’il est largement possible que Sabah Aib se victimise et amplifie le nombre de commentaires racistes qu’elle ait reçu, il nous faut également rappeler que la France traite les produits de l’immigration comme des plats à la carte d’un restaurant. Ce racisme est souvent lié au succès ou l’échec d’une personne.
Tant que la performance est au rendez-vous, ces personnalités médiatiques sont célébrées comme de véritables figures nationales, mais au moindre faux pas, elles sont rapidement renvoyées à leurs origines étrangères. Ce double discours est particulièrement visible dans le domaine sportif, notamment avec des icônes comme Kylian Mbappé, qui incarne cette ambiguïté. Lorsqu’il brille sur le terrain et permet à la France de remporter des victoires, Mbappé est acclamé comme un héros français, un symbole de la diversité triomphante. Pourtant, lorsqu’il connaît des moments de doute ou de défaite, certains n’hésitent pas à lui rappeler qu’il est « d’origine », soulignant ainsi une appartenance nationale conditionnelle.
Ce phénomène n’est pas nouveau et reflète une logique perverse de récupération identitaire. La nationalité française devient, dans ce contexte, une sorte de badge temporaire, attribué aux citoyens issus de l’immigration selon leurs succès ou échecs. Ce mécanisme révèle une forme de racisme latent, où les individus sont valorisés tant qu’ils servent l’image de la France performante, mais sont dévalorisés dès qu’ils cessent de répondre aux attentes. Ce cycle de récupération et de rejet se retrouve également dans les concours de beauté, où les Miss sont acclamées pour représenter une France « diverse » et « ouverte » au moment de leur élection, mais sont rapidement la cible d’attaques dès qu’elles dévient des standards de beauté ou de comportement attendus.
Cette hypocrisie sociétale questionne profondément la conception de la citoyenneté en France. Pourquoi un Kylian Mbappé est-il pleinement français lorsqu’il fait gagner des trophées, mais redevient l’« autre » en cas de défaite ? Pourquoi une Vaimalama Chaves est-elle félicitée pour ses origines polynésiennes quand elle gagne, mais devient-elle la cible de critiques dès qu’elle s’affirme en tant que voix contre le racisme ? Ce phénomène montre à quel point l’acceptation de la diversité en France est souvent conditionnelle, dépendante des performances et des attentes, et non d’une reconnaissance inconditionnelle de l’identité française.