Ursula von der Leyen ne tourne plus autour du sujet : pour elle, soit l’Union européenne s’engage clairement aux côtés de l’Ukraine pour les prochaines années, soit elle prend le risque de laisser Kyiv sans filet financier solide. Lundi, la présidente de la Commission européenne a adressé une lettre aux 27 chefs d’État et de gouvernement afin de les pousser à se mettre d’accord d’ici le Conseil européen de décembre.
L’objectif est immense : trouver près de 135,7 milliards d’euros pour couvrir les besoins militaires et budgétaires de l’Ukraine jusqu’en 2027. Dans son courrier, Ursula von der Leyen insiste sur l’urgence d’une décision collective : les Vingt-Sept doivent cesser d’hésiter et choisir comment financer ce soutien, même si aucune option n’est simple ou confortable.
Elle le reconnaît d’ailleurs clairement : « il n’y a pas d’option facile ». Mais à ses yeux, rester indécis serait encore pire.
Ursula von der Leyen écrit qu’il faut répondre aux besoins colossaux de l’Ukraine
La Commission s’appuie sur les évaluations du Fonds monétaire international et des autorités ukrainiennes pour chiffrer l’effort à fournir. Pour 2026 et 2027, le calcul est brutal. Il faut plus de 80 milliards d’euros pour permettre à l’armée ukrainienne de continuer à se battre et à se moderniser et plus de 55 milliards d’euros pour soutenir le budget de l’État et éviter un effondrement économique.
Ces prévisions partent du principe que la guerre déclenchée par la Russie se terminerait à la fin 2026. Une hypothèse loin d’être garantie, mais qui sert de base de travail aux institutions européennes.
Même un cessez-le-feu durable paraît lointain. Dans ce contexte, l’Ukraine ne peut tout simplement pas financer seule son budget de guerre, ni se passer de l’aide étrangère. L’Europe est donc appelée à combler une partie majeure de ce gouffre financier, en complément des États-Unis et d’autres partenaires.
Il y a trois voies possibles, toutes sensibles pour les États membres
Dans sa lettre, Ursula von der Leyen décrit trois pistes de financement.
La première consisterait à demander aux États membres de verser environ 90 milliards d’euros directement à l’Ukraine, via des aides bilatérales. Il s’agirait de subventions non remboursables, inscrites dans les budgets nationaux. Chaque pays devrait donc assumer, devant ses citoyens, une dépense supplémentaire importante en faveur de Kyiv.
La deuxième piste serait une nouvelle émission de dette commune européenne, à hauteur de ces mêmes 90 milliards d’euros. L’Union se financerait sur les marchés, comme elle l’a déjà fait pour le plan de relance post-Covid. Les intérêts de cette dette devraient être couverts soit par des garanties nationales, soit par le budget européen lui-même. Mais une telle décision doit être approuvée à l’unanimité, ce qui promet des discussions difficiles, en particulier face à la Hongrie, très critique sur le soutien à l’Ukraine.
La troisième option se distingue : un « prêt de réparation » de 140 milliards d’euros gagé sur les actifs russes gelés dans l’Union. Concrètement, les liquidités générées par les avoirs de la banque centrale russe, immobilisés dans l’UE, serviraient de base à ce mécanisme. L’Ukraine ne serait tenue de rembourser ce prêt que si, un jour, Moscou accepte de payer des réparations. Sur le papier, cette voie pourrait réduire la charge directe pour les contribuables européens.
Mais cette idée ouvre un champ de mines juridique et politique.
Le casse-tête des actifs russes gelés
La plupart des actifs russes concernés sont déposés chez Euroclear, un géant de la compensation et du dépôt de titres basé à Bruxelles. C’est précisément ce point qui crispe la Belgique.
Le gouvernement belge refuse de se retrouver en première ligne face à d’éventuelles poursuites ou mesures de rétorsion de la part de la Russie. Le Premier ministre Bart De Wever exige que le risque soit pleinement partagé entre tous les États membres, et que l’UE se protège au maximum sur le plan juridique.
Ursula von der Leyen, dans sa lettre, ne nie pas ces dangers. Elle évoque clairement les « répercussions potentielles » d’un tel plan : contestations judiciaires, représailles économiques ou financières, réactions d’autres pays tiers inquiets de voir leurs propres réserves menacées à l’avenir.
Vendredi, la présidente de la Commission s’est rendue à Bruxelles pour rencontrer Bart De Wever et tenter de débloquer le dossier. Les discussions avancent, mais les progrès restent limités.


