En cette journée internationale des droits de la femme, nous souhaitions mettre en lumière ces femmes si souvent oubliées voire effacées de l’Histoire. Et pour ce faire, nous avons eu l’opportunité de nous entretenir avec Juan Pablo Salazar Andreu, avocat, historien et chercheur mexicain afin de vous présenter María de Estrada, une femme soldat et conquistadora qui a combattu auprès d’Hernan Cortés et conquis l’Amérique.
Des femmes effacées de l’histoire…
Nous connaissons peu de femmes qui ont marqué l’Histoire mais cela ne veut pas dire qu’elles ont été rares. Des noms résonnent et nous les connaissons tous : Simone Veil, Rosa Parks, Emmeline Pankhurst entre autres. Même si ces femmes ont vécu au siècle dernier, cela reste très récent à l’échelle de l’Histoire du monde. Qu’en est-il des femmes d’avant? Ont-elles joué un rôle dans le passé? Peu importe l’époque, la réponse est bien souvent : Oui! Malheureusement, peu de documents parlent d’elle. Il est alors difficile d’imaginer les efforts qu’elles ont accomplis et la vie qu’elles ont vécue.
La rôle des femmes dans la conquête de l’Amérique
L’histoire de la conquête espagnole en Amérique ne fait pas exception. Les recherches et les travaux qui restent de cette époque sont axés sur les hommes, mettant alors de côté, les exploits réalisés par les femmes. Ces femmes, qui ont tout autant participé à la conquête que les hommes et qui ont joué un rôle plus qu’essentiel. Elles étaient les mères des nouveaux habitants de la Nouvelle Espagne, elles s’occupaient du foyer, cuisinaient et certaines même étaient soldats.
María de Estrada, un des meilleurs soldats d’Hernán Cortés
María de Estrada fait partie des rares femmes dont le nom apparaît dans plusieurs chroniques et archives mais malheureusement celui-ci a vite été oublié au fil des siècles. C’était une femme soldat, très reconnue pour ses prouesses de guerre et considérée comme un des meilleurs soldats d’Hernán Cortés.
Elle a joué un rôle primordial dans la conquête de ce qui sera la Nouvelle-Espagne. Il n’existe que des hypothèses concernant son enfance mais ce que l’on sait, c’est qu’elle avait entre 30 et 40 ans lorsqu’elle embarqua, en 1509, pour la première fois en direction de l’Amérique, ce qui lui valut le surnom de La vieja (la vieille). Victorieuse dans la plupart des batailles auxquelles elle fait face, Diego Muñoz Camargo, chroniqueur de la Nouvelle Espagne, dit d’elle qu’elle a combattu avec tant de rage et de courage qu’elle a surpassé les efforts de n’importe quel homme.
Femme de caractère, elle ne se laissait pas intimider et allait au front lors des différentes batailles. Elle aurait même tenu tête à Hernan Cortés qui, voyant la bataille se compliquer, voulait la laisser en lieu sûr. Elle lui aurait alors dit : “ Ce n’est pas bien, mon capitaine, que des femmes laissent leur mari aller à la guerre; s’ils doivent mourir, nous mourrons aussi et il est important que les Indiens comprennent que nous, les Espagnols, sommes si courageux, que même les femmes savent se battre”.
Une fois Tenochtitlan, la capitale aztèque, conquise, Cortés offrit des encomiendas à ses meilleurs soldats. C’est pourquoi elle et celui qui fut son premier mari, Pedro Sánchez Farfán, reçurent les encomiendas de Tetela del Volcán et de Hueyapán. Comme le souligne Juan Pablo, “le fait qu’elle reçoive une encomienda, en dit beaucoup sur la reconnaissance de ses réussites”. Il précise “qu’à son époque, une femme pouvait difficilement agir comme le faisait un homme” montrant ainsi le caractère unique de cette femme. Enfin, elle et son second mari, Alonso Martín Partidor, furent parmi les 33 fondateurs de la ville de Puebla de los ángeles, ville d’où Juan Pablo Salazar Andreu est originaire. C’est une des villes les plus importantes de la Nouvelle Espagne et, aujourd’hui, la quatrième plus grande ville du Mexique.
Une Femme inspirante
La vie de María de Estrada a inspiré plusieurs auteurs comme Magolo Cárdenas avec María contra viento y marea (1994), Gloria Durán, autrice américaine avec María de Estrada : Gypsy Conquistadora (1999) ou des chercheurs tels que Juan Pablo Salazar Andreu qui a publié María de Estrada : mujer soldado, encomendera y fundadora de Puebla (2020).
Elle n’était pas la seule
María de Estrada n’était pas la seule femme conquistador; d’autres, comme Beatriz Bermúdez de Velazco, Elvira Hermosilla ou María Hernández, ont également existé. Cependant, c’est sur María que nous disposons le plus d’informations. Vous pourriez vous demander pourquoi parler de ces femmes aujourd’hui. Juan Pablo vous répondrait “qu’il est important de parler de ces femmes aujourd’hui, car leur empreinte et leurs actions n’apparaissent pas dans l’histoire de l’humanité.” Il continue en expliquant : “que les femmes d’aujourd’hui doivent voir, que depuis des siècles, le rôle des femmes dans l’Histoire est fondamental pour le développement de l’humanité”. Bien qu’elles ne soient pas mises en évidence, les femmes ont toujours eu un rôle important dans la société et il est essentiel de rétablir cette vérité. C’est pourquoi, en ce jour particulier, nous souhaitions leur rendre hommage.