Depuis son élection en 2022, Yoon Suk Yeol, ancien procureur général devenu président de la Corée du Sud, n’a cessé de diviser. Mais les événements récents, à savoir la déclaration de la loi martiale sont un renversement inattendu. En tentant d’instaurer cette loi martiale le 3 décembre 2024, une première en 40 ans, le président a plongé son pays dans une crise politique et sociale sans précédent, menaçant l’avenir de sa démocratie.
Désormais, Yoon fait face à une motion de destitution déposée par six partis d’opposition, qui l’accusent de violer la Constitution pour échapper à des poursuites criminelles.
La loi martiale en Corée du Sud se voulait éphémère.
La tentative de Yoon d’imposer la loi martiale, sous prétexte de contrer les “forces hostiles à l’État” et les “menaces communistes“, a choqué une nation qui avait tiré les leçons douloureuses des dictatures militaires passées. En 1980, une loi martiale similaire avait conduit à des massacres, notamment lors du soulèvement de Gwangju. Cette fois, le déploiement de troupes et d’hélicoptères militaires autour du parlement sud-coréen a ravivé des souvenirs sombres pour des millions de citoyens.
La levée rapide de la loi martiale après une forte pression de l’opinion publique et des députés a exposé l’isolement croissant de Yoon Suk Yeol, même au sein de son propre camp. Malgré cela, ses justifications ont renforcé le sentiment d’un dirigeant déconnecté et prêt à utiliser des mesures extrêmes pour conserver le pouvoir.
“Le 18 mai 1980, des milliers d’étudiants de Gwangju se sont rassemblés pour protester contre la loi martiale et la fermeture de leurs universités. La police et les soldats ont réagi avec une violence brutale, frappant les étudiants avec des matraques et les rassemblant pour les exécuter. Des étudiants et des passants ont été tués.”
Nodutdol, projet associatif coréen
Avant même ces événements, la cote de popularité de Yoon Suk Yeol stagnait sous les 30 %. Les sondages montrent que près de 70 % des Sud-Coréens désapprouvent sa gestion, une défiance exacerbée par des scandales de corruption et des politiques controversées.La motion de destitution déposée par l’opposition doit obtenir une majorité des deux tiers pour être adoptée, une tâche difficile dans un parlement divisé. Mais même si Yoon échappe à une destitution formelle, le poids politique et symbolique de cette initiative risque de paralyser son administration. Selon un sondage publié par Gallup Korea, 58 % des Sud-Coréens soutiennent la destitution de leur président, tandis que les manifestations dans les rues de Séoul réunissent des dizaines de milliers de personnes réclamant sa démission immédiate.
“Il y a une chose que vous devez savoir sur la Corée du Sud : Ce pays a la culture de la manifestation. Les gens n’avaient que quelques heures pour organiser une manifestation à l’Assemblée nationale, et pourtant ils avaient un orchestre, des représentations d’opéra et cette chanson de trot dont les paroles ont été modifiées pour plaider en faveur de la destitution du président Yoon. C’est fou.”
Kelly Kasulis Cho, journaliste reporter en Corée du Sud
L’opposition, renforcée par une mobilisation populaire sans précédent depuis des années, appelle à une “grève générale illimitée” pour forcer Yoon à quitter ses fonctions. La Confédération coréenne des syndicats, avec ses 1,2 million de membres, a pris la tête de ce mouvement.
À l’international, la crise sud-coréenne suscite des réactions assez extrêmes. Si l’Union européenne et l’OTAN ont salué la levée rapide de la loi martiale comme un signe d’engagement envers l’État de droit, la Chine et les États-Unis restent en retrait, surveillant une situation qui pourrait déstabiliser toute la région et surtout leur causer du tort économiquement.
Le président américain Donald Trump a d’ailleurs exprimé son voeu de renouer un dialogue diplomatique avec la Corée du Nord en novembre.
La Corée du Sud est en train de se tirer une balle dans le pied.
Cette instabilité politique a rapidement débordé sur l’économie. La bourse de Séoul a chuté de 1,4 %, tandis que le won sud-coréen a perdu 2,5 % de sa valeur, atteignant son plus bas niveau en deux ans. Les marchés des cryptomonnaies, où la Corée du Sud joue un rôle central, ont été sévèrement impactés.
Le cours du bitcoin, très prisé des investisseurs sud-coréens, a chuté de plus de 30 % sur les principales plateformes locales, avant de se stabiliser. Cette volatilité a mis en lumière les failles structurelles du marché crypto en Corée du Sud, notamment l’absence de teneurs de marché pour réguler les prix.
Sur le plan macroéconomique, les prévisions de croissance pour 2025 étaient déjà modestes, avec un taux attendu de seulement 1,5 %. Cette crise politique pourrait encore les réviser à la baisse, selon les analystes.