Lancée par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, la première opération Wuambushu avait été décriée par les associations de défense des droits humains. Un an après Wuambushu, le gouvernement lance ce mardi 16 avril une deuxième opération « Mayotte place nette », une seconde opération anti-migrants.
Mayotte : Nouveau déploiement de moyens
Le ministère de l’Intérieur avait annoncé dès lundi la tenue d’une conférence de presse de Gérald Darmanin et Marie Guévenoux, ministre déléguée chargée des Outre-mer, ce mardi à 10 heures, au sujet de « la lutte contre l’immigration irrégulière et la délinquance à Mayotte ».
Un an après la première opération « Wuambushu » (« reprise », en mahorais), une seconde est lancée ce mardi 16 avril à Mayotte, dans le but de lutter contre l’immigration illégale, l’insécurité et le logement insalubre. Elle doit durer 11 semaines et vise notamment à détruire 1 300 cases en tôle organisées en bidonvilles.
« Deux opérations sont menées conjointement depuis l’aube », « une de police et une de gendarmerie », a déclaré sur France 2 la ministre déléguée aux Outre-mer, précisant que « quatre cents policiers et gendarmes » étaient déjà sur le terrain. Ce sont quelque 1 700 gendarmes, policiers et militaires qui seront mobilisés. Une « centaine de renforts spécialisés […], notamment des policiers aux frontières et des officiers de police judiciaire […] vont nous aider à mener ce travail de précision », précise par ailleurs le ministère. En temps normal, 1 600 gendarmes et policiers sont déjà en poste sur ce petit archipel de l’Océan indien de 350 000 habitants, soit « plus que des villes comme Nice, Montpellier et Rennes réunies », précise le ministère.
L’État prévoit toujours de détruire « mille cases identifiées » comme étant des logements insalubres, dans les prochains mois. , sur ces mille logements identifiés pour être démolis à Mayotte, « 300 ont déjà fait l’objet d’enquêtes sociales ». La démolition du bidonville de Cavani devrait, elle, intervenir « dans deux à quatre mois », a quant à lui déclaré le préfet du département le plus pauvre de France.Courant février, un nouveau préfet a été nommé pour notamment préparer la suite, François-Xavier Bieuville. « Depuis un mois, nous faisons un travail de préparation avec les acteurs qui ont vécu Wuambushu 1. Nous en avons tiré des enseignements. Et nous avons fait venir des équipes de métropole pour structurer davantage les secteurs où nous avons pêché. Des renforts dans le domaine opérationnel, juridique, du conseil et de la planification viennent en renfort afin d’engager des moyens plus adaptés », a-t-il déclaré ce lundi.
« Place nette » pour Mayotte; des moyens d’envergure
Les objectifs de cette nouvelle opération restent les mêmes : lutter contre immigration illégale, détruire les bidonvilles et des centaines de « bangas » (des petites cases en tôle et terre battue) et mettre fin à l’insécurité dans cette île de l’océan Indien.
« On a 60 individus particulièrement recherchés et un objectif de 1.300 bangas (cases) à détruire, soit deux fois plus que ce qu’a permis de faire Wuambushu 1 », a ajouté le ministère des Outre-mer Marie Guévenoux à l’AFP. Les “400 policiers et gendarmes” actuellement déployés sur “deux points” de l’île de Mayotte possèdent “une fiche d’identité” précise des “60 chefs de bande”, “les plus dangereux se livrant aux trafics les plus graves”, qui sont “ciblés” par l’opération, a indiqué Marie Guévenoux.
Une enveloppe de cinq millions d’euros a été débloquée pour l’hébergement d’urgence des migrants interpellés dans le cadre de l’opération. Tandis que les migrants en situation irrégulière seront expulsés, les autres habitants seront relogés à l’aide d’une enveloppe de cinq millions d’euros. Un quatrième centre de rétention administratif sera créé et mis en service d’ici la fin de semaine.
« Nous ne savions pas qu’ils allaient détruire nos maisons », a lancé une habitante du quartier, Nadjim Rouzounati, mère de trois enfants, devant la case « 62 » de son voisin, qui venait d’être marquée à la bombe. Cette femme en situation régulière, qui habite le quartier depuis près de trente ans, a lancé : « Et maintenant, on va aller où ? », s’inquiétant de ne pas avoir encore reçu de proposition de relogement.
Mayotte 1 : un premier bilan jugé insuffisant
Critiqué pour son bilan en demi-teinte après le début de Wuambushu 1, l’exécutif veut montrer qu’il persiste et s’adapte. Cette nouvelle opération comportera notamment le déploiement de moyens en mer, comme un bateau de la Marine nationale dans le canal du Mozambique, pour couper la route des Grands Lacs où passent de nombreux migrants. Deux vedettes longeront aussi les côtes pour stopper les kwassa-kwassa, ces petites barques que prennent les Comoriens pour rejoindre Mayotte. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait promis de mettre en place un « rideau de fer » maritime.
Par ailleurs, seront également sur place des « spécialistes », soit des fonctionnaires de la police aux frontières et de la police judiciaire, pour mieux cibler les interpellations.
La première opération anti-migrants, lancée en avril 2023, avait été très décriée par les associations de défense des droits humains comme des traitements inhumains, et devrait l’être de nouveau. D’autant qu’elle s’inscrit dans un contexte encore plus tendu après l’annonce mi-février de Gérald Darmanin de la fin du droit du sol dans ce département français.
En 2023, les objectifs n’avaient pas été atteints. 700 au lieu de 1000 bangas avaient été détruits en près de 9 mois. 60 interpellations liées aux gangs et 25 000 expulsions d’étrangers en situation irrégulière avaient également eu lieu. Un bilan que l’exécutif veut désormais améliorer.
Mayotte face à la recrudescence des violences
« Mayotte place nette » prend la suite de l’opération Wuambushu lancée au printemps 2023, qui visait déjà à lutter contre l’immigration illégale et la délinquance mais aussi à détruire les cases insalubres organisées en bidonvilles, de plus en plus nombreux sur l’île. Mais Wuambushu n’avait pas eu les résultats escomptés et une vague de violence inédite s’en était suivie. Des associations avaient également dénoncé une opération « brutale » et « antipauvres ».
Ces derniers jours ont été marqués par une recrudescence des violences à Mayotte, où les caillassages des automobilistes sont quotidiens, tout comme les affrontements entre bandes de jeunes de villages rivaux.
« On constate une violence urbaine très importante, avec des caillassages et des affrontements très violents qui pourrissent la vie des habitants. Le premier objectif est donc de neutraliser les personnes à l’origine de ces actes, principalement des chefs de bande », détaille Marie Guévenoux.
L’entreprise gestionnaire du réseau de transport scolaire a notamment évoqué un «record » de caillassages la semaine dernière.
Cette opération intervient aussi au moment où Mayotte devient un terrain de campagne, à deux mois des élections européennes, avec le déplacement de Marine Tondelier, la patronne des Écologistes, puis, en fin de semaine, de la cheffe des députés du Rassemblement national Marine Le Pen.