En plein cœur de l’été, alors que la plupart des Parisiens et des touristes profitent de la douceur des soirées d’août, plus de deux cents personnes dorment à même le sol devant l’Hôtel de Ville de Paris. Couvertures de survie, matelas gonflables à moitié dégonflés, sacs de couchage… le décor choque autant qu’il interpelle. Parmi elles, près de 90 enfants, certains en très bas âge, ainsi que des femmes enceintes.
Depuis mardi soir, elles sont là, installées sur le parvis. L’initiative revient à l’association Utopia 56, qui vient en aide aux personnes migrantes et aux sans-abris. Le but : forcer les autorités à voir la réalité en face et à agir.
Nathan Lequeux, coordinateur pour Utopia 56, décrit la situation d’une voix lasse : « Chaque soir, de nouvelles familles arrivent, souvent avec encore plus d’enfants. Elles ont épuisé toutes leurs solutions. » Le nombre de personnes présentes a déjà grimpé à 250.
Des nuits glaciales au cœur de l’été
À première vue, dormir dehors en août pourrait sembler moins pénible qu’en plein hiver. Mais la réalité est toute autre. Les nuits sont fraîches, et l’humidité imprègne les corps. Abigael, 14 ans, raconte sa première nuit passée sur place :
« Il faisait tellement froid que je ne trouve pas les mots. On s’est collés les uns aux autres pour se réchauffer un peu. »
Certains ont la chance de s’enrouler dans une couette en laine, d’autres se contentent d’une couverture de survie. Le sol dur, les bruits de la ville et le passage incessant des curieux empêchent tout repos véritable.
Mercredi matin, la colère a éclaté : « On veut un logement ! Zéro enfant dans la rue ! » criaient plusieurs parents. Les visages sont marqués par la fatigue, mais la détermination est là.
L’été, une période particulièrement dure
Utopia 56 le constate chaque année : les mois d’été aggravent les difficultés. Les structures d’accueil ferment les unes après les autres, faute de personnel ou parce que les bâtiments utilisés sont des écoles et des gymnases, réquisitionnés seulement en hiver. Les services publics tournent au ralenti, les bénévoles partent en congés, et l’offre d’hébergement d’urgence se réduit comme peau de chagrin.
Pour Azaratou, jeune maman, la situation est devenue insoutenable. Elle berce son nourrisson, visiblement épuisée :
« Un bébé qui dort dehors, ce n’est pas normal. Il a pleuré toute la nuit. Depuis novembre 2024, on est dans cette situation. Il tombe malade encore et encore. »
Trouver une solution et très vite
La Ville de Paris a tenu à rappeler qu’elle ouvre, toute l’année, des centres pour héberger des familles à la rue. Plus de 1 000 personnes sont actuellement hébergées dans des lieux municipaux transformés pour cet usage, en plus de plus de 3 000 autres prises en charge par des dispositifs classiques. Mais la mairie insiste : la responsabilité première revient à l’État.
Pour Yann Manzi, cofondateur d’Utopia 56, l’urgence est ailleurs : « Les morts à la rue, c’est l’été. Avec la chaleur et la déshydratation, tout peut basculer en quelques heures. Si l’État réquisitionnait les bâtiments vides et les bureaux inoccupés, il n’y aurait plus personne dehors. »


