La journaliste française Ariane Lavrilleux se retrouve au centre d’une polémique croissante autour de sa détention par les autorités françaises suite à son arrestation et à la perquisition de son domicile. L’arrestation de Lavrilleux a suscité des inquiétudes quant à la liberté de la presse et à la protection des sources journalistiques, car elle semble être liée à son implication dans la diffusion d’informations confidentielles liées à la coopération militaire française avec plusieurs pays, dont l’Égypte.
Les rapports d’enquête qui ont mis Lavrilleux sur le devant de la scène ont été co-écrits et publiés par le site d’investigation français Disclose. Ces rapports, qui s’appuyaient sur des documents militaires français confidentiels, approfondissaient la question sensible du soutien militaire de la France, des ventes d’armes et du partage de renseignements avec des pays comme l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite et la Russie.
Lavrilleux a été placée en garde à vue par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) mardi matin après que des policiers de la DGSI, accompagnés d’un juge d’instruction, aient perquisitionné son domicile. Elle est actuellement détenue à la préfecture de police de Marseille, où elle est représentée par un avocat, selon Disclose.
L’arrestation d’Ariane Lavrilleux s’inscrit dans le cadre d’une enquête ouverte en juillet 2022, centrée sur la “atteinte au secret de la défense nationale et révélation d’informations pouvant conduire à l’identification d’un agent protégé”. Disclose a qualifié cette évolution de « dernier épisode d’intimidation inacceptable des journalistes du média pour identifier nos sources qui ont contribué à révéler l’opération militaire Sirli en Égypte ».
Disclose, connu pour son journalisme d’investigation, a joué un rôle déterminant en faisant la lumière sur les relations militaires de la France avec divers pays et sur ses pratiques en matière de vente d’armes. Le site d’investigation avait accédé à une multitude de documents provenant de sources qu’il a choisi de ne pas divulguer, parmi lesquels des éléments du bureau présidentiel, du ministère des Armées français et des services de renseignement militaires français.
L’une des enquêtes importantes de Disclose en novembre 2021, connue sous le nom de « Egypt Papers », a révélé l’implication de la France dans l’opération Sirli, une opération militaire conjointe avec l’Égypte. L’opération aurait commencé lorsque la France a fourni des renseignements à l’Égypte concernant les menaces potentielles des militants contre ses frontières occidentales. Cependant, la publication affirme que ces renseignements ont ensuite été utilisés par l’Égypte pour mener des frappes aériennes contre des individus soupçonnés de trafic illicite entre 2016 et 2018.
Un autre rapport des Egypt Papers a souligné un changement dans les relations diplomatiques de la France avec l’Égypte depuis 2013, se concentrant de plus en plus sur les ventes d’armes tout en négligeant la situation politique en Égypte. Un troisième rapport détaille l’approbation de trois sociétés françaises pour transférer la technologie des logiciels espions au gouvernement égyptien, permettant l’installation et l’exploitation d’un système de surveillance de masse au sein du réseau de télécommunications du pays.
Dans ses déclarations, Disclose a fait valoir que ces informations confidentielles sont cruciales pour le débat public concernant les relations de la France avec les gouvernements qu’elle qualifie de « dictatures ». Ces révélations éclairent également l’usage des armes françaises contre les populations civiles.
Geoffrey Livolsi, co-fondateur et rédacteur en chef de Disclose, a déclaré : « Pourquoi est-ce important si ces révélations sur la vente d’armes en provenance de France sont embarrassantes pour l’État français ? Il a demandé la libération immédiate de Lavrilleux après plus d’une journée de détention.
Pavol Szalai, chef du bureau Union européenne et Balkans de Reporters sans frontières, a fermement condamné l’arrestation de Lavrilleux et la perquisition à son domicile. Szalai s’est dit préoccupé par le fait que les actions de la DGSI pourraient porter atteinte à la confidentialité des sources. Alors que la loi française autorise les autorités à convoquer des journalistes pour les interroger sur leurs sources, le recours aux arrestations et aux perquisitions constitue une escalade inhabituelle et inquiétante contre les journalistes en France.
Cet incident n’est pas la première fois que Disclose et ses journalistes subissent des pressions de la part des autorités françaises. En décembre, la DGSI a convoqué Geoffrey Livolsi et deux autres journalistes français dans le cadre d’une enquête de 2018 sur le favoritisme dans les contrats des forces armées françaises. En 2019, les mêmes journalistes avaient été convoqués par la DGSI à la demande du ministère des Armées françaises pour leurs reportages sur l’implication de la France dans la guerre au Yémen à travers des ventes d’armes à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis.
La détention d’Ariane Lavrilleux a déclenché un vif débat sur la liberté de la presse, la protection des sources journalistiques et l’équilibre entre la sécurité nationale et le droit du public à l’information. À mesure que cette histoire continue de se dérouler, elle soulève d’importantes questions sur le rôle du journalisme d’investigation dans les sociétés démocratiques et sur les mesures prises pour le sauvegarder.