Directeur de la Ligue de Badminton des Pays de la Loire depuis novembre 2023, Christophe Benmaza revient sur le titre olympique du parabadiste de Charles Noakes, licencié au Badminton Club de Saint-Herblain.
L’ex sélectionneur national de Nouvelle-Calédonie en futsal en 2023, est arrivé dans le Badminton après cette expérience dans le Pacifique. L’ancien formateur à la Fédération Française de Football évoque sa nouvelle vie et celle du sportif de 27 ans devenue une personnalité publique dans cette interview exclusive pour Le Parisien Matin.
Charles Noakes, vu par Christophe Benmaza
Est-ce que le titre olympique de Charles Noakes était attendu aux Jeux Paralympiques de Paris ?
“Cela a toujours été clair qu’il venait pour la médaille d’or et pas autre chose. Après par contre, tout le monde savait, lui et son entraîneur en premier, que la marge de manœuvre était très réduite. On savait le potentiel de Charles, on savait tout le travail fourni, mais on ne l’avait jamais concrétisé. Il y avait une part d’incertitude, une part d’excitation avant ces Jeux aussi sur l’expérience unique qui l’attendait.“
Les Jeux Paralympiques se passant en France, cela a-t-il un impact dans sa quête du titre olympique ?
“Le fait que les Jeux Paralympiques ont eu lieu en France, a énormément motivé Charles. Cela a permis de mettre des moyens supplémentaires. Il y a eu un engouement énorme avec aussi la présence de la famille et du staff à ses côtés. Évidemment, la compétition se déroulant dans notre pays, cela a eu un rôle important dans la réussite de Charles pour aller chercher son titre olympique mais c’est aussi quelque chose qu’il a fallu préparer. Charles à profiter de cet engouement alors que certains de ses adversaires l’on subit de manière négative.“.
A quel moment as-tu rencontré Charles Noakes pour la première fois ?
“La première fois que je l’ai rencontré, c’était bien plus jeune, sur les terrains de football, il y a plusieurs années !
Puis, je l’ai retrouvé comme voisin au CREPS des Pays de Loire qu’il intégrait comme sportif tandis que j’étais manager général d’une autre structure résidente. La dernière étape a été de collaborer ensemble, quand j’ai pris mes fonctions à la Ligue en novembre dernier. L’histoire de travailler ensemble est courte, mais très vite efficace car la rencontre humaine date de plus longtemps, aussi avec son entraîneur Mourad Amrani qui crée ce lien de confiance. On est alignés sur les vecteurs de performance et au service du terrain.“
En tant que Directeur de la Ligue de Badminton des Pays de Loire, quel a été ton rôle auprès de Charles et du staff ?
“Mon rôle a d’abord été de comprendre la mécanique autour du très bon travail fait par son coach et des parties prenantes de cette aventure, la directrice de la performance fédérale notamment, le staff mental aussi. C’est un travail amorcé depuis un moment et je ne suis arrivé que dans la dernière ligne droite, dans la dernière année. Ma mission était d’avoir un œil extérieur pour challenger leur façon de faire, en leur apportant un peu de fraîcheur et de contradiction, d’adapter si besoin sans déstabiliser.
Il n’était pas question de tout bouleverser. Il fallait principalement trouver des moyens supplémentaires pour affiner leur préparation. Ce ne sont pas des moyens pas axés sur la technique, mais plutôt sur l’influence ou les énergies afin de bien préparer ces Jeux. On a travaillé avec mon réseau médical, l’évènementiel, des staffs d’autres sports aussi pour multiplier les expériences constructives, arriver dans la meilleure forme physique et mentale possible et vivre une première fois tout ce qui nous semblait pouvoir être déstabilisant à Paris. Il fallait aussi leur permettre de se concentrer un maximum sur l’essentiel.
Ce sont de merveilleuses anecdotes de « vestiaire », maintenant des souvenirs incroyables, quelle chance ! Ce sont de petites choses sur le nombre de leviers activés en 5 années mais un privilège de savoir qu’elles ont contribué à trouver le bon équilibre.“
Quelques mois après ce titre olympique, est-ce que la vie de Charles Noakes a changé ?
“Je ne sais pas s’il mesure encore l’impact. Charles n’était pas vraiment attendu et même si tout le monde savait qu’une victoire pouvait changer une vie, la bascule est radicale. C’est un « jeune » athlète de haut niveau, para sportif de surcroît et dans une discipline non médiatique en plus d’être un homme très discret… il est vraiment passé de l’ombre à la lumière le temps de 2×21 points ou presque…
Cela concerne aussi Mourad Amran, partie indissociable du binôme de performance qu’il forme avec Charles. On ne valorise pas assez l’entraîneur qui à les mêmes contraintes que le sportif mais aussi les siennes et celles des autres sportifs qu’il gère. Nous sommes fiers d’eux, ils ont écrit une fabuleuse histoire humaine. Ce titre c’est quelque chose de beaucoup plus grand qu’une simple médaille.
Tous les athlètes paralympiques ont trouvé de la résonance dans cette performance. Ils ont retrouvé de l’espoir, de la considération et des moyens. Pour Charles et Mourad, il n’y a maintenant plus à convaincre, mais à reproduire. C’est encore plus difficile mais ils vont être considérés et aidé autrement”
“Charles a maintenant une charge énorme sur les épaules. C’est pour cela que je dis qu’il ne mesure sûrement pas encore tout à fait le monde dans lequel il vit désormais. Il a une responsabilité avec ce titre, et porte le badminton français.
Il ne peut plus faire de faux pas, ni dans sa com. ni dans sa vie, ni à son retour en compétition. Ce ne sera pas facile à gérer pour lui, les moments d’homme « normal » vont se réduire considérablement. Il faudra apprendre à dire non, voir ce qui est opportun ou pas, garder du temps pour soi, pour s’entraîner et capitaliser sur son image, la mettre au service de sa performance. Charles découvre encore cette nouvelle notoriété. Ce n’est plus qu’un sportif maintenant, c’est une personnalité publique c’est très complexe à gérer. Tout n’est pas compatible et être bon partout est un challenge impossible pour un binôme experts des terrains, il va falloir les aider en dehors”
Y a t-il eu un effet Jeux Olympique et Paralympiques sur les inscriptions au Badminton ?
“A la mi-octobre, on était déjà à 98 % de notre record de licences. Le record datait de l’an dernier et avec ces nouveaux chiffres, nous sommes seulement à deux mois de la saison. Nous avons deux départements ont battu leurs records de licences et les autres prennent le même chemin.
Cela a une conséquence sur les créneaux, on ne peut pas pousser les murs. En conséquence, les clubs refusent des licenciés. Malheureusement, nous ne pouvons pas (encore) satisfaire tout le monde. Il faut que l’ensemble de notre écosystème travaille sur cet héritage pour transformer l’essai et c’est sûrement le match le plus compliqué de tous à gagner !“
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