Rebecca Cheptegei, marathonienne de renommée internationale, représentait non seulement l’espoir de l’Ouganda dans le domaine de l’athlétisme, mais aussi un modèle d’inspiration pour de nombreuses femmes africaines.
À 33 ans, elle avait réalisé l’un de ses rêves les plus chers en participant aux Jeux Olympiques de Paris 2024. Cependant, ce parcours exemplaire s’est terminé tragiquement lorsqu’elle est décédée après avoir été victime de violences conjugales.
Le parcours sportif couronné de succès de Rebecca Cheptegei et sa mort cauchemardesque aux mains de son compagnon.
Originaire de l’Ouganda, Rebecca Cheptegei avait gravi les échelons du monde de l’athlétisme grâce à son talent naturel et à une détermination sans faille. Elle était une spécialiste des courses de fond, ayant participé à des compétitions internationales et inspiré de nombreuses jeunes femmes en Ouganda et au-delà.
Son ascension vers la gloire l’a vue représenter son pays lors des Jeux Olympiques de Paris en 2024, où elle a terminé 44e dans le marathon. Bien que cette position ne soit pas celle qu’elle espérait, elle a prouvé sa persévérance et son courage, des qualités qui faisaient d’elle une figure bien-aimée dans le monde du sport.
Alors qu’elle enchaîne les succès sur la piste, la vie personnelle de Rebecca Cheptegei était néanmoins marquée par des disputes récurrentes avec son compagnon, Dickson Ndiema Marangach.
Selon des rapports de police, leur relation était tumultueuse, avec de nombreuses tensions familiales. Le 1er septembre 2024, ce conflit a pris une tournure mortelle. De retour chez elle après une visite à l’église avec ses deux jeunes enfants, Rebecca Cheptegei a été attaquée par Marangach, qui l’a aspergée d’essence avant de l’incendier. Les enfants, deux fillettes âgées de 9 et 11 ans, ont assisté impuissantes à cette scène d’horreur.
Transportée en urgence au Moi Teaching and Referral Hospital (MTRH) à Eldoret, au Kenya, Rebecca Cheptegei a été admise dans un état critique, souffrant de brûlures sur plus de 80 % de son corps. Ses blessures étaient trop graves, et après plusieurs jours de lutte, elle a succombé à une septicémie causée par une infection bactérienne.
Son décès a été annoncé avec tristesse par le président du comité olympique ougandais, Donald Rukare, qui a fermement condamné cet acte brutal et insensé.
La mort tragique de Rebecca Cheptegei illustre l’épidémie silencieuse des violences envers les femmes
L’histoire de Rebecca Cheptegei, aussi tragique soit-elle, n’est pas un cas isolé. La violence domestique en Afrique, et particulièrement au Kenya, est un fléau persistant. Selon des statistiques gouvernementales, près de 34 % des filles et femmes kenyanes âgées de 15 à 49 ans ont subi des violences physiques, les femmes mariées étant particulièrement à risque. Le rapport de 2022 a révélé que 41 % des femmes mariées avaient été victimes de violence conjugale.
La situation est tout aussi alarmante dans d’autres régions du continent. Un rapport publié par ONU Femmes et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime a indiqué qu’en 2022, les pays africains ont enregistré le plus grand nombre de meurtres de femmes au niveau mondial, tant en chiffres absolus que par rapport à la taille de la population féminine.
Le monde de l’athlétisme a également été marqué par de nombreux drames similaires. En avril 2022, Damaris Mutua, une athlète bahreïnie d’origine kényane, a été retrouvée morte à Iten, un lieu réputé pour l’entraînement des coureurs de fond au Kenya. Son compagnon est le principal suspect dans cette affaire. En octobre 2021, Agnes Tirop, une athlète prometteuse de 25 ans et médaillée mondiale, a été poignardée à mort à son domicile par son mari, Emmanuel Ibrahim Rotich, dont le procès est toujours en cours.
Ces tragédies révèlent une réalité cruelle pour de nombreuses femmes dans le milieu sportif, où la violence et l’exploitation sont courantes. Joan Chelimo, co-fondatrice de l’organisation “Tirop’s Angels”, a déclaré que les athlètes féminines étaient particulièrement vulnérables aux prédateurs attirés par leur succès et leur argent. “Elles tombent dans des pièges tendus par des hommes qui se présentent comme des amoureux, mais dont les intentions sont purement financières”, a-t-elle expliqué.
Le décès de Rebecca Cheptegei ne doit pas seulement être perçu comme une perte pour le sport ougandais, mais comme un appel à l’action. La lutte contre la violence conjugale est un combat de tous les jours, non seulement en Afrique, mais dans le monde entier. Les gouvernements, les organisations sportives et les communautés doivent unir leurs forces pour sensibiliser, protéger et offrir des solutions aux victimes.
Le sport, souvent perçu comme un espace de dépassement de soi et de résilience, doit également devenir un vecteur de changement social. Les initiatives comme “Tirop’s Angels”, qui visent à soutenir les athlètes féminines et à prévenir la violence domestique, sont des pas importants dans cette direction. Toutefois, il est essentiel que de telles actions reçoivent un soutien institutionnel et une plus grande visibilité.
La législation et les politiques publiques doivent aussi être renforcées pour assurer la protection des femmes contre les violences domestiques. Il est crucial de mettre en place des mécanismes de signalement efficaces, accessibles à toutes les femmes, y compris celles qui sont économiquement ou socialement vulnérables. Les autorités locales doivent aussi être formées pour traiter ces cas avec sérieux et empathie, tout en prenant des mesures préventives pour éviter que d’autres tragédies ne se produisent.
Rebecca Cheptegei restera dans les mémoires comme une athlète talentueuse et dévouée, mais son héritage ne doit pas se limiter à ses accomplissements sportifs. Sa vie et sa mort tragique doivent servir de catalyseur pour un changement plus large dans la manière dont la société aborde la violence domestique.