La situation budgétaire de la France est de plus en plus préoccupante alors que le pays fait face à un déficit public élevé, un endettement massif, et une pression croissante de la part des institutions européennes pour ramener ses finances publiques à des niveaux plus soutenables.
En septembre 2024, Paris a demandé une prolongation du délai imparti par l’Union européenne pour soumettre un plan concret visant à réduire son déficit budgétaire, en cohérence avec le projet de loi de finances pour 2025. Cet article propose une analyse détaillée de ce plan, des défis qu’il pose et des implications politiques qui l’entourent.
Une situation budgétaire alarmante – Les français sont de mauvais écoliers
La France fait partie des six États membres de l’Union européenne qui font l’objet d’une procédure pour déficit excessif. Selon les règles du Pacte de stabilité et de croissance de l’UE, les États membres doivent maintenir leur déficit public en dessous de 3 % du produit intérieur brut (PIB) et leur dette publique en dessous de 60 %. Cependant, en 2023, le déficit public français a atteint 5,5 % du PIB, et la dette publique s’élève à 110,6 % du PIB, bien au-delà des limites européennes.
Face à cette situation, la France devait soumettre avant le 20 septembre 2024 un plan crédible à la Commission européenne pour réduire ce déficit et retrouver une trajectoire conforme aux règles européennes. Cependant, des facteurs politiques internes ont compliqué cette tâche.
La nomination de Michel Barnier au poste de Premier ministre en septembre 2024 a exacerbé les tensions politiques en France, déjà marquée par une crise gouvernementale suite à la convocation d’élections législatives anticipées. Barnier, ancien négociateur en chef pour le Brexit et vétéran politique, a été nommé dans un contexte de paralysie politique où aucun parti ne détient une majorité absolue au Parlement. Cette situation complique la formation d’un gouvernement stable et rend incertain l’adoption du budget 2025, qui doit être déposé à l’Assemblée nationale avant le 1er octobre.
Le Nouveau Front populaire (NFP), principal bloc de gauche au Parlement, et le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen détiennent ensemble une majorité. Les deux partis, traditionnellement opposés, pourraient théoriquement s’unir pour déposer une motion de censure contre le gouvernement de Barnier. Cette perspective rend la situation encore plus volatile et met en péril la capacité du nouveau Premier ministre à présenter un budget qui soit à la fois socialement acceptable et fiscalement responsable.
Dans ce contexte, le ministère des Finances a préparé un budget provisoire pour 2025, qualifié de « réversible ». Il prévoit des dépenses publiques à hauteur de 492 milliards d’euros, soit un montant similaire à celui de 2024, mais réparti différemment entre les ministères afin de générer des économies nettes de 10 milliards d’euros. Cette approche, tout en tenant compte de l’inflation, est encore loin d’être suffisante pour ramener le déficit sous la barre des 3 % d’ici 2027, un objectif que le gouvernement doit atteindre pour éviter des sanctions financières de la part de Bruxelles.
En effet, la direction générale du Trésor estime qu’il faudrait environ 110 milliards d’euros d’économies sur la période 2025-2027 pour respecter cet engagement. Un effort d’une telle ampleur serait sans précédent et difficilement réalisable dans le contexte politique actuel. Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes, a qualifié cet objectif de « brutal » et « politiquement intenable », soulignant que les réformes nécessaires seraient socialement inacceptables dans un pays déjà marqué par des mouvements sociaux massifs contre les réformes des retraites.
Le plan de réduction du déficit – Qu’est-ce qu’il devrait contenir?
Face à ces contraintes, Michel Barnier et son gouvernement devront faire des choix difficiles.
Cela pourrait impliquer des coupes budgétaires dans des secteurs comme l’éducation, la santé, ou les services sociaux, des domaines sensibles et politiquement risqués. Une hausse des impôts, en particulier pour les entreprises et les ménages aisés, pourrait être envisagée, bien que cela risque d’être politiquement impopulaire, notamment auprès des électeurs de droite. Le gouvernement pourrait également choisir de privatiser certains actifs publics ou de réformer des secteurs comme les retraites ou l’assurance chômage pour dégager des marges budgétaires supplémentaires.
Cependant, ces options se heurtent à une forte opposition politique et sociale. Le NFP et les syndicats ont déjà averti qu’ils s’opposeraient à toute mesure d’austérité qui toucherait les classes moyennes et les travailleurs. De son côté, le RN, qui a gagné en influence, pourrait soutenir certaines réformes économiques à condition qu’elles bénéficient directement aux « oubliés » de la mondialisation et aux zones rurales.
Au niveau européen, la France est sous pression pour respecter les règles budgétaires communes et ramener son déficit public à des niveaux conformes au Pacte de stabilité et de croissance. Si Paris échoue à présenter un plan crédible, elle risque des sanctions financières pouvant aller jusqu’à 0,1 % de son PIB, soit environ 2,6 milliards d’euros par an.
La demande de prolongation du délai jusqu’à fin septembre pour présenter un plan cohérent montre que le gouvernement français cherche à gagner du temps, mais Bruxelles s’attend à des mesures concrètes. Comme l’a souligné Pierre Moscovici, la France devra faire preuve de « sérieux » et de « transparence » dans ses négociations avec l’UE.
Le défi de ramener le déficit public sous les 3 % du PIB est gigantesque et semble difficilement atteignable d’ici 2027. Certains experts, dont Pierre Moscovici, plaident pour un objectif plus réaliste, en visant 2029 au lieu de 2027, avec des réformes progressives et des mesures budgétaires plus adaptées à la réalité économique et sociale du pays. Un tel ajustement nécessiterait cependant des négociations intenses avec la Commission européenne et risquerait de susciter des tensions avec d’autres États membres plus rigoureux en matière budgétaire, comme l’Allemagne.