La Chine, souvent haranguée pour des problématiques liées à la pollution, aux tensions diplomatiques ou aux violations des droits humains comme nous l’avons vu avec les Ouïghours, explore une nouvelle voie pour réinventer son image : devenir une destination touristique de premier plan en Asie.
Cette initiative presque trop ambitieuse pour être vraie intervient alors que des pays voisins comme la Thaïlande adoptent des approches plus sélectives, visant les touristes aisés adeptes des séjours en station balnéaire. À l’inverse, Pékin cherche à attirer des flux plus diversifiés, tout en modernisant ses infrastructures et en assouplissant les formalités d’entrée. En matière de tourisme, la Chine privilégie la quantité!
Un tourisme en déclin en Chine, mais pas pour longtemps!
Après trois ans de fermeture stricte en raison de la pandémie de COVID-19, la Chine a rouvert ses frontières en janvier 2023. Cependant, le tourisme reste en berne : on observe une baisse de 70 % des arrivées touristiques par rapport à 2019. En réponse, le gouvernement chinois a annoncé en septembre 2023 plusieurs mesures, notamment une simplification du processus de visa et une facilitation des paiements numériques pour les visiteurs étrangers.
La Chine fonctionne presque exclusivement grâce à des systèmes de paiement numériques comme Alipay et WeChat Pay, ce qui complique la tâche des touristes habitués à utiliser de l’argent liquide ou des cartes bancaires internationales. Le gouvernement cherche donc à réduire ces frictions pour rendre le pays plus accessible.
En mars 2023, Pékin a élargi son programme d’exemption de visa, permettant des séjours de 15 jours pour les citoyens de plusieurs pays européens, notamment la France, l’Allemagne, l’Italie, et l’Espagne. Le 8 novembre 2024, cette liste s’est encore étendue pour inclure des pays comme le Danemark, la Norvège, et la Corée du Sud. Ces changements visent à réduire les obstacles à l’entrée et à dynamiser l’industrie touristique.
Deux objectifs principaux semblent guider cette initiative. Le premier est purement économique : capter une part des flux touristiques à destination de l’Asie, une région longtemps prisée des voyageurs occidentaux pour sa diversité culturelle et ses paysages époustouflants. En attirant davantage de visiteurs, la Chine espère compenser le recul économique dû à la pandémie et renforcer des secteurs comme l’hôtellerie, la restauration et les services.
Le second objectif est d’ordre diplomatique et culturel. Pékin cherche à améliorer son image à l’international, ternie par la gestion de la pandémie, les tensions commerciales et les accusations de violations des droits humains. Attirer des touristes étrangers, leur faire découvrir la richesse culturelle et historique du pays, et encourager des témoignages positifs sur les réseaux sociaux pourraient contribuer à réhabiliter sa réputation.
Les chiffres témoignent à la fois des progrès et des défis du tourisme en Chine. Entre janvier et juillet 2024, 17,25 millions de touristes étrangers ont visité le pays, une hausse de 129 % par rapport à 2023. Cependant, ces données restent bien en deçà des 145 millions de visiteurs enregistrés en 2019. Cette baisse reflète non seulement les impacts durables de la pandémie, mais aussi une réalité économique mondiale où les budgets dédiés aux voyages se resserrent.
L’image de la Chine reste un obstacle majeur. Les préoccupations géopolitiques, le souvenir des fermetures strictes pendant la pandémie et la complexité perçue de voyager dans un pays aussi vaste freinent encore de nombreux visiteurs potentiels.
Les touristes chinois continuent de voyager massivement, notamment vers l’Europe et l’Asie. Leur afflux s’accompagne toutefois de tensions occasionnelles. En juillet 2024, un ressortissant chinois a été arrêté au Japon pour avoir vandalisé le sanctuaire Yasukuni, un lieu controversé qui honore les victimes de guerre japonaises, mais est perçu par la Chine et la Corée comme un symbole de l’impérialisme japonais. Cet incident, qui a suscité une indignation sur les réseaux sociaux japonais, illustre les défis culturels et diplomatiques liés à la mobilité croissante des touristes chinois.
La Chine effectue une course aux ressources, comme d’habitude.
“En 2012, la Chine communiste et pauvre où les gens vivent dans la tyrannie sans liberté est devenue le #1 mondial du tourisme international”
S.L Kanthan, chroniqueur politique indien
La Chine a une longue tradition d’accumulation de ressources. Sous la dynastie des Tang (618-907), par exemple, la Route de la Soie servait de canal non seulement pour le commerce, mais aussi pour diffuser la culture chinoise et attirer des ressources extérieures. Les échanges avec l’Asie centrale, l’Europe et le Moyen-Orient ont permis à la Chine de s’enrichir, tant sur le plan économique qu’intellectuel.
Sous les Ming (1368-1644), l’empereur Yongle a financé les expéditions navales de Zheng He, qui ont permis d’établir des liens avec des régions aussi éloignées que l’Afrique de l’Est. Ces échanges visaient à accumuler des tributs et à projeter l’influence chinoise. La politique actuelle de facilitation du tourisme semble viser un objectif similaire : attirer des ressources étrangères et réaffirmer le rôle central de la Chine dans le monde.
Cette nouvelle politique d’ouverture n’est également pas sans rappeler les stratégies adoptées au XIXᵉ siècle, lorsque la Chine, sous la dynastie Qing (1644-1912), a dû s’adapter aux pressions économiques et politiques de l’Occident. Si cette période a été marquée par des conflits, comme les Guerres de l’Opium, elle a également mis en lumière l’importance des ressources économiques et culturelles dans les relations internationales. Aujourd’hui, en accueillant des touristes et en encourageant les échanges culturels, Pékin cherche à rétablir un équilibre et à éviter les erreurs du passé.