Violaine Lucas, directrice générale au sein de l’association « Choisir la cause des
femmes » revient pour le Parisien Matin sur les menaces qui pèsent aujourd’hui
sur les droits des femmes. Et ce, aux États-Unis tout comme en Europe.
Violaine Lucas peut-elle se présenter ?
Je suis professeure de Lettres, diplômée en droit pénal et j’étais jusqu’en septembre
2024 présidente de l’association « Choisir la cause des femmes », cofondée par
Gisèle Halimi. J’ai commencé à travailler avec Gisèle en 2003. Je suis maintenant
bénévole pour l’association. Et j’ai notamment été à l’initiative du projet « Le
meilleur de l’Europe pour les femmes. »
Violaine Lucas peut-elle expliquer les objectifs du livre « Le meilleur de l’Europe pour les femmes » ?
Gisèle Halimi a été a la genèse de l’idée, en 1979, lors de la première élection au
suffrage universel direct du Parlement européen. Elle s’est questionnée sur la manière
d’utiliser la construction européenne pour mettre en œuvre des lois qui iraient
davantage dans le sens des femmes.
En 2003, Gisèle m’a parlé de ce projet. Nous nous sommes dit que nous devions
absolument nous y consacrer après le rejet d’un traité instituant une Constitution pour
l’Europe, en 2005.
Notre mission a été d’identifier les lois et pratiques les plus avancées dans les
différents pays européens concernant les droits des femmes. Et ce, concernant les
violences faites aux femmes, leurs droits à l’avortement ou encore leur indépendance
économique.
Ce travail a conduit à la publication de “La Clause de l’Européenne la plus favorisée”
aux « Éditions des femmes », en 2008.
Un programme féministe réactualisé en 2023 dans le livre « Le meilleur de l’Europe
pour les femmes », qui a vu le jour à l’issue d’un tour de l’Union Européenne à la
rencontre de militantes, de syndicats ou encore d’universitaires.
Selon Violaine Lucas, en quoi l’élection de Donald Trump marque un tournant pour les droits des femmes, et notamment au sujet de l’avortement ?
Déjà, la révocation de l’arrêt Roe v. Wade en 2022 a eu des conséquences
dramatiques aux États-Unis : de nombreux États ont interdit l’avortement, forçant les
femmes à traverser des frontières pour avorter.
La victoire de Trump à la présidentielle américaine risque de faire encore reculer le
droit à l’avortement aux Etats-Unis. Notamment par ce qu’il a un discours
masculiniste et misogyne.
Mais ce recul n’est pas isolé. En Europe, des pays comme la Pologne ou la Hongrie
adoptent également des politiques régressives.
En Hongrie, par exemple, un amendement oblige les femmes souhaitant avorter à
écouter les battements de cœur du fœtus. En Pologne, même dans les cas où le fœtus
est condamné, les médecins attendent sa mort naturelle avant d’intervenir. Ce qui met
en danger la vie des femmes.
Globalement, les politiques mises en œuvre aux USA tout comme dans de nombreux
pays d’Europe visent à renvoyer les femmes au foyer, à limiter leur indépendance et à
restreindre leur accès aux droits fondamentaux. Ces reculs sont liés à une montée de
l’extrême droite qui s’attaque systématiquement aux droits des femmes. Bref, en
somme, il est urgent de renforcer nos luttes pour les droits des femmes.
Comment Violaine Lucas analyse-t-elle la situation en France, avec la constitutionnalisation récente de l’IVG ?
C’est une victoire importante, mais fragile. Cette inscription dans la Constitution
protège l’IVG des revirements politiques soudains, comme nous l’avons vu aux
États-Unis. Toutefois, cela ne doit pas nous rendre complaisants : les moyens alloués
aux services publics et aux associations féministes s’amenuisent. Il faut aussi noter
que cette victoire a été le fruit d’une opportunité politique, plutôt que d’un projet
porté par l’exécutif. Nous devons rester vigilants.
Concernant les débats autour de la définition du viol en France, quelles avancées espère Violaine Lucas ?
La notion de consentement dans la définition légale du viol serait déjà une avancée
importante. J’ai assisté au procès Mazan. À travers cette histoire, on a vu ô combien,
la culture du viol persiste.
D’ailleurs, nous souhaitons que lors des procès, le huis clos ne soit imposé qu’à la
demande des victimes, et non comme une règle automatique.
Quels messages Violaine Lucas souhaiterait transmettre aux nouvelles générations de femmes ?
Ne sous-estimez jamais le danger du masculinisme, ni la capacité des forces
réactionnaires à détruire ce que des décennies de luttes ont permis de construire. Les
droits des femmes ne sont jamais acquis. Il faut s’organiser, localement et
globalement, pour défendre ces acquis et continuer à progresser. L’histoire récente
aux États-Unis et en Europe nous montre que les reculs peuvent être rapides et
brutaux.
Quels sont les prochains combats de « Choisir la cause des femmes » ?
Nous continuons à porter les idées de Gisèle Halimi. L’objectif est de garantir des
droits équivalents dans tous les pays de l’UE. Nous voulons également sensibiliser le
public aux enjeux climatiques, car l’effondrement écologique aggrave les inégalités
de genre. Il est enfin crucial de soutenir les associations féministes face aux pressions
financières et politiques.