Le président américain Donald Trump a entamé son second mandat avec des mesures rapides et perturbatrices. Il a réprimandé le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans le Bureau ovale, proposé des « projets immobiliers » au lieu d’une aide humanitaire pour Gaza et levé les yeux au ciel face à la proposition de la France de doter l’Europe d’un parapluie nucléaire.
Cependant, la décision la plus frappante a peut-être été sa décision de suspendre « temporairement » l’accès de l’Ukraine aux images satellites commerciales fournies par les États-Unis, signe que la guerre en Ukraine fait désormais partie de sa stratégie globale plus large.
LPM vous propose un décryptage par des experts.
La Guerre, les paris et la réalité
L’affirmation de Trump selon laquelle «Biden a arrosé l’Ukraine d’argent, sans rien obtenir en retour.» n’est pas une coïncidence. Sous Biden, l’Ukraine a reçu 62 milliards de dollars d’aide militaire et financière. Mais Trump, tout en réduisant cette aide, a jeté son dévolu sur les 500 milliards de dollars de ressources minérales de l’Ukraine, riches en terres rares et en minéraux critiques. C’est là le véritable enjeu aux yeux de Trump.
Étrangement, cette question n’est pas seulement débattue entre gouvernements. Les Marchés prédictifs comme Polymarket permettent de parier sur la trajectoire de la guerre en Ukraine, avec des questions telles que « Trump mettra-t-il fin à la guerre dans les 90 jours suivant sa prise de fonction ? » Soixante-treize pour cent du marché dit « non ». Cela montre que la guerre a été réduite à un calcul de profits et de pertes plutôt qu’à une question de diplomatie.
La professeure Wendy Schiller de l’Université Brown nous affirme que Trump « considère tout comme un accord et essaiera de mettre fin à la guerre selon ses propres conditions en garantissant l’accès des États-Unis aux ressources naturelles de l’Ukraine ». Selon elle, Trump « imite la pression de Poutine sur la Biélorussie, tentant de contrôler l’Ukraine de la même manière ».
Trump et Poutine : partenaires stratégiques ou alliés opportunistes ?
La position de Trump sur l’Ukraine remodèle également sa relation avec Vladimir Poutine. S’il continue d’exprimer sa « confiance » envers le dirigeant russe, sa décision de réduire l’aide à l’Ukraine confère à Moscou un avantage stratégique. Cela conduit à une question importante : la position de Trump crée-t-elle une véritable entente avec Poutine, ou s’agit-il simplement d’un alignement temporaire des intérêts ?
Le professeur Schiller l’exprime plus crûment :
« Trump ne se soucie que de Trump. Poutine ne doit pas lui faire confiance. Trump utilisera Poutine à son avantage, et si les choses deviennent risquées, il s’en ira. C’est ainsi qu’il opère. »
Mais l’attention de Trump ne se limite pas à la Russie. Sa principale préoccupation est de remodeler la dynamique du pouvoir mondial, en particulier avec la Chine. Le changement de politique ukrainienne ne concerne pas seulement Moscou, il s’agit de recalibrer la stratégie plus large des États-Unis.
Crise transatlantique : l’Europe s’éloigne-t-elle des États-Unis ?
La politique ukrainienne de Trump n’inquiète pas seulement Kiev, elle perturbe aussi l’Europe. Le président français Emmanuel Macron a ouvertement déclaré que « l’Europe ne peut plus compter sur les États-Unis » et a suggéré que la dissuasion nucléaire française devrait s’étendre à l’ensemble du continent.
L’expert nucléaire Benoît Grémare soutient que la France pourrait remplacer les États-Unis en déployant des avions dotés d’armes nucléaires en Europe de l’Est. Mais des pays comme l’Allemagne et la Pologne peuvent-ils vraiment compter sur la France pour remplir ce rôle ?
Il n’y a pas de consensus en Europe sur cette question. Le Süddeutsche Zeitung soutient que le plan de Macron ne peut pas remplacer les garanties de sécurité américaines. Certains experts préviennent qu’une plus grande militarisation européenne pourrait complètement rompre les relations diplomatiques avec Moscou.
Le professeur Mensur Akgün a un point de vue différent. Il pense que son selon laquelle « les entreprises américaines en Ukraine dissuaderont la Russie » est davantage un argument économique de type MAGA qu’une véritable stratégie géopolitique.
Akgün déclare : « Trump voit cela comme une grande victoire pour son public national, mais je ne pense pas que cela ait une réelle valeur en termes de sécurité ou d’économie. »
La question finale : Trump peut-il mettre fin à la guerre ?
Le professeur Akgün estime que Trump envoie un message clair à la Russie : « Vos histoires ne m’intéressent pas, il n’y a que la Chine qui m’intéresse. »
Cela soulève une question urgente : Trump essaie-t-il vraiment de mettre fin à la guerre, ou se contente-t-il de remanier les pièces de la table des négociations ? Ses actions jusqu’à présent – réduire l’aide, faire pression sur Zelensky et faire passer les accords économiques avant le soutien militaire – suggèrent un dirigeant plus intéressé par la conclusion d’un « accord » que par la négociation de la paix. Mais la guerre n’est pas une négociation immobilière.