En Afrique du Sud, à Pretoria, vendredi dernier, des dizaines de personnes se sont réunies devant les institutions gouvernementales pour dénoncer un fléau qui ravage silencieusement le pays depuis des années : les violences sexuelles.
Le point de départ de cette mobilisation ? Une affaire particulièrement révoltante, celle d’une fillette de sept ans, violée dans l’enceinte même de son école. Bien que les faits remontent à l’année précédente, c’est l’immobilisme des autorités, jugé inacceptable par la population, qui a poussé les manifestants à descendre dans la rue.
Les violences sexuelles en Afrique du Sud, dénoncées comme jamais auparavant
Les participants, majoritairement vêtus de noir en signe de deuil et de solidarité, brandissaient des pancartes accusant l’État de négligence et appelant à la protection des femmes et des enfants. Parmi eux, Mia le Roux, Miss Afrique du Sud 2024, a prononcé un discours bouleversant : « Nous connaissons toutes une sœur, une amie, une collègue qui a été agressée. Nous refusons de continuer à vivre dans un pays où nos corps ne sont pas en sécurité, même à l’école. Il est temps que les responsables cessent de détourner le regard. »
Ce n’est pas la première fois que la société civile se mobilise contre la violence fondée sur le sexe. L’Afrique du Sud détient l’un des taux de violences sexuelles les plus élevés au monde. Rien qu’en 2023, près de 12 000 viols ont été officiellement signalés, soit plus de 30 par jour. Ce chiffre, déjà effrayant, ne reflète qu’une fraction de la réalité. Les études montrent que la majorité des victimes, par peur de représailles ou faute de confiance dans le système judiciaire, choisissent de ne pas porter plainte.
La plupart des agressions ont lieu au domicile, dans un cadre intime, souvent familial. Mais les lieux publics, les écoles, les centres commerciaux ou les boîtes de nuit ne sont pas épargnés. Le sentiment d’insécurité est permanent, et l’impunité qui entoure la majorité des auteurs aggrave la situation. Selon un rapport du Centre pour les droits des femmes sud-africain, seule une infime proportion des plaintes aboutit à une condamnation.
Une dénonciation bien justifiée par une absence de réactivité des institutions
Dans ce contexte, les propos de Themba Masango, militant du mouvement Not In My Name, prennent un relief particulier : « Il est temps que les hommes prennent leurs responsabilités. Ce sont nos frères, nos amis, nos collègues qui commettent ces actes. On ne peut pas faire semblant de ne pas voir. » Il a aussi rappelé que de nombreux hommes choisissent de garder le silence, par complicité ou par peur, et qu’il est urgent de briser cette chaîne de passivité.
Le gouvernement sud-africain a annoncé la mise en place d’une commission chargée d’examiner les défaillances des institutions scolaires et judiciaires, ainsi qu’un plan de renforcement de la sécurité dans les établissements d’enseignement. Mais ces annonces ne convainquent guère. Les promesses se succèdent depuis des années sans que la situation s’améliore. Le budget alloué à la lutte contre les violences sexistes reste dérisoire, les refuges pour femmes débordent, et les unités spécialisées de la police manquent cruellement de moyens.
Dans les grandes villes comme Johannesburg ou Le Cap, plusieurs manifestations spontanées ont été organisées ces derniers mois, souvent à l’initiative de collectifs de femmes, de survivantes ou de mères dont les filles ont été agressées. Certaines revendiquent la création de tribunaux spécialisés pour les crimes sexuels et réclament une réforme profonde de la police et du système judiciaire, qu’elles jugent inapte à protéger les victimes.
Le problème est également culturel. Dans certaines communautés, les violences sexuelles sont minimisées, voire justifiées. L’éducation sexuelle est souvent absente des programmes scolaires, et les victimes sont régulièrement stigmatisées ou culpabilisées. Le combat contre ces mentalités passe par un travail patient, profond, souvent porté à bout de bras par les associations locales.