L’Afrique subsaharienne a vu sa croissance ralentir, ce qui peut être lié à l’inflation et un climat politique tendu aussi bien à l’Ouest qu‘en Afrique même.
Pourtant, si l’Afrique arrive à éviter le piège de la dette, cette remontée pourrait être fulgurante.
Une reprise portée par les services, à plusieurs vitesses
Dans sa récente présentation sur les perspectives économiques de l’Afrique subsaharienne, Andrew Dabalen, économiste en chef pour la région à la Banque mondiale, dresse un tableau contrasté.
Si la croissance revient peu à peu après les secousses de la pandémie, les déséquilibres structurels, la dette coûteuse et l’incertitude géopolitique continuent de peser.
« Depuis le rebond de 2023, la région continue d’enregistrer une croissance positive », annonce Dabalen. La Banque mondiale prévoit un taux de croissance de 3,5 % en 2024 pour l’Afrique subsaharienne, avec une accélération potentielle à 4,3 % dans les années à venir.
L’Afrique voit l’augmentation de la consommation privée, une reprise modérée des investissements, et surtout, une expansion des services : tourisme, transport, finance, commerce de détail, et dans une moindre mesure, l’agriculture dans les pays sortant de la sécheresse.
Cette embellie cache de fortes disparités régionales. « Les grandes économies — Nigeria, Afrique du Sud, Angola — évoluent en dessous de leur potentiel », explique-t-il. L’Afrique du Sud, par exemple, stagne autour de 1 % de croissance, tirant la moyenne régionale vers le bas.
Des pays plus petits, souvent situés en Afrique de l’Est ou en Afrique de l’Ouest (comme le Bénin, le Togo, la Côte d’Ivoire ou le Sénégal), enregistrent des performances nettement meilleures, grâce à des économies diversifiées et orientées vers les services. Leurs perspectives de croissance avoisineraient les 5,7 % dans les prochaines années.
Dette, inflation et financement : un terrain miné
L’inflation est en baisse — « médiane inférieure à 5 % dans la majorité des pays » — de nombreux grands États comme l’Éthiopie, le Ghana ou le Nigeria restent confrontés à des taux à deux chiffres.
Cela freine l’assouplissement de la politique monétaire, nécessaire pour relancer l’investissement et stimuler la croissance. Pour les pays maîtrisant mieux l’inflation, les banques centrales commencent à desserrer l’étau, ce qui pourrait favoriser une relance par le crédit.
Mais la question la plus épineuse demeure celle de la dette. Dabalen rappelle les efforts des gouvernements africains pour consolider leurs finances publiques malgré des circonstances « incroyablement difficiles ». Les soldes primaires s’approchent de l’équilibre, mais les paiements d’intérêts restent « un obstacle énorme ».
Résultat : les déficits budgétaires totaux avoisinent encore les 4 % du PIB. Dans ce contexte, l’accès aux financements internationaux s’est considérablement réduit. « Les euro-obligations ont pratiquement disparu, et les prêts chinois se sont arrêtés. »
Aujourd’hui, ce sont surtout les institutions multilatérales — Banque mondiale, FMI, Banque africaine de développement — qui tentent de combler le vide. Mais les flux financiers entrants sont passés de 40 milliards de dollars par an en 2019 à environ 20 milliards aujourd’hui, mettant en péril les investissements essentiels au développement.