Depuis la fin de l’apartheid en 1994, la réforme agraire en Afrique du Sud demeure l’un des sujets les plus controversés et sensibles du pays. Est-ce vraiment une bonne idée de redistribuer des terres qui ont été gérées par certaines familles blanches pendant des décennies? Il y a de clairs efforts successifs pour corriger les injustices historiques liées à la dépossession des terres. Toutefois la redistribution des terres agricoles reste incomplète, et c’est peut-être pour le mieux.
La réforme agraire, comme Héritage de l’Apartheid
L’Apartheid, système institutionnalisé de ségrégation raciale en Afrique du Sud entre 1948 et 1994, a entraîné une expropriation massive des terres appartenant à la majorité noire. À la fin de ce régime, environ 87 % des terres agricoles étaient détenues par la minorité blanche, représentant moins de 10 % de la population. Aujourd’hui, malgré près de 30 ans de démocratie, près de trois quarts des terres agricoles restent encore sous le contrôle de cette communauté minoritaire.
L’article 25 de la Constitution sud-africaine, adopté en 1996, reconnaît le droit à la propriété et impose à l’État de prendre des mesures pour fournir un accès équitable à la terre. Pourtant, les résultats concrets de cette promesse constitutionnelle sont loin des attentes.
Depuis 1994, l’ANC (Congrès National Africain) a mis en place plusieurs programmes pour redistribuer ou restituer des terres. Ces initiatives incluent :
Les familles dépossédées pouvaient revendiquer la restitution de leurs terres ou une compensation financière. Seuls 10 millions d’hectares, soit environ 10 % des terres agricoles, ont été redistribués depuis. L’État encourageait les propriétaires terriens à céder leurs terres contre compensation. Cette méthode dépendait du bon vouloir des vendeurs, limitant son efficacité.
Un rapport parlementaire de 2022 souligne que moins de 8 % des terres redistribuées sont réellement productives, en raison d’un manque de soutien technique et financier aux nouveaux propriétaires.
La Fondation Nelson Mandela a récemment relancé le débat en déposant une plainte contre l’État, accusé d’inaction. Cette plainte vise à contraindre le gouvernement à établir une feuille de route claire pour la redistribution des terres, en s’appuyant sur l’article 25 de la Constitution.
Cette réforme agraire est sûrement une mauvaise idée
En 2018, le président Cyril Ramaphosa a suggéré une réforme constitutionnelle pour permettre l’expropriation des terres sans indemnisation. Cette proposition visait à accélérer le rythme de redistribution en supprimant la barrière financière. Bien que cela puisse sembler une évidence, la réforme agraire, au-delà d’une justice symbolique est probablement une très mauvaise idée pour tout les sud africains, blancs ou noirs.
Selon un rapport de 2022, moins de 10 % des terres redistribuées en Afrique du Sud sont utilisées de manière productive. En effet, parmi les bénéficiaires des terres redistribuées, plus de 70 % n’ont reçu ni formation agricole ni aide technique pour exploiter ces terres efficacement. Cela veut dire qu’il s’agirait essentiellement d’un fardeau de plus pour les populations noires, qui ne sont pas assez soutenues par le gouvernement pour pouvoir se former adéquatement ni recevoir les infrastructures nécéssaires.
Il se pourrait également que cette réforme agraire crée davantage d’inégalités et un énorme sentiment d’injustice chez la population blanche. Les propriétaires blancs ont souvent acquis ou maintenu leurs terres grâce à des mécanismes légaux sous l’apartheid. Beaucoup d’entre eux considèrent qu’ils ont développé ces terres, les rendant productives par des investissements sur plusieurs générations. De plus, cette réforme agraire est une claire violation du droit de propriété: La proposition d’expropriation sans compensation est perçue comme une menace directe contre le droit fondamental de propriété inscrit dans la Constitution.
Les majorités noires entretiennent des idées fantaisistes où l’Afrique du Sud reviendrait aux noirs. Or, cela pourrait arriver, sans que ce ne soit positif. Des enquêtes montrent que jusqu’à 20 % des agriculteurs blancs envisagent de quitter le pays si une expropriation sans compensation devient la norme. Un tel exode entraînerait une fuite de capitaux, accentuerait la crise économique et priverait le secteur agricole de compétences cruciales. En gros – Ce serait une fuite des cerveaux ainsi que des ressources.
Il y a aussi le cas du Zimbabwe qui rappelle à quel point cette réforme agraire pourrait être synonyme de ruine. Dans ce pays, entre 2000 et 2003, le programme d’expropriation forcée des terres a provoqué la fuite massive des agriculteurs blancs et une chute brutale de la production agricole, qui a plongé le pays dans une crise alimentaire et économique.