Des rumeurs et la diffusion de fausses informations autour des communautés migrantes, notamment les Haïtiens, ont atteint un nouveau sommet dans l’Ohio avec une série d’accusations non fondées prétendant que des migrants haïtiens voleraient et mangeraient des animaux domestiques.
Ces rumeurs, comme beaucoup d’autres dans l’histoire des campagnes politiques, révèlent à quel point des récits sans fondement peuvent rapidement prendre de l’ampleur et alimenter les peurs et préjugés existants.
D’où viennent ces folles rumeurs que les immigrés Haïtiens mangent les animaux de compagnie des citoyens américains?
Les rumeurs ont pris racine après une réunion publique dans la ville de Springfield, où un citoyen a accusé, sans preuve, les migrants haïtiens de décapiter des canards dans les parcs publics et de les consommer. Cet événement a ensuite été relayé sur les réseaux sociaux, principalement sur Facebook, où des résidents ont affirmé que leurs animaux domestiques, notamment des chats et des chiens, avaient été volés et tués par les membres de la communauté haïtienne.
Les accusations se sont rapidement répandues sur les réseaux sociaux après avoir été reprises par plusieurs personnalités politiques et commentateurs de droite, dont JD Vance, candidat à la vice-présidence américaine. Vance a alimenté cette rumeur en publiant une vidéo sur X (anciennement Twitter) où il affirmait que les migrants haïtiens étaient responsables de la disparition et de la consommation d’animaux domestiques à Springfield. Vance a également attaqué la politique d’immigration de Kamala Harris, vice-présidente et candidate à la présidence, en reliant ces accusations à sa gestion des flux migratoires.
Des personnalités médiatiques comme le Youtubeur “CrowderBits” a publié une vidéo où il affirme que ces rumeurs sont vraies et que cela est dû aux politiques migratoires permises par le gouvernement de Joe Biden et Kamala Harris et à la différence culturelle entre les réfugiés Haïtiens et la culture occidentale. Des commentateurs ont souligné que l’oganisation de défense des animaux, PETA a supprimé ses commentaires concernant ces évènements.
De multiples sources ont publié des vidéos sur les réseaux sociaux montrant des personnes interpellées par la police à la suite d’une agression envers les animaux de compagnie du voisinage.
Un démenti formel de la police et des responsables locaux – Cette rumeur est-elle fausse?
Les autorités locales ont rapidement réagi pour réfuter ces accusations. La police de Springfield, dans un communiqué adressé au Springfield News-Sun, a précisé qu’il n’y avait “aucune preuve crédible” ni “aucune plainte spécifique” concernant des animaux domestiques volés ou mangés par des migrants. Le département de police a également souligné qu’il n’existait aucun rapport officiel sur des migrants impliqués dans des actes de cruauté envers les animaux ou de perturbation de l’ordre public.
Cette clarification n’a toutefois pas empêché la rumeur de se propager encore plus, alimentée par divers commentateurs sur les réseaux sociaux. Parmi les diffuseurs notoires, on trouve notamment Elon Musk, propriétaire de X, et d’autres figures politiques conservatrices. En un rien de temps, cette désinformation a généré des millions de vues, consolidant un récit fallacieux contre la communauté haïtienne à Springfield.
Cette série d’accusations s’inscrit dans une longue tradition de xénophobie à l’encontre des migrants haïtiens. Historiquement, les Haïtiens ont été fréquemment ciblés par des campagnes de dénigrement, notamment aux États-Unis, où leur présence est souvent associée à la criminalité et à d’autres problèmes sociaux.
Des spécialistes de l’histoire haïtienne ont mis en lumière comment des récits de cannibalisme et d’autres comportements “inhumains” ont été utilisés pour déshumaniser les Haïtiens et les présenter comme des menaces. Ces récits, souvent issus d’idéologies racistes, continuent d’alimenter des préjugés profondément enracinés.
Selon Viles Dorsainvil, président de l’organisation Haitian Community Help and Support Center à Springfield, ces rumeurs sont un autre exemple de “discrimination et de racisme“. Il a ajouté que les migrants haïtiens s’efforcent simplement de trouver un endroit sûr pour vivre et élever leurs familles, et qu’ils contribuent positivement à la communauté en cherchant du travail et en s’intégrant dans la société américaine.
La diffusion de ces rumeurs ne se limite pas à une simple méfiance à l’égard des migrants ; elle est également récupérée à des fins politiques. Les récentes accusations contre les Haïtiens à Springfield s’inscrivent dans un climat politique où l’immigration reste un sujet brûlant, particulièrement en période électorale.
En critiquant Kamala Harris pour sa gestion des questions migratoires, des figures comme JD Vance et Donald Trump cherchent à exploiter les peurs concernant les migrations pour obtenir des gains électoraux. En créant un lien entre l’arrivée de migrants haïtiens et des comportements perçus comme inacceptables, ces politiciens espèrent susciter un rejet de la politique actuelle d’immigration.
Cette stratégie n’est pas nouvelle. Les politiciens ont souvent recours à des récits qui jouent sur les peurs et les insécurités pour galvaniser leur base électorale. Dans ce cas, l’idée que des migrants pourraient voler et manger des animaux domestiques est utilisée pour alimenter une méfiance accrue envers les étrangers et renforcer un discours nationaliste.
Les conséquences de telles rumeurs sont dévastatrices pour les communautés concernées. En diffusant des récits erronés et racistes, on alimente la méfiance envers les migrants, ce qui peut conduire à des violences verbales ou physiques à leur encontre. La communauté haïtienne de Springfield, qui a déjà fait face à de nombreux défis liés à l’intégration et à l’adaptation à une nouvelle vie, se retrouve désormais confrontée à des préjugés encore plus forts.
Viles Dorsainvil a déclaré que les Haïtiens à Springfield ressentaient une pression immense et une crainte croissante suite à ces rumeurs. Il a exprimé son inquiétude quant à l’impact à long terme de ces rumeurs sur la sécurité et le bien-être des migrants dans la ville.
Les réseaux sociaux jouent un rôle clé dans la propagation rapide de ces récits. Les plateformes comme X et Facebook permettent aux utilisateurs de partager des informations sans vérification préalable, ce qui crée un terreau fertile pour les rumeurs et les fausses nouvelles. Dans ce cas, une simple publication dans un groupe Facebook local a suffi pour lancer une avalanche de désinformation qui s’est rapidement répandue à l’échelle nationale.
Les entreprises technologiques comme X et Meta, qui possèdent Facebook, ont souvent été critiquées pour ne pas prendre des mesures plus fermes contre la diffusion de fausses informations et de rumeurs. Bien que ces plateformes aient fait des efforts pour lutter contre la désinformation, la rapidité avec laquelle ces récits peuvent circuler montre qu’il reste encore beaucoup à faire.