Alors que le capital-investissement, ou private equity, s’impose peu à peu dans le paysage de l’épargne française, trois acteurs clés du secteur ont croisé leurs regards sur la démocratisation de cette classe d’actifs.
Autour de la table : Xavier Antonios, président du groupe 123 IM, Sassan Golchan, cofondateur et directeur du développement de Pecan, et Hubert Mercier, directeur des partenariats chez Nextstage AM. Ensemble, ils ont tenté de répondre à une question centrale : le capital-investissement est-il enfin à la portée des épargnants français ?
« Nous n’avons jamais été aussi proches du but » — Xavier Antonios
Pour Xavier Antonios, pionnier du capital-investissement en France, la dynamique est historique.
« Ces cinq dernières années, la pénétration du marché a été plus forte que durant les vingt-cinq précédentes. Nous avons longtemps prêché dans le désert, mais nous n’avons jamais été aussi proches du but »
Cette accélération tient à une série de leviers combinés : le soutien du législateur, l’ouverture progressive de l’assurance-vie aux actifs non cotés, la création de fonds Evergreen semi-liquides et, surtout, la volonté des sociétés de gestion de rendre ces produits accessibles aux investisseurs privés.
Mais l’effort reste partiel.
« Nous n’avons touché que 20 % du marché : les clients les plus avertis. Le vrai défi, désormais, c’est d’aller chercher les 80 % restants »
Sassan Golchan : « Le marché se contracte, mais les opportunités demeurent »
Sassan Golchan, directeur général de Pecan, partage ce constat tout en appelant à la prudence.
« Le private equity reste une classe d’actifs performante, mais elle n’est pas insensible au contexte macroéconomique. Depuis les sommets atteints en 2021, la collecte mondiale a chuté de 30 %, à 680 milliards de dollars. »
Cette contraction s’explique, selon lui, par la hausse des taux d’intérêt et un ralentissement des sorties d’investissements.
« Les périodes de distribution se rallongent : on est passé d’un retour moyen sur 5,2 ans à près de 6 ans. Cela crée des tensions sur la liquidité », explique-t-il.
Golchan voit pourtant dans ce cycle un moment propice pour repositionner les stratégies. Il met en avant le marché secondaire, c’est-à-dire le rachat de parts de fonds ou d’actifs déjà constitués, comme une opportunité majeure.
« C’est un marché de 165 milliards de dollars, en croissance annuelle de 18 %. Les investisseurs privés y trouvent diversification, rendement et rotation plus rapide du capital. »
Hubert Mercier : « L’innovation au service de la démocratisation »
Chez Nextstage AM, Hubert Mercier revendique une approche fondée sur l’innovation et la patience.
« En 2016, nous avons été les premiers à rendre le private equity accessible via l’assurance-vie avec Next Croissance. Un produit né de la loi Macron sur la croissance, qui permet aux particuliers d’investir aux côtés de grands institutionnels avec un ticket d’entrée à partir de 1 000 euros. »
Pour Mercier, cette démarche a ouvert la voie à une nouvelle génération d’épargnants, plus conscients du sens de leur investissement.
« Investir dans les PME françaises, dans la transition énergétique ou l’économie réelle, c’est donner du sens à son épargne. »
Malgré un contexte économique tendu, il reste optimiste.
« Les valorisations ont baissé, la concurrence à l’achat s’est réduite. C’est souvent dans ces périodes d’instabilité que l’on réalise les meilleurs investissements. »
Il cite l’exemple d’Acorus, entreprise de rénovation énergétique soutenue dès 2010 par Nextstage :
« C’était la crise du BTP. Nous avons pris le risque de l’accompagner, et nous avons réalisé deux sorties à plus de trois fois et demie la mise. »
Tous s’accordent sur un point : la démocratisation du private equity ne se fera pas sans pédagogie, transparence et sélectivité.
« Il ne suffit pas de choisir les plus grands noms. Les investisseurs doivent comprendre les risques de liquidité, de perte en capital, et savoir diversifier leurs millésimes d’investissement », rappelle Golchan.
Pour Xavier Antonios, il s’agit désormais de structurer un écosystème où plateformes digitales, conseillers en gestion de patrimoine, assureurs et sociétés de gestion travaillent de concert.
« Nous devons faire du private equity une composante naturelle du patrimoine des Français, au même titre que l’immobilier ou les actions. »


