Initialement conçue comme un outil d’inclusion financière pour les pays en développement, la microfinance a connu une croissance rapide en Europe ces dernières années. Entre 2012 et 2016, le secteur a enregistré une augmentation de plus de 50 %.
Entre 2022 et 2024, il a connu une hausse annuelle moyenne de 7% pour le microcrédit personnel et de 4% pour le microcrédit professionnel. Pourtant, le marché reste largement sous-exploité, avec une demande potentielle de microcrédits professionnels estimée à 17,4 milliards d’euros. Il existe alors un enjeu majeur à développer ce domaine pour répondre aux besoins croissants.
La conjoncture de la microfinance en France : un récit à succès nuancé
La microfinance en France a souvent été présentée comme un succès, notamment pour sa capacité à contribuer au développement économique et à la réduction de la pauvreté. Les résultats financiers pérennes et les études d’impact ont offert une vision réaliste et positive, mais nuancée, du secteur. Hormis la micro-assurance professionnelle, principalement portée par la Fondation Entrepreneurs de la Cité, le microcrédit représente également l’essentiel de la microfinance française.
Depuis les années 1980 pour le microcrédit professionnel et depuis 2005 pour le microcrédit personnel, la croissance annuelle de ce secteur a été positive. L’encours total a progressé en moyenne de 10 % par an ces dernières années. En 2022, la somme des microcrédits personnels et professionnels représentait un total de 56 000 microcrédits, principalement accordés par des banques coopératives. Cependant, ce chiffre reste inférieur de moitié au besoin estimé par l’Inspection générale des finances.
Les études menées par France Stratégie et la Caisse des Dépôts confirment l’utilité sociale et économique du microcrédit en France. Le taux d’insertion professionnelle des emprunteurs est de 91 % pour les entrepreneurs et de 65 % pour les particuliers. Pourtant, 60 % des emprunteurs professionnels jugent insuffisants les revenus tirés de leur activité, et seulement un tiers des emprunteurs particuliers a vu sa situation budgétaire s’améliorer. Ce bilan, bien que positif, reflète le contexte macro-économique et la situation du marché de l’emploi en France.
Un outil essentiel mais insuffisamment déployé
Le micro-crédit en Europe pourrait significativement aider à résoudre les problèmes d’exclusion financière et de chômage. Malgré son potentiel, il demeure très insuffisamment développé. De nombreuses personnes restent exclues du système financier classique en raison des asymétries d’information et des risques perçus comme excessifs par les prêteurs. Cela crée des échecs de marché caractérisés. Pourtant, les faits montrent que la microfinance “marche”. Dans le cas des personnes démunies, la relation entre emprunteur et prêteur nécessite des ajustements pour surmonter les obstacles comme l’anti-sélection et l’aléa moral.
Les solutions pour viabiliser les marchés de micro-crédit sont variées mais limitées. Les garanties, les taux d’intérêt, la sélection et le suivi des emprunteurs nécessitent souvent des subventions ou des lignes de crédit privilégiées pour être efficaces. Pour atteindre tous les créateurs potentiels, il est essentiel de les doter des compétences nécessaires à travers des formations et des accompagnements. Ainsi, l’organisation efficace des marchés de micro-crédit doit être distinguée des services publics d’insertion, comme la formation et l’accompagnement.
Une croissance soutenue pour la microfinance malgré les obstacles
Le rapport de 2022 du Réseau Européen de la Microfinance (REM) montre que le secteur de la microfinance en Europe a continué de croître malgré la pandémie de Covid-19. En 2021, environ 1,4 million d’emprunteurs actifs étaient recensés, avec un portefeuille de prêts brut de 4,3 milliards d’euros. La résilience semble également se pérenniser à ce jour. En effet, la taille du marché du microcrédit en 2024 est estimée à 213,58 milliards USD, avec une prévision de croissance pour atteindre 353,14 milliards USD d’ici 2029.
La majorité des institutions de microfinance (IMF) en Europe sont des organisations non bancaires, telles que des ONG et des coopératives. Le rapport de 2020 indique également que les IMF en Europe emploient environ 11 000 personnes, dont 22 % sont des bénévoles. En termes de genre, 65 % du personnel rémunéré est féminin, avec une proportion plus élevée dans les coopératives de crédit.
Vers plus d’innovations pour un contrecoup renforcé
Les acteurs français de la microfinance travaillent activement à étoffer et améliorer leurs services pour accroître leur impact. Par exemple, France Active a lancé le programme “Cap’Jeunes”, Initiative France a mis en place les “initiatives remarquables”, et l’ADIE propose la “micro-franchise solidaire”. Pour le microcrédit personnel, les Caisses d’Épargne et Renault, en partenariat avec l’Action Tank Entreprise et Pauvreté, ont développé une offre de location de voitures financée par le microcrédit. Cela permet aux emprunteurs d’accéder à un véhicule neuf et d’éviter les problèmes liés à des véhicules d’occasion en mauvais état.
Ces initiatives montrent un secteur innovant et dynamique. Toutefois, pour répondre pleinement à la demande et optimiser l’impact, il est crucial de continuer à développer et diversifier les offres de services. Les subventions et les lignes de crédit privilégiées restent des outils importants pour soutenir la viabilité des marchés de microcrédit.
Par ailleurs, les études montrent également une tendance vers la numérisation des services, avec 50 % des IMF utilisant des canaux numériques pour fournir des services d’accompagnement. Cette digitalisation pourrait être une clé pour rendre les services de microfinance plus accessibles et plus efficaces.
La microfinance en Europe a un potentiel immense mais largement sous-exploité. Avec une demande de microcrédits professionnels estimée à 17,4 milliards d’euros, il est essentiel de surmonter les obstacles actuels et de viabiliser les marchés de micro-crédit. La situation en France, bien que positive, montre qu’il reste du chemin à parcourir pour répondre aux besoins réels des emprunteurs. Les initiatives innovantes et les efforts des acteurs du secteur sont prometteurs, mais nécessitent un soutien continu pour maximiser l’impact.