Mercredi, le BHV Marais a accueilli les premiers clients du tout premier magasin Shein en France. Dans les couloirs, on entendait autant de rires que de soupirs. Certains étaient venus pour « voir de leurs propres yeux » le géant de la mode à bas prix, d’autres pour profiter de l’événement malgré les polémiques.
La file d’attente serpentait calmement jusqu’à l’entrée du grand magasin, bien moins impressionnante que celle du pop-up Pokémon de février, mais suffisante pour attirer caméras et curieux. Ticket en main, les visiteurs montaient jusqu’au sixième étage, où les attendaient plus de 1 000 m² de vêtements à prix cassés, entre t-shirts, pulls et accessoires.
Curiosité, déception et sacs pleins de vêtements Shein
« C’est une arnaque ! Trois fois plus cher que sur le site », s’agace Laure, 58 ans, cheffe d’entreprise dans le secteur médical. Elle finit tout de même par acheter une chemise à 16 euros, attirée par le bon d’achat équivalent offert pour la journée d’ouverture.
À côté, Dominique, secrétaire médicale, ressort avec deux t-shirts à moins de 15 euros : « Je m’attendais à plus de choix, mais bon, j’ai fait le déplacement. »
Les réactions oscillent entre désillusion et frénésie d’achat. Beaucoup repartent chargés de sacs noirs siglés Shein, d’autres haussent les épaules, jugeant l’expérience « sans grand intérêt ».
Des clients partagés
Devant les caméras, chacun y va de son opinion. Rosilone, 28 ans, étudiante, admet que Shein n’est pas un modèle éthique : « Oui, c’est fabriqué en Chine, mais il y a pire ailleurs », dit-elle, tout en tenant deux pulls sous le bras.
D’autres défendent leur présence avec un argument simple : le pouvoir d’achat.
« J’ai commandé plusieurs fois sur Shein parce que je suis pauvre », confie Yamina, 59 ans, en invalidité, venue pour la première fois au BHV.
Marie, 43 ans, femme de ménage, chuchote presque : « Je suis venue en cachette, mon mari me jugerait. C’est vrai qu’il faut acheter français, mais c’est hors de prix. »
Un gros malaise autour du partenariat avec Shein
À l’extérieur, les forces de l’ordre encadrent l’entrée du magasin. Des militants agitent des pancartes, criant leur colère contre les conditions de travail dans les usines ou la vente passée de produits controversés.
« Honte à vous qui faites la queue ! », hurle Kadija, militante féministe de 33 ans, avant d’être repoussée de l’autre côté de la rue.
L’association Mouv’enfants est aussi venue dénoncer le comportement du géant chinois, accusé de vendre des produits à connotation sexuelle imitant des enfants. Shein assure avoir retiré ces articles de son site, mais le mal est fait : la polémique plane toujours.
Le BHV ne dort pas
Ce partenariat n’est pas sans conséquence pour le grand magasin parisien, repris en 2023 par la société SGM de Frédéric Merlin. Plusieurs marques ont quitté les lieux, certaines à cause d’impayés, d’autres par désaccord avec cette collaboration jugée sulfureuse.
Pourtant, mercredi, le pari semble temporairement payant : la fréquentation a grimpé de 50 % en fin d’après-midi, selon la direction.
Assise sur une chaise, Rouma Chiniah, aide-soignante de 62 ans, souffle : « J’en ai pour 200 euros de vêtements. Des pantalons, des gilets, des vestes… Ce n’est pas de la grande qualité, mais ça fera l’affaire pour l’hiver. »
Shein cristallise un dilemme du consommateur tiraillé entre éthique et prix bas.
Franck, 50 ans, professionnel de l’événementiel, l’assume sans détour : « Je suis venu pour le buzz. Les polémiques ? Franchement, je m’en fous. J’ai pris une doudoune à 50 balles pour mon fils, c’est tout. »


