La Chine, toujours deuxième économie mondiale, a enregistré une croissance de 5 % en 2024, atteignant ainsi l’objectif fixé par le gouvernement. Pourtant, ce chiffre masque des disparités importantes et des difficultés croissantes, surtout au niveau domestique. Alors que Pékin mise sur des investissements massifs pour stimuler la production industrielle et les exportations, les défis liés à la consommation intérieure, à l’endettement croissant et aux tensions commerciales persistent. Si beaucoup de pays européens vantent la croissance chinoise, pour beaucoup de chinois, le pouvoir d’achat diminue.
Le portrait tâcheté de la croissance chinoise
Les données officielles montrent une reprise industrielle solide, soutenue par un excédent commercial dépassant les mille milliards de dollars. La réalité est que cela est loin de bénéficier à l’ensemble de la population. Les ventes au détail n’ont augmenté que de 3,5 %, bien en deçà du dynamisme industriel. Cela confirme bien que le chinois moyen n’achète plus comme avant.
Le contraste entre la performance des secteurs industriels et celle de la consommation s’explique par plusieurs facteurs. Les salaires stagnants ou en baisse dans de nombreux secteurs, les préoccupations liées à l’emploi, et le poids des dettes des ménages et des gouvernements locaux limitent les dépenses des ménages. Par exemple, Jiaqi Zhang, une banquière d’investissement, témoigne d’une baisse cumulative de 30 % de son salaire en deux ans, illustrant les pressions économiques auxquelles les jeunes professionnels chinois font face.
Le modèle économique chinois reste largement dépendant des exportations, rendues compétitives par une déflation industrielle. Bien que cette stratégie favorise les parts de marché à l’étranger, elle expose également la Chine à des conflits commerciaux croissants. En 2025, les tensions devraient s’intensifier avec l’annonce d’une nouvelle vague de tarifs douaniers américains sous l’administration Trump.
Ces barrières commerciales incitent de nombreuses entreprises étrangères à relocaliser leur production, réduisant ainsi les investissements privés et l’emploi en Chine. Les répercussions sur le marché du travail pourraient exacerber une situation déjà tendue, avec un taux de chômage des jeunes atteignant près de 20 %.
Les limites d’une croissance a priori parfaite
Pour soutenir la croissance, Pékin a multiplié les plans de relance, notamment un programme de rachat de dettes locales à hauteur de 10 trillions de yuans (1,36 trillion de dollars). L’efficacité de ces mesures reste limitée, car les fonds sont principalement orientés vers les infrastructures et l’industrie plutôt que vers les ménages.
Cette stratégie aggrave les problèmes de surcapacité industrielle et de pression déflationniste, tout en aggravant l’endettement des gouvernements locaux. À Chongqing, une mégapole de 32 millions d’habitants, les effets des investissements massifs sont perceptibles, mais les citoyens restent préoccupés par les perspectives d’emploi et de revenu.
Les doutes sur l’exactitude des chiffres officiels de croissance se multiplient. Des économistes estiment que la véritable croissance de la Chine en 2024 pourrait se situer entre 2,4 % et 2,8 %, bien en deçà des chiffres annoncés. Cette divergence soulève des questions sur la capacité du pays à maintenir un modèle de croissance durable.
Un commentaire viral de l’économiste Gao Shanwen, supprimé des réseaux sociaux chinois, mettait en lumière le fossé entre les données officielles et la réalité vécue par de nombreux citoyens. Selon lui, une surestimation des taux de croissance pourrait masquer des déséquilibres structurels majeurs.
La stagnation des revenus, le chômage élevé et la baisse de la consommation intérieure alimentent une inquiétude croissante au sein de la population. Bien que le gouvernement ait promis de prioriser la consommation intérieure, les initiatives restent limitées. Par exemple, la récente augmentation des salaires des fonctionnaires ne représente qu’une fraction négligeable du PIB.
Par ailleurs, les investisseurs internationaux et les marchés financiers expriment un scepticisme accru. Le yuan a atteint son plus bas niveau en 16 mois, reflétant des doutes sur la viabilité des politiques économiques de Pékin. L’incertitude sur la gestion des tensions commerciales et la résilience de l’économie intérieure en 2025 ne fait qu’exacerber ce sentiment.