Depuis plusieurs semaines, Israël s’attendait à subir une attaque majeure en représailles à l’assassinat du commandant du Hezbollah Fouad Shukr au Liban à la fin du mois de juillet.
Cette attaque a finalement eu lieu la semaine dernière – et il semble qu’Israël était prêt. Les Israéliens affirment avoir déjoué ce qui aurait pu être un assaut à grande échelle du Hezbollah.
En même temps, le Hezbollah présente son opération comme un succès.
Hezbollah-Israël: Deux visions du même conflit
Le Hezbollah a précisé qu’il ne s’agissait que de la première phase de sa réponse à l’assassinat de Shukr et qu’il se réservait le droit de poursuivre ses frappes après avoir évalué le succès de l’opération de dimanche dernier.
De son côté, Israël a affirmé avoir observé les préparatifs du lancement d’un millier de roquettes depuis l’autre côté de la frontière et avoir envoyé à titre préventif une centaine d’avions dans le sud du Liban, frappant 270 cibles, y compris des lanceurs de roquettes. Le Hezbollah serait capable de lancer 3 000 missiles par jour si une guerre de grande ampleur devait éclater.
Benyamin Nétanyahou a qualifié l’opération de succès israélien, ajoutant que les choses n’en resteraient pas là et qu’Israël effectuerait d’autres frappes si cela s’avérait nécessaire.
Le Hezbollah nie que les frappes israéliennes aient fait beaucoup de dégâts, assurant qu’elles se sont abattues sur des « vallées vides ».
Le mouvement chiite a envoyé un grand nombre de roquettes Katioucha sur le nord d’Israël. Il ne s’agit pas des plus grosses fusées de son arsenal – elles ont une portée limitée, d’un maximum de 40 kilomètres – et ne peuvent donc atteindre que des cibles situées dans le nord d’Israël. Le Hezbollah a déclaré que les roquettes étaient destinées à ouvrir la voie à une vague de drones en direction d’Israël. Un marin de la marine israélienne a été tué dans l’attaque.
Dans une vidéo tournée dimanche, Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, a semblé s’excuser auprès du peuple libanais pour l’avoir mis dans cette situation. Ce n’est, en soi, pas surprenant, car le Hezbollah est un acteur à la fois politique et militaire, et il doit donc éviter de s’aliéner la population libanaise.
Nasrallah a également assuré que le Hezbollah avait atteint ses objectifs et que le groupe encourageait les Libanais qui avaient quitté leurs logements proches de la zone frontalière à y retourner. Cette déclaration est peut-être prématurée, car on ne sait toujours pas comment les choses vont tourner.
Face à l’Hezbollah, quelle est la position de l’Iran?
La plupart des analystes s’attendaient à une attaque coordonnée de la part de l’Iran, du Hezbollah libanais, et peut-être aussi des rebelles houthis au Yémen et des groupes militants chiites en Syrie et en Irak pour venger l’assassinat de Shukr à Beyrouth ainsi que celui du chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, à Téhéran le 31 juillet.
Mais cela ne s’est pas produit. Il est possible d’en tirer plusieurs enseignements.
Tout d’abord, à ce stade, l’Iran essaie probablement de trouver le meilleur moyen de réagir à l’assassinat de Haniyeh.
En avril, en représailles à une frappe de missile sur un bâtiment diplomatique iranien à Damas, qui avait tué plusieurs membres du Corps des gardiens de la révolution islamique, il a envoyé plus de 300 missiles et drones sur Israël. Mais la quasi-totalité d’entre eux ont été abattus et il n’y a pas eu de dégâts importants.
Si Téhéran avait décidé de lancer une nouvelle attaque de ce type et si celle-ci avait été une fois de plus repoussée, il apparaîtrait clairement que l’Iran ne dispose pas des moyens de frapper durement Israël.
Dans le même temps, l’Iran peut aussi ne pas souhaiter lancer d’attaque plus importante car il sait que cela pourrait déclencher une guerre plus étendue. Et Téhéran ne veut pas donner aux Américains ou aux Israéliens une excuse pour lancer une attaque concertée contre ses installations nucléaires.
Il est donc probable que l’Iran tente de trouver un juste milieu entre sa frappe d’avril et une riposte un peu plus musclée. Cela prend manifestement du temps.
Cela pourrait également indiquer qu’un débat est en cours en Iran entre l’entourage du président nouvellement élu, Masoud Pezeshkian, qui est connu pour être un modéré (du point de vue de la scène politique iranienne), et les Gardiens de la Révolution, qui appellent depuis un certain temps à s’attaquer avec virulence à Israël.
L’Iran a peut-être simplement décidé qu’il ne répondrait à Israël que par l’intermédiaire de ses mandataires : les attaques limitées du Hezbollah et des Houthis sont tout ce qu’il est prêt à faire à ce stade. Mais cela ne signifie pas que le danger est écarté, car il est toujours possible que des messages soient mal compris entre des antagonistes aussi hostiles.
Nétanyahou est aussi menacé par le Hezbollah
Le premier ministre israélien est lui aussi soumis à la pression constante de l’aile droite de son cabinet, qui préconise depuis longtemps l’élimination de la menace du Hezbollah à la frontière nord d’Israël, même si cette tâche est très difficile. Israël a déjà essayé de détruire cette organisation en 2006, sans succès.
En outre, environ 60 000 personnes ont dû évacuer leurs maisons dans le nord d’Israël et vivent désormais dans des logements temporaires en raison de la menace que fait planer le Hezbollah. Ces gens attendent de Nétanyahou qu’il fasse en sorte qu’ils puissent rentrer chez eux en sécurité.
Il est difficile pour Israël de répondre à des menaces militaires sur deux fronts. Voilà maintenant près de 11 mois que l’armée israélienne combat le Hamas à Gaza et, dans une certaine mesure, protège le nord d’Israël contre les attaques du Hezbollah.
De plus, les effectifs permanents de l’armée israélienne sont limités. Elle ne compte qu’environ 169 000 soldats réguliers, et doit utiliser quelque 300 000 réservistes pour répondre à ses besoins actuels.
Or avoir recours aux réservistes affecte l’économie parce qu’ils doivent alors abandonner leur emploi. Récemment, l’agence de notation Fitch Ratings a dégradé la note d’Israël de A à A moins, reflétant le fait que l’économie ne fonctionne pas aussi bien qu’elle le devrait, en plus des risques géopolitiques accrus. Le pays est en guerre perpétuelle et les militaires veulent faire une pause.
Nétanyahou est réticent à toute forme de pause dans les combats, car cela pourrait remettre en cause sa coalition et aboutir à la tenue d’élections anticipées, qu’il perdrait probablement.
Depuis l’attaque du Hamas du 7 octobre, sa stratégie a été exclusivement sécuritaire. Afin de restaurer la confiance de ses concitoyens en sa personne, il cherche à montrer qu’il peut contrer toute menace contre Israël. Pour ce faire, il doit tout particulièrement rétablir la confiance des habitants du nord du pays et mettre fin aux attaques du Hezbollah.
Il semble que cela pourrait durer un certain temps, mais le Hezbollah a également déclaré qu’il cesserait ses attaques si un cessez-le-feu intervenait à Gaza. En ce sens, nous sommes coincés dans une boucle qui ne s’arrêtera pas tant qu’il n’y aura pas de percée dans les négociations sur le cessez-le-feu entre Israël et le Hamas.
Et compte tenu des obstacles qui subsistent de part et d’autre, il est difficile de s’attendre à ce que cela se produise de sitôt.