De l’Ukraine à Gaza, du Soudan au Liban — les appels à un renouveau des mécanismes de paix et de coopération internationale se multiplient.
L’ordre mondial hérité de l’après-guerre semble vaciller et la nécessité de repenser le rôle des institutions comme l’ONU devient urgente.
Le Parisien Matin a recueilli des réflexions de divers experts, comme Rita Payne vice-présidente de l’organisation Uniting for Peace, ancienne rédactrice en chef de BBC Asia TV et ex-présidente de la Commonwealth Journalists Association.
120 conflits en cours dans le monde: Que révèle cette multiplication des guerres ?
Rita Payne : « C’est tout simplement stupéfiant. 120 conflits à travers le monde. C’est probablement l’une des périodes les plus sombres depuis la Seconde Guerre mondiale. Le désordre mondial est littéralement en train de se fragmenter sous nos yeux. »
Dans ce contexte, quel rôle doit jouer une organisation comme Uniting for Peace ?
Rita Payne : « Il est absolument essentiel que des organisations comme la nôtre continuent à agir, à faire pression et à rassembler des voix pour la paix. Chacun a un rôle à jouer. Ce type d’événement est crucial, car il donne la parole à tous, et c’est ça, la paix. »
Quel avenir pour l’ONU et la paix mondiale ?
Rita Payne : « Antonio Guterres a multiplié les appels à la paix, notamment sur Gaza. Même le pape François, peu avant sa mort, a exprimé son inquiétude. Mais malgré ces voix pacifistes, l’ONU reste souvent marginalisée dans les conflits contemporains, comme en Ukraine. »
Certains accusent l’ONU d’inefficacité. Que répondez-vous à ces critiques ?
Rita Payne : « Les critiques des républicains américains, qui prônent un retrait de l’ONU, dénoncent un échec à prévenir les génocides, les violations des droits humains ou encore les pandémies. Ces accusations sont exagérées. »
Quelles sont selon vous les racines profondes des conflits actuels ?
Rita Payne : « Les causes sont multiples : inégalités, rareté des ressources, tensions religieuses ou tribales, guerres territoriales, et bien sûr, le changement climatique. À cela s’ajoutent de nouveaux types de conflits — cyberattaques, désinformation, guerres par procuration — où les lignes entre civils et combattants sont brouillées. »
Vous avez critiqué une certaine narrative occidentale en ce qui concerne Gaza.
Rita Payne : « La narrative dominante tient les Palestiniens pour responsables, minimise les souffrances infligées. Le bombardement constant de Gaza est devenu invisible aux yeux du monde, et cela montre l’hypocrisie de certains discours et l’impunité de leurs auteurs. »
Que doit faire l’ONU pour se revitaliser ?
Rita Payne : « Il faut renforcer les capacités de médiation, réformer le Conseil de sécurité pour qu’il reflète la réalité mondiale, travailler avec la société civile, et surtout, assurer un financement indépendant de puissances comme les États-Unis. »
Vous insistez sur l’engagement citoyen. Quels outils recommandez-vous ?
Rita Payne : « Il faut mobiliser l’opinion publique. Écrivez à vos parlementaires, organisez des ateliers, participez à des manifestations, éduquez les jeunes, rejoignez des organisations pacifistes. Il faut cesser d’être de simples spectateurs. »
Oleksandra Matviichuk: « La paix ne rime pas avec occupation »
Oleksandra Matviichuk, vous êtes juriste en droits humains et vous documentez les crimes de guerre en Ukraine. Comment résumeriez-vous votre mission ?
Oleksandra Matviichuk : « Nous rendons aux gens leur nom. Cette guerre transforme les personnes en simples chiffres. Nous avons documenté plus de 84 000 épisodes de crimes de guerre. Mais au-delà des conventions de Genève, nous documentons la douleur humaine. »
Que signifie la paix pour les Ukrainiens ?
Oleksandra Matviichuk : « La paix ne signifie pas l’occupation. L’occupation est une autre forme de guerre. Elle implique disparitions forcées, tortures, viols, privation d’identité, camps de filtration et charniers. Ce n’est pas de la paix, c’est de la terreur. »
On parle beaucoup des ressources naturelles et des intérêts géopolitiques. Qu’en dites-vous?
Oleksandra Matviichuk : « On oublie les gens. Où sont les réponses pour les plus de 20 000 enfants ukrainiens déportés illégalement en Russie ? La paix ne peut pas ignorer leur sort. »