Le mois d’août 2024 restera marqué comme l’un des plus tumultueux de l’histoire politique récente de la France. À l’heure où le pays tente de se relever d’une série de crises successives, les tensions politiques n’ont fait que s’intensifier, plongeant la Ve République dans une situation de blocage institutionnel sans précédent. Au cœur de cette tourmente, deux réformes politiques majeures sont évoquées pour tenter de sortir de l’impasse : le retour au scrutin proportionnel et la mise en place d’une motion de censure constructive.
Une Crise de Gouvernance Sans Précédent en ce mois d’Août
Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale par le Président Emmanuel Macron, le pays est confronté à un vide gouvernemental préoccupant. Cela fait désormais plus de quarante jours que la France se trouve sans Premier ministre, une situation inédite sous la Ve République. Cette absence de direction politique claire a exacerbé les tensions entre les différents partis, notamment avec la montée en puissance du Rassemblement National (RN) et de La France Insoumise (LFI), qui dominent désormais les extrêmes du paysage politique.
L’incertitude politique qui règne en août a également des répercussions économiques. Comme l’a souligné Andreas Eisl, chercheur en politique économique européenne à l’Institut Jacques Delors, cette instabilité pourrait avoir un impact négatif sur l’investissement des entreprises et la consommation des ménages. Le président de l’Union des entreprises de proximité (U2P), Michel Picon, a exprimé son inquiétude quant à l’effet de cette crise sur les embauches et les projets des petites entreprises. Bien que certains économistes, comme Hélène Baudchon de BNP Paribas, estiment que cette situation ne précipitera pas le pays dans une récession, le climat d’attentisme reste préoccupant.
L’une des réformes les plus débattues en cette période de crise est le retour au scrutin proportionnel. Historiquement, la France a privilégié le scrutin majoritaire à deux tours pour les élections législatives, un système qui visait à garantir des majorités stables tout en marginalisant les partis extrémistes, notamment le Front National, aujourd’hui Rassemblement National. Cependant, les résultats des dernières élections ont remis en question cette approche.
Le 7 juillet dernier, il est apparu clairement que le scrutin majoritaire aurait pu permettre au Rassemblement National de remporter une majorité absolue, une situation que la proportionnelle aurait pu éviter. En conséquence, la proportionnelle est désormais perçue comme un moyen de renforcer la représentation parlementaire de tous les partis, y compris des extrêmes, tout en empêchant un parti de gouverner seul. Cette réforme pourrait également mettre fin aux alliances électoralistes de circonstance, comme celle qui a lié le Parti Socialiste à La France Insoumise au sein de la NUPES, en permettant à chaque formation politique de se présenter sous son propre drapeau.
Un Modèle Allemand pour la France après les évènements d’août?
Une autre réforme évoquée en août pour sortir de l’impasse actuelle est l’introduction de la motion de censure constructive, inspirée des modèles allemand et espagnol. Dans ces pays, une motion de censure ne peut être votée qu’à condition de proposer un successeur au gouvernement en place, ce qui rend impossible les renversements de gouvernement par des forces extrêmes incapables de s’entendre sur une alternative commune.
L’adoption de cette réforme en France pourrait transformer profondément le paysage politique. Elle obligerait les partis à trouver des compromis et à former des coalitions stables, une pratique encore peu courante dans la politique française, où l’obsession de l’élection présidentielle prime souvent sur la coopération parlementaire. Cela pourrait également rééquilibrer les pouvoirs en faveur de l’Assemblée nationale, en limitant l’hégémonie présidentielle sur la majorité parlementaire.
Le mois d’août a également été marqué par la montée en puissance des forces politiques aux extrêmes du spectre, avec un Rassemblement National renforcé par sa victoire aux élections européennes du 9 juin, et une France Insoumise dominant le Nouveau Front Populaire (NFP). Cette situation a exacerbé les divisions au sein de la société française et a plongé le pays dans une polarisation sans précédent.
Les partis traditionnels, notamment Les Républicains (LR) et le Parti Socialiste (PS), se trouvent de plus en plus marginalisés, incapables de s’imposer face à ces deux blocs. Cette situation rappelle les tensions de la IVe République, où les forces communistes et gaullistes s’affrontaient, laissant peu de place à une “troisième force” centriste. Aujourd’hui, la France semble revivre cette période de division, avec des conséquences potentiellement graves pour la stabilité du pays.
Les experts interrogés sur la situation politique en France s’accordent à dire que l’impasse d’août reflète une crise profonde des institutions de la Ve République. Jean Garrigues, historien et président de la Commission internationale pour l’Histoire des assemblées, souligne que la situation est “totalement inédite”, marquée par un blocage entre deux pôles extrêmes, La France insoumise (LFI) et le Rassemblement national (RN).
Andreas Eisl, chercheur en politique économique à l’Institut Jacques Delors, indique que cette instabilité a un impact négatif sur l’investissement des entreprises, bien que la trajectoire économique du pays reste orientée vers une légère croissance.
Hélène Baudchon, économiste à BNP Paribas, confirme que l’incertitude politique, bien qu’inquiétante, n’aura probablement pas un impact significatif sur les prévisions de croissance, estimant que les déterminants principaux de l’économie résident ailleurs que dans la seule politique gouvernementale.