Le gouvernement français a indiqué dès le 26 février vouloir réviser sa politique relative aux visas. Sous l’impulsion de François Bayrou, cette révision pourrait limiter le nombre de migrants et de réfugiés qui viennent en France.
Un resserrement de la politique des visas qui n’est pas vraiment nouvelle
Le régime des visas en France repose sur plusieurs cadres juridiques comme le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), ainsi que les accords bilatéraux entre la France et plusieurs pays, dont les accords de 1968 avec l’Algérie.
La France étant un membre de l’espace Schengen, sa politique de visas s’inscrit également dans les réglementations européennes, qui établissent des critères communs tout en laissant aux États une marge d’appréciation.
Historiquement, la France a longtemps privilégié une politique de mobilité relativement souple avec les pays ayant des liens historiques avec elle, comme ses anciennes colonies. Les années 1990 ont vu un durcissement progressif, marqué par la loi Pasqua de 1993, qui a introduit des conditions plus strictes pour l’immigration. Ce resserrement s’est poursuivi avec la loi Sarkozy de 2003, qui a renforcé les contrôles et introduit la notion d’immigration choisie.
La pression migratoire justifie cette révision de la politique de délivrance des visas
La tragédie de Mulhouse, où un homme d’origine algérienne sous le coup d’un arrêté d’expulsion et fiché pour radicalisation a tué une personne et en a blessé plusieurs autres dans une attaque au couteau qualifiée d’”acte terroriste islamiste” par le président Emmanuel Macron, a remis en avant un questionnement sur l’efficacité des politiques migratoires et de l’application des expulsions.
Cet individu avait fait l’objet de dix tentatives d’expulsion avortées en raison du refus de coopération des autorités algériennes. Cette situation, pourtant pas inédite a renfloué l’argumentaire de ceux plaidant pour une approche plus stricte.
Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot a appelé à une action collective européenne pour exercer une pression sur les pays qui refusent de reprendre leurs ressortissants en situation irrégulière, en proposant de restreindre l’octroi de visas à l’échelle de l’Union européenne.
Il a dit que les mesures prises par la France seule ne suffisaient pas et que l’effet serait beaucoup plus dissuasif si elles étaient appliquées de manière coordonnée avec d’autres États européens. Ce durcissement n’est pas uniquement motivé par des considérations sécuritaires, mais aussi par des tensions diplomatiques récurrentes avec l’Algérie.
Récemment, ces tensions ont atteint de nouveaux sommets en raison de plusieurs différends, dont l’emprisonnement en Algérie de l’écrivain franco-algérien Boualem Sensal, connu pour ses critiques du régime algérien, ainsi que la décision du président Macron de reconnaître les revendications territoriales du Maroc sur le Sahara occidental, une position que l’Algérie considère comme un affront diplomatique.
Lopposition de droite et d’extrême droite en France s’est emparée de ces tensions et des échecs répétés des expulsions pour dénoncer une politique migratoire jugée laxiste ce qui renforce la pression sur le gouvernement pour qu’il adopte une ligne plus dure.
C’est dans ce contexte que le Premier ministre François Bayrou a convoqué une réunion visant à étudier les obstacles à l’expulsion des migrants en situation irrégulière et à dresser une liste des pays avec lesquels la France rencontre le plus de difficultés.
Cette dynamique de durcissement ne se limite pas à la question des visas : le contrôle des frontières et le questionnement du droit d’asile sont des sujets qui sont revenus sur notre tapis politique, ce qui montre une inflexion politique marquée par une droitisation du débat public sur l’immigration.
Pourtant, le gouvernement doit composer avec des impératifs diplomatiques, comme vu durant la décision, jugée “hypocrite”, d’accorder des visas à des imams algériens pour le Ramadan, une initiative défendue par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau au nom de la liberté de culte et de la nécessité d’éviter que des tensions politiques ne pénalisent la pratique religieuse des musulmans de France.
Le dilemme auquel est confronté l’exécutif : concilier une posture plus ferme sur l’immigration avec le maintien d’un équilibre fragile dans les relations franco-algériennes et la gestion de la diversité religieuse au sein du pays.