L’enjeu autour de la loi immigration en France s’intensifie avec l’implication de Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, qui s’efforce de faire adopter une réforme majeure en 2025.
Ayant déjà vu ses propositions initiales rejetées par le Conseil constitutionnel, Retailleau tente de contourner les obstacles en utilisant des stratégies législatives comme la proposition de loi sénatoriale, déjà adoptée par le Sénat. Son projet comprend plusieurs dispositions controversées : durcissement du regroupement familial, sanctions pour séjour irrégulier, et conditionnement de l’aide au développement à la coopération des pays d’origine en matière d’expulsions.
Cette loi reprendra des dispositions censurées par le Conseil constitutionnel en janvier dernier
Les mesures censurées par le Conseil constitutionnel en janvier devraient servir de base à son nouveau projet de loi sur l’Immigration a indiqué le ministre de l’Intérieur. « Les Français la souhaitent à 71% et la France en a besoin ». Bruno Retailleau a insisté, sur le plateau de France Inter, la nécessité d’une nouvelle loi immigration. Le ministre de l’Intérieur souhaite que la France « soit dans la moyenne des pays européens ». Il parle de l’aide médicale d’Etat (AME) qu’il voudrait transformer en aide médicale d’urgence car pour lui l’AME serait « un encouragement à la clandestinité (…) qui nous singularise dans le monde entier ».
« Moi, je ne propose rien de plus que ce qui a déjà été voté par la majorité de Gabriel Attal il y a, encore une fois, quelques mois » a souligné le ministre. « Si cette majorité présidentielle a voté toutes ces dispositions qui, ensuite, ont été censurées par le Conseil constitutionnel, c’est bien qu’elle considérait qu’elles étaient utiles », a-t-il plaidé.
Pour contourner l’impasse constitutionnelle, le ministre propose un morcellement législatif, ou « saucissonnage », qui consiste à diviser les propositions en plusieurs textes distincts. Cette démarche permettrait d’accélérer l’adoption de certaines mesures sensibles sans les regrouper dans un texte global potentiellement bloqué au Parlement. Bruno Retailleau pourrait ainsi introduire une première loi visant à transposer le pacte asile et immigration de l’Union européenne, notamment pour renforcer la protection des frontières. Cette proposition permettrait de démontrer l’engagement de la France envers une politique européenne unifiée sur l’asile.
Retailleau entend également soumettre une autre loi pour introduire des mesures strictes sur le séjour irrégulier, incluant une amende de 3 750 euros pour les migrants en situation illégale, ainsi qu’une réduction des possibilités de regroupement familial. Le ministre espère qu’en passant par une proposition de loi sénatoriale déjà approuvée par le Sénat, ces dispositions obtiendront un soutien plus large, notamment du Rassemblement National, tout en gagnant du temps en évitant une réévaluation complète au sein de la Haute Assemblée.
La diminution des droits sociaux pour les migrants dans ce projet de loi
Le ministre de l’Intérieur a insisté sur le fait de vouloir diminuer les droits sociaux des migrants afin que le pays soit « moins attractif » en matière d’immigration. Pour ce faire, il pourrait allonger la durée de résidence nécessaire aux étrangers pour bénéficier des prestations familiales.
Aussi, il parle de sa volonté de prolonger de 90 à 210 jours le délai maximum en centre de rétention administrative pour les étrangers en centre de rétention administrative pour les étrangers « dangereux ». Il insiste là sur la nécessité de mettre en place « des accords bilatéraux avec les pays d’origine, les pays de transit » pour renvoyer les ressortissants sous le coup d’OQTF.
Il entend aussi durcir les durcir le regroupement familial en allongeant les délais pour y prétendre.
D’autres mesures phares comme la création de la déchéance de nationalité pour les auteurs d’homicide volontaire contre les forces de l’ordre, la fin de l’automaticité du droit du sol ou encore la caution pour les étudiants étrangers pourraient raviver les débats.
Dans un contexte où les questions d’immigration restent sensibles en France, Retailleau pourrait compter sur l’appui du Rassemblement National, qui partage sa volonté de réduire les flux migratoires. En acceptant les voix du RN pour ses textes, Retailleau fait tout de même jaser. Certains de ses collègues au sein de la droite républicaine soutiennent cette alliance pragmatique, affirmant qu’il est essentiel d’écouter les « attentes des Français », d’autres voient le soutien du RN comme peu éthique.
Pour la droite sénatoriale, l’idée de faire transiter ces textes sensibles par le Sénat est vue favorablement, dans la mesure où cette Chambre dispose d’une majorité conservatrice qui permet un examen « avec sérénité et sérieux », selon les mots de la sénatrice Agnès Evren. En d’autres termes, le Sénat pourrait devenir un terrain d’essai pour un projet de loi qui, une fois affiné, serait transmis à une Assemblée nationale aux positions plus disparates. La fragmentation en plusieurs lois pourrait aussi aggraver les dissensions et provoquer des tensions entre les factions de la droite, qui pourraient voir en Retailleau un champion d’une ligne dure, voire inflexible, sur la question migratoire.