Dimanche, la Corée du Sud a été frappée par l’une des pires catastrophes aériennes de son histoire récente.
Un Boeing 737-800 de la compagnie Jeju Air, transportant 181 personnes, s’est écrasé à l’aéroport international de Muan lors de son atterrissage. L’accident a causé la mort de 179 passagers et membres d’équipage, laissant seulement deux survivants.
Ce n’est pas la première fois que le géant américain de l’aviation Boeing se retrouve dans des situations où la production et la conception de leurs avions coûte la vie à ses passagers. La peur panique à l’idée de voler dans un Boeing défaillant peut profiter au concurrent français de Boeing, Airbus.
Les faits du crash du Boeing 737-800 de Jeju Air.
Le vol 2216 de Jeju Air, en provenance de Bangkok, devait atterrir à Muan à 9 heures du matin ce dimanche, heure locale. Peu avant l’atterrissage, le contrôle aérien a averti les pilotes d’un risque potentiel de collision avec des oiseaux, une situation connue sous le terme de “bird strike“. Moins d’une minute après cet avertissement, les pilotes ont envoyé un signal de détresse avant de tenter un atterrissage d’urgence.
Des vidéos amateurs montrent que l’avion a touché le sol à grande vitesse, avec son train d’atterrissage visiblement rétracté. Si vous souhaitez voir cette vidéo, cliquez içi. Cette vidéo peuvent être choquantes pour un public sensible toutefois.
Après avoir quitté la piste, il s’est encastré dans un mur avant de prendre feu. Les flammes, alimentées par le carburant de l’appareil, ont rapidement ravagé l’avion, laissant peu de chances de survie aux passagers.
Parmi les 181 occupants, seuls deux membres de l’équipage ont survécu. Ils ont été extraits de l’épave et transférés à l’hôpital. Les secouristes, vêtus de combinaisons de protection, ont mis en place un processus laborieux de récupération des corps, le site étant imprégné de carburant et marqué par des explosions secondaires.
Un survivant, un steward de 33 ans, a témoigné : “Je me suis réveillé après avoir été secouru. Tout est encore flou.” Ses propos, rapportés par le Dr Ju Woong de l’hôpital Ewha Womans University, présage le traumatisme que cet accident va vivre les survivants.
Lorsque des oiseaux entrent dans les moteurs ou frappent des parties sensibles d’un avion, ils peuvent causer des pannes graves. Dans ce cas, des experts suspectent que le bird strike aurait endommagé le système de train d’atterrissage ou les moteurs, compromettant l’approche finale de l’appareil.
Boeing entâche encore sa réputation à cause de son processus de fabrication et de gestion mal géré.
Le déclin de la qualité de fabrication chez Boeing est souvent attribué à des décisions stratégiques prises au niveau de la direction, en particulier après la fusion de Boeing avec McDonnell Douglas en 1997. Cette fusion a vu l’accent se déplacer progressivement de l’ingénierie et de l’innovation vers des objectifs financiers et des considérations de rentabilité à court terme.
Après cette fusion, l’objectif primaire de Boeing est devenu la réduction des coûts et l’augmentation des marges bénéficiaires. Cela a commencé à influencer les décisions, y compris celles concernant la chaîne d’approvisionnement et les processus de fabrication.
“Pour le 777, Boeing a envoyé ses responsables de l’ingénierie logicielle sur les vols d’essai.
Pour le 737 Max, Boeing a sous-traité les tests de logiciels à des entrepreneurs à 9 dollars de l’heure en Inde.
Le déclin [de Boeing] est un choix.”
Dr. Ben Braddock, analyste politique
En effet, Boeing est victime de sa volonté d’être une entreprise typiquement américaine. L’entreprise a externalisé une grande partie de la production de ses avions, notamment pour le programme du 787 Dreamliner. Cette stratégie visait à réduire les coûts en s’appuyant sur des fournisseurs dans le monde entier, mais elle a eu des conséquences très négatives.
En déléguant des parties importantes de la conception et de la fabrication à des ingénieurs et ouvriers étrangers, Boeing a réduit sa supervision sur les pièces et leur assemblage. Le programme 787, par exemple, a souffert de retards importants en raison de problèmes avec des fournisseurs incapables de respecter les normes de qualité ou les délais. De même, la coordination entre les différents fournisseurs est devenue un défi, avec des pièces mal adaptées ou nécessitant des ajustements coûteux.
Ce passage de pouvoir des ingénieurs vers un management détaché des réalités de production et de conception est la plus grande erreur que Boeing ait commise. Il y a eu d’innombrables lanceurs d’alerte à ce sujet, qui sont tout de même ignorés, au vu du crash récent.
En janvier 2020, des milliers de pages de communications internes ont été rendues publiques dans le cadre d’une enquête du Congrès américain sur les crashs du 737 MAX. Ces documents comprenaient des courriels et des messages instantanés montrant que des employés étaient conscients des problèmes mais estimaient qu’ils ne pouvaient pas s’exprimer librement. Un employé a écrit : « Cet avion a été conçu par des clowns, qui à leur tour sont supervisés par des singes. » Ce message faisait référence à la frustration face à la gestion de l’entreprise. Un autre employé a déclaré : « Je ne mettrais pas ma famille dans un avion MAX. »
Une communication interne a aussi révélé qu’il y avait des tentatives délibérées pour éviter d’impliquer les régulateurs dans certains aspects de la certification.
Ed Pierson, un ancien gestionnaire de production chez Boeing a partagé son témoignage plusieurs fois et bien qu’il ait attiré l’attention des médias, Boeing n’a pas changé ses modes de production.
Après que Pierson ait initialement envoyé une alerte interne à la direction de Boeing en juin 2018, il a pu s’exprimer devant le Congès américain, en décembre 2019. Pierson a réitéré ses inquiétudes au sujet de l’entreprise. « En tant qu’ancien officier de la Marine, je crois que la sécurité doit toujours primer sur la vitesse et le profit. Ce n’était pas le cas chez Boeing. ». dit-il.
L’un des plus gros problèmes chez Boeing, c’est que la direction est bien au courant des problèmes encourus et des risques que prennent les passagers en prenant leurs avions. Pierson a aussi tenu à dénoncer cela à CBS News en 2020: « J’ai averti mes supérieurs à plusieurs reprises que les conditions dans l’usine créaient des risques inacceptables. Mais ils n’ont pas agi. »
Les familles des victimes ont exprimé leur désespoir face à l’inaction de Boeing, qui ne les a même pas contactés à la suite des crash des Boeing 737 et la mort de membres de leur famille en 2018 et 2019. Rory Kennedy, productrice du documentaire: “Downfall: L’affaire Boeing” a expliqué que ces tragédies sont partiellement la compétition entre Boeing et Airbus les a menés à repenser leur manière de produire. Au début, il s’agissait de concevoir un tout nouveau type d’avion. Mais au final, Boeing a décidé de remettre à jour une cellule aéronautique datant des années 1960 afin de faire rentrer leur produit plus rapidement sur le marché.
Ce modèle avait des problèmes dès sa conception et le moteur s’arrêtait assez souvent. Au lieu de s’arrêter là ou de changer de direction dans la conception du 737, Boeing a simplement décidé de le réparer avec un programme: le Système d’augmentation des caractéristiques de manœuvre appelé “M-CAS”. Ce système repère lorsque la trajectoire de l’avion est déviée et pousse le “nez de l’avion vers le bas“.
Cela prend le contrôle que le pilote est censé avoir avec pour objectif d’éviter l’erreur humaine mais empêche le pilote de rectifier la trajectoire si le système se trompe.