La Wicca, terme inventé au XXe siècle, fait référence à la sorcellerie et signifie « ancienne religion ».
Comme il s’agit d’un ésotérisme, on l’associe davantage à une croyance obscure et initiatique. La Wicca possède certaines caractéristiques religieuses : règles, rituels, prières et incantations. Elle séduit particulièrement les jeunes femmes, c’est pourquoi la Wicca apparaît sous une forme de néo-paganisme et de néo-spiritualité répandue sur les réseaux sociaux.
La Wicca des réseaux sociaux: Une modernisation d’ésotérismes ancestraux.
« La Magie et la Sorcellerie secrète des Campagnes ! », « Comment développer ses dons de sorcier et de sorcière ? », « L’Univers des Fées dans la Magie Naturelle », tant de titres que l’on peut retrouver sur la plateforme « Wicca Podcasts, la plateforme des sorcières et de tous les mystères ! », disponible sur Deezer. Ces ésotérismes ancestraux pouvaient paraître dérisoires il y a 20 ans en Occident, particulièrement en France, puisqu’ils concernaient des thématiques que l’on voyait davantage comme des mythes et des légendes que comme des croyances et des spiritualités à part entière. Si ces ésotérismes anciens sont modernisés c’est parce qu’ils attirent, à nouveau, de plus en plus d’adeptes.
En ce qui concerne le réseau social Tik Tok, la communauté des sorcières est baptisée par certaines « Witchtok ». Les rituels sont alors partagés entre des milliers d’internautes, mêlant savoirs anciens et nouvelles technologies. Les posts, comme ceux de nombreux créateurs de contenu, sont influencés par les différents moments, saisons et fêtes de l’année. Mais c’est encore plus vrai pour cette communauté dont la reprise d’un calendrier ésotérique pré-chrétien est partie intégrante de son identité. On ne fête, par exemple, ni Halloween ni la Toussaint, on fête le Samhain. C’est un sabbat durant lequel les sorcières célèbrent et honorent les morts.
La modernisation de ces croyances ancestrales passe également par un syncrétisme assumé : cartomancie, tarot, croyances hellénistes, croyances celtiques ou égyptiennes, lithothérapie, concoctions de potions, rituels de protection en tous genres. Beaucoup de jeunes femmes se plaisent dans ce paysage syncrétique, moins rigide que les religions abrahamiques, principalement, qui identifient ces pratiques comme étant diaboliques. La Wicca serait le « socle » spirituel de toutes ces croyances, centrée sur la connexion et l’exploitation rituelle de la nature.
Incarnation d’un mouvement féministe ?
La Wicca est surtout présente aux États-Unis et en Europe.
Initialement fondé par Gerald Gardner (1884-1964) dans les années 1950, ce mouvement garde ses bases jusqu’à aujourd’hui : les divinités naturelles et les rituels magiques. Il existe plusieurs branches, dont une qui est féministe et qui s’appelle le dianisme. Les dianistes célèbrent « la Grande Déesse » et elles font des réunions exclusivement féminines, pratiquant ainsi la non-mixité.
On doit sa création à deux femmes, dans les années 1970. Il s’agit d’abord de Zsuzsanna Budapest, autrice du livre The Holy Book of Women’s Mysteries (Le Saint Livre des Mystères Féminins), et Miriam Simos, une activiste écologiste américaine, autrice de The Spiral Dance, A rebirth in the ancient religion of the Great Goddess (La Danse Spirale, Une renaissance dans l’ancienne religion de la Grande Déesse ).
La sorcière moderne est la descendante de la sorcière païenne, celle des croyances anciennes mais aussi celle construite avec les siècles dans l’inconscient collectif. Dans ce cadre, la sorcière moderne est néo-païenne. Elle incarne, de nos jours, la femme puissante qui refuse de brider cette même puissance. Mais aussi, la spiritualité féminine, le lien entre la nature et le féminin sacré.
« Nous sommes les petites filles des sorcières que vous n’avez pas réussi à brûler » : cette phrase est devenue le slogan de nombreuses manifestations féministes. En affirmant son pouvoir sacré et ésotérique, la sorcière du XXIe siècle participe, à sa façon, à ce que l’on nomme « women empowerment », ou la prise de pouvoir et de confiance des femmes dans leur statut de femmes.
La marginalisation subie par la sorcière historique devient la marginalisation dénoncée par les femmes parce que causée par leur sexe. L’écrivaine et activiste Miriam Simos affirme que : « Se définir comme sorcière, c’est affirmer le droit des femmes à être puissantes et dangereuses en faisant des héritières des guérisseuses, des sages-femmes et de toutes les formes de savoir non approuvées par les autorités. »
Les W.I.T.C.H, Women’s International Terrorist Conspiracy from Hell, (Conspiration Terroriste Internationale des Femmes de l’Enfer) sont le premier mouvement large et reconnu de féministes se déclarant sorcières. Elles sont présentes lors des manifestations, comme celles contre Donald Trump ou pour soutenir le mouvement Black Lives Matter.
La renaissance de spiritualités anciennes comme la Wicca qui attirent de plus en plus.
Selon Wired, le hashtag “Wicca” a atteint les 585 millions de vues sur TikTok.
Parce qu’elle se répand sur les réseaux sociaux, la Wicca apporte une grande place à l’esthétisme. La tradition chrétienne, particulièrement catholique, qui chérit la représentation soulignant la dualité d’un monde séparé entre le bien et le mal, a tenu à représenter dans l’Histoire ces femmes dont l’Église ne nie pas l’existence mais condamne les pratiques.
Le chapeau pointu, le nez crochu, la vieillesse, le visage peu avantageux, les verrues ; tous participent à rendre la sorcière repoussante à l’image du jugement adressé à ce qu’elle représente.
Alors en 2024, la sorcière n’a pas perdu son chapeau pointu, ses habits noirs, qui la rendent reconnaissable mais elle est aussi jeune, sexy, moderne, souvent arborant un maquillage travaillé. Sa sorcellerie est sa force, l’intensification de son énergie féminine et non l’inverse.
Sur Instagram, le compte @majara__ , par exemple, rassemble 24.800 abonnés autour de ces représentations modernisées et attirantes de la sorcière.
Les vidéos courtes, format Tik Tok, sont idéales pour les sorcières modernes des réseaux sociaux et leur volonté de réunir leur communauté autour de leurs vidéos, vulgariser leur spiritualité et leurs rituels.
Comme toute bonne sorcière qui se respecte, la sorcière moderne, accessoirement tiktokeuse, partage ses expériences et ses potions pour attirer un amoureux, avoir de la chance ou encore être protégée du mauvais œil.
Par exemple, @unesorciereenville partage sur Tik Tok une vidéo d’une potion et d’ « un petit sort pour ne pas se retrouver en difficulté financière », « attirer l’argent et réduire les dépenses ». Cette vidéo fait, à ce jour, 85 500 vues, 2753 j’aime, 50 commentaires, et 492 partages. L’influence montante de la Wicca est indéniable.
L’attrait renaissant des Occidentaux pour la sorcellerie sous la figure de la Wicca est accentué par le fait qu’il s’agisse d’une croyance sans obligations particulières qui condamneraient une personne à l’Enfer ou l’emmèneraient jusqu’au Paradis.
Cet absence de devoirs envers un Dieu tout puissant séduit car, alors, la spiritualité et la pratique sont plus libres. Néanmoins, certaines décident de servir un dieu ou une déesse attitrés mais seulement parce qu’elles les ont choisis et qu’elles entretiennent un attrait pour ce dernier ou cette dernière.
Les spiritualités occidentales se sécularisent encore davantage depuis le développement de la Wicca comme un mouvement de néo-sorcières, faisant reculer les croyances plus dogmatiques.