En 2024, l’économie irlandaise continue d’impressionner les observateurs mondiaux grâce à une croissance rapide, largement alimentée par le secteur des multinationales américaines et des entreprises technologiques.
L’Irlande se positionne parmi les économies les plus prospères de l’Union européenne, avec une croissance cinq fois plus rapide que les prévisions initiales en 2023.
Cette réussite est accompagnée de certaines préoccupations majeures, notamment la dépendance envers quelques grandes entreprises et les questions liées à la durabilité de cette trajectoire économique.
L’économie irlandaise est propulsée par des entreprises américaines.
Depuis deux décennies, l’Irlande s’est imposée comme un hub incontournable pour les géants technologiques américains tels qu’Apple, Google, Meta, Pfizer, et Intel. Cette tendance a renforcé une augmentation substantielle des revenus fiscaux issus de l’impôt sur les sociétés, un facteur majeur de la croissance. Le taux d’imposition attractif de 12,5% a été l’un des piliers de cette stratégie, positionnant l’Irlande comme la porte d’entrée du marché européen pour les multinationales américaines.
L’économie irlandaise bénéficie largement de cette manne fiscale. En 2023, la contribution de l’impôt sur les sociétés a continué de dépasser toutes les attentes. Toutefois, ce modèle présente des vulnérabilités, car il repose sur un petit groupe d’entreprises qui contribuent de manière disproportionnée aux revenus fiscaux du pays.
Une question majeure qui illustre cette dépendance est l’affaire Apple, où la Cour de justice de l’Union européenne a ordonné à l’entreprise de verser 13 milliards d’euros d’arriérés d’impôts à l’État irlandais. Cet épisode met en lumière les tensions entre Dublin et Bruxelles, l’Irlande ayant bénéficié pendant des années d’un régime fiscal particulièrement favorable pour attirer les grandes entreprises. Le gouvernement irlandais est dans une situation paradoxale, avec des milliards d’euros disponibles, mais qu’il hésite à dépenser en raison des risques d’inflation ou de surchauffe économique.
Une économie irlandaise qui va bien mais qui ne se met pas au profit de la société.
Grâce à cette dynamique, l’Irlande affiche désormais un excédent budgétaire significatif, un fait rare parmi les économies européennes.
L’État fait pourtant face à une série de dilemmes. D’une part, il existe une demande croissante pour investir dans l’infrastructure, le logement et les services publics, domaines où le pays accuse un retard par rapport à d’autres nations développées. Le pays est souvent qualifié d’«économie du premier monde avec une infrastructure du tiers monde». Ce contraste est flagrant notamment dans le secteur du logement, où les prix ont flambé, rendant difficile l’accès à des logements abordables pour de nombreuses familles irlandaises.
Des économistes craignent que des investissements massifs dans l’infrastructure, financés par cet excédent, ne stimulent une inflation encore plus forte. Actuellement, l’économie irlandaise montre déjà des signes de surchauffe, avec une demande excédentaire qui pèse sur les prix dans plusieurs secteurs, en particulier l’immobilier.
Un autre facteur clé de la prospérité irlandaise est son marché du travail dynamique. L’Irlande est un pays qui attire une main-d’œuvre internationale qualifiée, alimentée par une immigration continue. Cette migration soutient l’expansion des entreprises multinationales qui, en retour, stimulent encore plus la demande de talents.
La forte demande de logement et d’infrastructures ne suit pas le rythme de la croissance démographique. Dublin et d’autres villes irlandaises peinent à offrir des logements abordables à leurs résidents, une situation qui, à long terme, pourrait devenir un frein au développement économique.
Si l’économie irlandaise prospère actuellement, des questions demeurent quant à la durabilité de ce modèle. La dépendance excessive envers un petit groupe de grandes entreprises américaines rend le pays vulnérable à des chocs externes. Une décision fiscale défavorable à l’échelle internationale ou européenne pourrait avoir des conséquences dramatiques sur les revenus fiscaux de l’Irlande.
La concurrence fiscale mondiale s’intensifie, avec des appels croissants à harmoniser les taux d’imposition des entreprises dans l’UE et au niveau de l’OCDE.
Les pressions inflationnistes, exacerbées par la pénurie de logements et la hausse des coûts de l’immobilier, risquent de miner la compétitivité du pays. Il devient impératif pour le gouvernement irlandais de diversifier sa base fiscale et d’investir dans les secteurs qui peuvent assurer une croissance durable, comme les énergies renouvelables et l’innovation technologique.