L’Indonésie occupe aujourd’hui une position décisive dans l’industrie des centres de données. Son immense potentiel en fait un futur leader de l’Asie du Sud-Est. Les centres de données constituent la base physique de l’infrastructure informatique : ce sont des lieux où sont hébergés serveurs, dispositifs de stockage et équipements réseau, essentiels au fonctionnement numérique des entreprises.
Les acteurs du secteur doivent renforcer l’infrastructure et mettre en place sans délai des plans de cybersécurité et de lutte contre le terrorisme. Les entreprises sont appelées à promouvoir un développement durable des centres de données et à instaurer une réglementation stricte, tout en protégeant les données et la souveraineté publique à chaque étape, notamment lors des transferts prévus vers les États-Unis. Toute inaction mettrait en danger des actifs stratégiques.
Afin d’approfondir le sujet, Le Parisien Matin a interrogé Hendra Suryakusuma, président de l’Indonesia Data Center Provider Organization (IDPRO).
Hendra Suryakusuma : « L’Indonésie a besoin de davantage de centres de données »
En 2016, la capacité des centres de données indonésiens atteignait seulement 32 mégawatts ; aujourd’hui, elle avoisine 420 MW sur un total de 500 MW. À titre de comparaison, Johor Bahru, en Malaisie, dispose de 1,3 gigawatt et domine actuellement la région. L’Indonésie ne peut plus se permettre de rester en retrait. Compte tenu de sa population, de la valeur de son marché numérique (GMV) et de la vitalité de son économie en ligne, le pays doit accélérer la création de nouveaux centres de données.
Nos membres respectent des standards techniques élevés : la majorité sont classés Tier 3, certains Tier 4. Beaucoup recourent à l’intelligence artificielle (IA) pour la maintenance et l’exploitation. Le principal frein demeure la réglementation : depuis 2019, l’assouplissement des exigences et l’absence persistante d’une loi sur la protection des données personnelles ont accru les risques de fuites d’informations.
Les incitations fiscales constituent un autre souci. En Malaisie, les entreprises utilisant l’IA bénéficient d’exonérations sur l’importation et l’exploitation des serveurs, tout comme en Thaïlande. En Indonésie, seuls les acteurs implantés dans le Nongsa Digital Park de Batam profitent de tels avantages. Ailleurs, les droits d’importation de 15 % et les taxes sur les serveurs freinent les investissements et limitent la croissance de partenaires comme Nvidia Cloud, pourtant engagés sur des volumes importants.
L’approvisionnement énergétique pose également problème. Les entreprises américaines et européennes exigent une énergie renouvelable, alors que l’Indonésie dépend encore largement du charbon. Les membres de l’IDPRO compensent partiellement cela en achetant des certificats d’énergie verte.
L’industrie progresse rapidement, mais le manque d’ingénieurs qualifiés crée une forte concurrence pour les talents. L’IDPRO développe actuellement des programmes de formation et de certification, en collaboration avec des établissements scolaires, pour adapter les cursus aux besoins du secteur.
L’Indonésie dispose d’atouts considérables : son taux de pénétration d’Internet dépasse 80 %, soit plus de 220 millions d’internautes, et son potentiel en énergies renouvelables est immense. De plus, les sanctions américaines récentes visant la Malaisie, la Thaïlande et le Vietnam qui restreignent leur accès aux principaux semi-conducteurs, offrent à l’Indonésie une opportunité unique de devenir le centre numérique dominant de l’Asie du Sud-Est, malgré un indice de facilité des affaires encore faible.


