En 2017, le mouvement #Balancetonporc prend une ampleur phénoménale en France et atteint son apogée en 2020 lorsque de nombreuses marches pour le féminisme sont organisées dans les grandes métropoles. De nombreuses femmes écrivent un nouveau chapitre de l’histoire – celui où les femmes osent dénoncer des violences dont elles sont victimes et refusent de se soumettre aux hommes. Pourtant, de nombreuses critiques assaillent ce mouvement.
Les intellectuels sont les premiers à réfléchir à une société où le féminisme règne
Simone de Beauvoir est l’une des figures majeures de la philosophie du XXe siècle, connue pour ses contributions essentielles au féminisme, à l’existentialisme, et à la littérature. Son œuvre, riche et diverse, explore les dimensions de l’existence humaine, la liberté individuelle, et les structures de l’oppression sociale.
“Le Deuxième Sexe” est sans doute l’œuvre la plus influente de Simone de Beauvoir. Divisé en deux volumes, “Les Faits et les Mythes” et “L’Expérience Vécue”, ce livre monumental examine la condition féminine sous différents angles : biologique, psychoanalytique, et matérialiste.
Dans ce premier volume, de Beauvoir déconstruit les mythes et stéréotypes associés aux femmes, qui servent à justifier leur oppression. Elle explore comment les représentations culturelles et religieuses ont contribué à la subordination des femmes.
Le second volume se penche sur la vie quotidienne des femmes et leur lutte pour l’autonomie dans un monde dominé par les hommes. De Beauvoir y expose l’idée que “on ne naît pas femme, on le devient”, soulignant que la féminité est une construction sociale plutôt qu’une essence naturelle.
“Le Deuxième Sexe” a eu un impact profond sur la pensée féministe. Il a ouvert la voie à la deuxième vague du féminisme dans les années 1960 et 1970, influençant des militantes et des théoriciennes à travers le monde. Bien que controversé à sa publication, le livre est aujourd’hui considéré comme une œuvre fondatrice du féminisme moderne.
De Beauvoir a aidé à sensibiliser les femmes à leur condition d’opprimées et à la nature systématique de cette oppression. Cela a encouragé de nombreuses femmes à questionner leur rôle dans la société et à militer pour des changements. En soulignant l’importance de l’autonomie et de la liberté individuelle, elle a incité les femmes à revendiquer leurs droits et à lutter pour l’égalité. Ses écrits ont inspiré des campagnes pour le droit à l’avortement, l’égalité salariale, et contre les violences faites aux femmes.
“Le Deuxième Sexe” a également été fondamental pour le développement des études de genre comme discipline académique. Sa perspective multidisciplinaire, incorporant la philosophie, la sociologie, la psychologie et l’histoire, a ouvert la voie à une approche plus complexe et nuancée des questions de genre.
L’idée que le genre est une construction sociale a été une contribution cruciale. Cela a permis de repenser les rôles de genre et de critiquer les normes imposées par la société patriarcale.
De Beauvoir ne l’a pas formulée ainsi, mais son analyse des diverses dimensions de l’oppression féminine a préparé le terrain pour l’intersectionnalité, une approche qui examine comment différents aspects de l’identité (genre, race, classe, sexualité) interagissent pour créer des dynamiques complexes de privilège et de discrimination.
Bien que “Le Deuxième Sexe” soit largement acclamé, il a aussi fait l’objet de critiques. Certains ont reproché à de Beauvoir de se concentrer principalement sur les expériences des femmes blanches, occidentales et bourgeoises, négligeant ainsi les perspectives des femmes de couleur et des femmes de classe ouvrière. Les critiques ont conduit à des débats importants sur l’universalité de l’expérience féminine et sur la nécessité d’inclure des voix diverses dans le discours féministe.
L’influence de Simone de Beauvoir sur la pensée féministe est indéniable. Ses idées ont vraiment facilité l’expression des violences que les femmes vivent. Son travail montre la violence envers les femmes avec une simplicité qui permet aux victimes de sexisme de se regarder dans un miroir et de se dire “Ce n’est pas moi le problème. C’est un problème de société qui perdure”
Badinter – Le féminisme permet de réfléchir aux normes sociales
Après de Beauvoir, il y a eu Badinter. Analyser l’œuvre de Mme Badinter, c’est se rendre compte que l’on sait qu’il y a un problème et qu’il faut réfléchir à une éventuelle solution. C’est dans cet esprit que Badinter essaie de pousser son lectorat à remettre en question ce que nous avons accepté pendant des siècles: Des normes sociales genrées.
Dans “L’Amour en Plus”, Badinter remet en question l’idée que l’instinct maternel est inné. Elle examine l’histoire de la maternité en Occident et montre que les attitudes envers les enfants et la maternité ont considérablement varié au fil du temps. Badinter argue que l’instinct maternel est une construction sociale plutôt qu’une réalité biologique.
Elle s’appuie sur des données historiques pour démontrer que l’amour maternel tel qu’il est perçu aujourd’hui est le résultat de facteurs sociaux et culturels, plutôt que d’une essence naturelle immuable.
En déconstruisant le mythe de l’instinct maternel, Badinter critique le naturalisme qui enferme les femmes dans des rôles prédéterminés par leur sexe. Elle plaide pour une reconnaissance de la maternité comme un choix et non une obligation.
Dans un essai, Badinter explore les constructions de l’identité masculine. Elle analyse comment les rôles de genre affectent non seulement les femmes, mais aussi les hommes, et comment ces rôles sont inculqués dès la naissance.
Badinter examine les attentes et les pressions sociales qui pèsent sur les hommes pour se conformer à un idéal de masculinité. Elle met en lumière les conséquences psychologiques et sociales de ces attentes. Elle prône une redéfinition des rôles de genre pour permettre une plus grande liberté et égalité entre les sexes. Son travail est une invitation à repenser les relations de genre de manière plus égalitaire et moins contraignante.
Dans “Le Conflit”, Badinter aborde le débat contemporain sur la maternité et l’émancipation féminine. Elle critique le retour à un modèle de maternité intensive, où les mères sont censées se consacrer entièrement à leurs enfants au détriment de leur vie professionnelle et personnelle.
Badinter s’oppose à la tendance croissante de valorisation de la maternité à temps plein, qu’elle considère comme une nouvelle forme d’oppression des femmes.
Elle se porte en faveur du droit des femmes à choisir librement leur mode de vie, sans culpabilité ni pression sociale. Elle défend l’idée que l’égalité réelle passe par la possibilité pour les femmes de concilier carrière et maternité selon leurs propres termes.
Les œuvres de Badinter ont souvent suscité des débats passionnés. Ses positions, parfois perçues comme provocatrices, ont divisé l’opinion publique et les milieux féministes.
Badinter est une fervente défenseuse de la laïcité et des droits des femmes dans le contexte du multiculturalisme en France. Elle a critiqué le port du voile et d’autres pratiques qu’elle considère comme des symboles de l’oppression des femmes. Certaines féministes radicales ont critiqué Badinter pour son approche perçue comme trop individualiste et pour sa position sur la maternité, qu’elles jugent déconnectée des réalités des mères qui choisissent de se consacrer entièrement à leurs enfants.
Élisabeth Badinter reste malgré tout une voix influente et respectée dans le féminisme et le paysage intellectuel français. Ce qu’elle nous enseigne dans ses écrits, c’est que les violences à l’encontre des femmes sont partiellement dues à des idées préconçues quant à la place des femmes en société
Le féminisme actuel combat activement les violences physiques et sexuelles faites aux femmes
Beaucoup d’entre nous pourraient croire que le mouvement #Balancetonporc dont l’esprit domine le paysage féministe depuis quelques années est simplement du au mouvement américain #Metoo.
En réalité, les femmes françaises subissent de telles violences qu’il est naturel pour elles de créer un mouvement pour se protéger des hommes ainsi que d’un système de justice qui est franchement inefficace.
Avec un taux d’agression sexuelle atteignant les 40% en 2021, les femmes en France sont conscientes qu’elles ne peuvent plus attendre que les choses se passent en silence.
Comme Caroline De Haas qui a co-fondé l’association “Osons le féminisme ” en 2009, les femmes créent leur propre mouvement ou rejoignent ceux des autres. Comme Camille Kouchner, elles osent sortir des témoignages bouleversants qui constituent un risque pour leur image et qui dénoncent les abus qu’elles vivent.
“La libération de la parole, c’est super mais c’est le début du chemin.” explique Camille Kouchner. Auteure de “La Familia Grande”, Kouchner explique que son beau-père, le célébrissime homme politique Olivier Duhamel a abusé d’elle et de son frère lorsqu’ils étaient enfants. “Mon beau-père « chauffait » les femmes de ses amis. Les amis sont venus voir les nounous. Les jeunes hommes étaient offerts aux femmes plus âgées. Je me souviens, sous la table, de mon beau-père caressant la jambe d’une femme. Je me souviens de l’explication de ma mère lorsque je la lui ai transmise : « Il n’y a pas de mal. Je sais à ce sujet. Baiser, c’est la liberté. Mais était-ce également permis avec mon frère ?” Elle ajoute.
Face à ce temoignage choc, ainsi que celui des victimes de Roman Polanski, DSK et Gabriel Matzneff, il y a plusieurs réactions – Un soutien inconditionnel, un souhait de justice voire de revanche et un peu de peur qui s’y mêle – La peur d’être victime à son tour.
Une autre réaction, beaucoup plus cruelle, déferle en masse sur les réseaux: Ne pas croire les victimes, les accuser de mentir, d’avoir cherché les ennuis, d’avoir “allumé” ces hommes.
En soi, le féminisme est haï de tous – sauf des victimes et c’est bien pour cela qu’il faut anticiper une nouvelle vague de féminisme dans les années à venir.