Après presque quarante ans passés à transformer Vogue en véritable institution mondiale, Anna Wintour a annoncé qu’elle quittait son poste de rédactrice en chef du magazine américain. L’information, attendue depuis quelque temps, a été confirmée lors d’une réunion avec ses équipes le mercredi 25 juin, avant d’être relayée par plusieurs médias spécialisés comme Business of Fashion et The Daily Front Row.
Elle reste l’architecte de l’empire Condé Nast
À 75 ans, Anna Wintour ne disparaît pas totalement du paysage médiatique. Elle conserve ses responsabilités en tant que directrice mondiale des contenus pour Condé Nast et directrice éditoriale internationale de Vogue, des postes qu’elle occupe depuis 2020. Son départ de la direction de Vogue US conclut toutefois un chapitre de l’histoire de la mode et des médias.
Une arrivée fracassante en 1988
Quand elle prend la tête de Vogue en 1988, Anna Wintour frappe fort. Sa première couverture fait sensation : on y découvre Michaela Bercu, mannequin et actrice israélienne, vêtue d’un jean à 50 dollars et d’un somptueux pull Christian Lacroix orné d’une croix en perles, valant 10 000 dollars. Loin des portraits sophistiqués, maquillages imposants et bijoux clinquants qui dominaient alors la une du magazine, ce cliché annonce une nouvelle vision.
Plus libre, plus audacieuse, plus connectée à la rue.
Dans une interview accordée à Vogue en 2012, Anna Wintour revient sur ce choix : « C’était si différent des couvertures soignées et élégantes de l’époque. Celle-ci a bousculé toutes les habitudes. » Beaucoup y ont vu un message : un mélange de luxe et de simplicité, une prise de position religieuse, certains pensaient même que Michaela était enceinte. Wintour répond simplement : « Rien de tout cela n’était vrai. J’ai vu cette photo et j’ai senti qu’elle incarnait un changement. Et on ne peut rien demander de mieux à une couverture. »
Une vision qui a façonné la culture mondiale
C’est cette capacité à capter l’air du temps qui a forgé la légende d’Anna Wintour. Sous sa direction, Vogue est devenu un espace d’influence où se croisent des artistes, des débats de société et de beaux entretiens. Elle a toujours su dénicher la tendance avant qu’elle ne devienne évidente, imposer des stylistes inconnus et repositionner la mode comme un moteur économique et culturel majeur.
Selon Celebrity Net Worth, la fortune estimée d’Anna Wintour avoisine les 50 millions de dollars. Son salaire annuel en tant que rédactrice en chef de Vogue était estimé à environ 4 millions de dollars, sans compter ses fonctions supplémentaires depuis qu’elle est devenue directrice artistique de Condé Nast en 2013, puis directrice mondiale des contenus.
Depuis 1988, Anna Wintour est l’image même de Vogue. Son carré impeccable, ses lunettes noires et son attitude à la fois glaciale et élégante sont devenus aussi célèbres que la couverture du magazine. Elle s’est imposée sur le premier rang des défilés à New York, Paris ou Milan, elle a piloté le Met Gala chaque année et a validé toutes les grandes tendances de ces quatre dernières décennies.
Le Met Gala, son grand œuvre
Le Met Gala restera lié à son nom. Chaque édition offre aux maisons de couture et aux célébrités un thème à interpréter, ouvrant la voie à des créations spectaculaires et à des interprétations artistiques mémorables. Cette année, le thème Superfine: Tailoring Black Style s’est inspiré du dandysme noir et a été co-présidé par Lewis Hamilton, Colman Domingo, A$AP Rocky et Pharrell Williams.
Rien n’indique pour l’instant qu’elle abandonnera son rôle de présidente du Met Gala. Sa présence y reste essentielle, et personne n’imagine cet événement sans elle.
Sa dernière couverture en tant que rédactrice en chef met en scène Hailey Bieber, mannequin et entrepreneuse à succès grâce à sa marque de cosmétiques Rhode récemment vendue pour un milliard de dollars. On la voit faire du yoga, conduire cheveux au vent et se détendre au bord d’une piscine, sur fond de désert californien. Un adieu en douceur, lumineux et serein, à l’image de la vision qu’Anna Wintour a toujours imposée : glamour et modernité.
Une figure emblématique qui s’inscrit dans la culture populaire
Le grand public la découvre réellement au cinéma en 2006 grâce à Le Diable s’habille en Prada, adapté du livre de Lauren Weisberger, son ancienne assistante. Meryl Streep y incarne Miranda Priestly, une patronne tyrannique et charismatique, largement inspirée d’elle. Anna Wintour, interrogée des années plus tard sur les ressemblances avec ce personnage, a répondu avec un sourire énigmatique : « C’est au public et à mes équipes d’en décider. »
En 2014, elle choque une partie du milieu en plaçant Kim Kardashian et Kanye West en couverture de Vogue. Ils y posent comme un couple de jeunes mariés, sous le titre #WORLDSMOSTTALKEDABOUTCOUPLE (Le couple le plus débattu du monde).
Ce choix, très critiqué à l’époque, propulse pourtant Kim Kardashian dans l’univers de la haute couture. Depuis, elle est devenue l’une des invitées incontournables du Met Gala et collabore avec les plus grandes marques.
Mais toujours honorée…
En 2017, Anna Wintour reçoit de la reine Elizabeth II le titre de Dame Commander of the British Empire pour son apport au journalisme et à la mode. En janvier 2025, elle reçoit également la Médaille présidentielle de la Liberté des mains de Joe Biden, aux côtés de Ralph Lauren, Bono, Denzel Washington et d’autres personnalités marquantes.