Honey est une application bien connue pour ses campagnes de publicité omniprésentes sur YouTube. Cette extension de navigateur, acquise par PayPal en 2020 pour la somme colossale de 4 milliards de dollars, s’est toujours présentée comme un outil révolutionnaire.
Son concept semblait parfait: au moment du paiement en ligne, Honey se promettait de rechercher automatiquement les meilleurs coupons disponibles sur le web. Et si aucun coupon ne pouvait être trouvé, l’utilisateur pouvait être rassuré, car cela signifiait qu’il bénéficiait déjà du meilleur prix possible.
Une enquête menée par le YouTuber Megalag a révélé une réalité bien différente et nettement plus troublante. Sa vidéo, qui a accumulé plus de 10 millions de vues à ce jour, met en lumière des pratiques discutables de Honey, coûtant potentiellement des millions de dollars aux consommateurs au fil des ans, tout en volant les commissions d’affiliation destinées aux influenceurs. Ces mêmes influenceurs avaient pourtant promu la plateforme auprès de leurs audiences en toute bonne foi, contribuant massivement à sa popularité initiale.
Le marketing d’affiliation, un système essentiel détourné par Honey
Pour comprendre l’ampleur du problème, il faut se familiariser avec le fonctionnement du marketing d’affiliation.
Ce système repose sur un principe simple : lorsqu’un influenceur ou un créateur de contenu partage un lien affilié, toute vente réalisée via ce lien leur rapporte une commission. Par exemple, si un YouTuber publie une critique positive d’un produit et que son audience clique sur le lien affilié pour acheter ce produit, le créateur est récompensé pour avoir généré la vente. Ce modèle “gagnant-gagnant” est avantageux pour les entreprises, car elles ne paient que lorsqu’une vente est réalisée.
Le système fonctionne selon un principe de “dernière influence” : la dernière entité ayant influencé la vente perçoit la commission. C’est précisément ici que Honey intervient de manière sournoise. En apparaissant lors du processus de paiement avec sa fenêtre contextuelle pour rechercher des coupons, Honey s’attribue la position de “dernière influence“. Cela lui permet de détourner les commissions d’affiliation, même si la vente a été générée par un autre influenceur ou créateur de contenu. Tout cela se passe en coulisses, à l’insu des consommateurs et des influenceurs qui pensaient soutenir leur créateur préféré en utilisant leur lien affilié.
« Le programme appartenant à PayPal, Honey se livre à ce qui semble être une fraude d’affiliation et vole les commissions des créateurs de contenu qu’ils parrainent. Probablement aussi une violation des règles établies par la Commission Fédérale du Commerce. »
Daniel Lewis, podcaster et créateur de la Journée Internationale du podcast
Megalag révèle également que Honey ne s’est pas contentée de détourner des commissions. Elle a travaillé en étroite collaboration avec les détaillants pour déterminer quels rabais seraient affichés aux consommateurs. Dans de nombreux cas, Honey aurait sciemment dissimulé des réductions qu’elle jugeait insuffisantes, tout en affirmant offrir les “meilleures offres disponibles”. Ce comportement a découragé de nombreux consommateurs de faire leurs propres recherches pour trouver des prix plus avantageux, ce qui a entraîné des profits accrus pour les détaillants partenaires, au détriment des utilisateurs.
Le programme Honey Gold, présenté comme un système de cashback (remboursement) pour les utilisateurs. En échange de la commission obtenue par Honey auprès des détaillants, les utilisateurs recevaient une petite somme en retour. Les marges réalisées par Honey étaient considérables en comparaison. Megalag cite un exemple où Honey a empoché une commission de 33 euros pour une vente, mais n’a reversé qu’environ 0,85 euro à l’utilisateur sous forme de cashback – un “remboursement” dérisoire qui frôle l’insulte.
Une trahison envers les créateurs et les consommateurs
La controverse est d’autant plus grave que Honey a bâti sa réputation et sa base d’utilisateurs en grande partie grâce aux influenceurs sur YouTube.
Des chaînes majeures, comme celles de Linus Tech Tips (LTT) et Mr.Beast, ont activement promu Honey à travers des partenariats sponsorisés. Megalag révèle que LTT était au courant des pratiques douteuses de Honey, ce qui aurait conduit à la fin de leur partenariat. LTT n’a pourtant pas communiqué publiquement ces informations, laissant d’autres créateurs continuer à promouvoir un service qui allait à l’encontre de leurs propres intérêts financiers.
Les potentielles lois enfreintes par Honey
En réalité, Honey a exploité cette confiance du public pour maximiser ses profits, tout en contribuant à des hausses de prix artificielles sur certains produits en ligne.Plusieurs YouTubers influents, comme Markiplier, ont pris la parole pour s’excuser d’avoir travaillé avec Honey, certains publiant des vidéos vues par des millions de personnes.
Sur le plan légal, il reste à voir si les pratiques de Honey enfreignent des lois ou des réglementations en matière de publicité ou de concurrence déloyale.
Son action de se positionner comme le dernier intervenant dans le processus d’achat pour s’approprier les commissions d’affiliation pourrait être interprétée comme une violation des règles sur les pratiques commerciales trompeuses, inscrites dans des législations comme le Code de la consommation en Europe ou la Federal Trade Commission Act aux États-Unis. Ces lois stipulent que toute méthode de marketing ou de vente doit être menée avec honnêteté et transparence, et ne doit pas induire en erreur les consommateurs ou les parties impliquées, ce qui semble avoir été ignoré par Honey.
De plus, en s’appropriant les commissions initialement destinées aux influenceurs via des liens d’affiliation, Honey aurait potentiellement porté atteinte aux droits contractuels et économiques de ces derniers, ce qui pourrait être considéré comme une forme de concurrence déloyale ou d’enrichissement injustifié.
Les influenceurs, en toute bonne foi, s’appuient sur ces commissions pour monétiser leur contenu et continuer à opérer, et cette interférence non autorisée pourrait ouvrir la voie à des poursuites civiles pour pertes économiques. Le programme de cashback “Honey Gold”, où l’application redistribue une infime fraction de la commission à l’utilisateur tout en conservant la majorité, pose problème en matière de conformité aux obligations de transparence envers les utilisateurs, notamment dans les juridictions exigeant une divulgation complète des conditions et des implications des programmes de fidélité ou de cashback.
Si Honey a effectivement collaboré avec certains détaillants pour limiter l’accès à des réductions plus intéressantes, cela sera perçu comme une entente illicite entre entreprises, interdite par les lois antitrust ou de régulation des pratiques anticoncurrentielles dans plusieurs pays.