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Imaginer le « nous » : la solidarité selon Francesca Polletta

Suzanne LatrePar Suzanne Latrevendredi, 11 avrilAucun commentaire5 Min Temps de lecture
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Une manifestation féministe où les femmes se bandent les yeux afin de démontrer leur solidarité. ©Patricio Hurtado
Une manifestation féministe où les femmes se bandent les yeux afin de démontrer leur solidarité. ©Patricio Hurtado
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Que signifie réellement la solidarité ? Est-elle seulement un élan d’amitié ou un engagement profond qui structure nos liens sociaux ? Pour y répondre, nous nous tournons vers la sociologue américaine Francesca Polletta, professeure à l’université de Caroline, dont les travaux sur les mouvements sociaux, les récits collectifs et les formes d’appartenance interrogent en profondeur la manière dont nous concevons le « nous ».

La solidarite dépasse le statut d’émotion

« La solidarité est absolument un sentiment, un sentiment d’amitié », commence Polletta. Elle parle d’un affect positif qui relie les membres d’un groupe, mais insiste aussitôt : ce n’est pas suffisant. Il faut, selon elle, y ajouter un sentiment de responsabilité, une forme d’engagement qui va jusqu’au sacrifice. Ce n’est pas seulement « se sentir bien » avec les autres, mais être prêt à donner, à agir, à porter le poids des autres membres du groupe.

Elle rappelle que le mot « solidarité » trouve ses racines dans le droit romain, où les membres d’un groupe étaient responsables collectivement des dettes de l’un d’eux. Une étymologie qui éclaire sa conception : la solidarité est un lien actif, un engagement mutuel, et parfois, un devoir.

L’imagination comme moteur de la solidarité

Mais comment se forme ce « nous » solidaire ? Pour Polletta, tout commence dans l’imagination. Elle reprend l’idée de Benedict Anderson, selon laquelle la nation est une communauté imaginée. On peut se sentir lié à d’autres sans les avoir jamais rencontrés, parce que l’on partage une image, une histoire, une fiction commune.

Et c’est là que l’imaginaire devient politique. Polletta dit que les relations que nous imaginons influencent les politiques que nous soutenons. Par exemple, dans une étude qu’elle évoque, deux groupes de participants américains ont lu des messages différents sur les attentats du 11 septembre : l’un insistant sur l’essence identitaire américaine, l’autre sur la coopération internationale contre le terrorisme.

Résultat : les premiers étaient moins enclins à soutenir des politiques inclusives que les seconds. Ce que nous croyons être la base de notre solidarité – identité ou coopération – change notre manière de voir les autres.

Expériences et récits : la solidarité en pratique

Polletta illustre ses idées par une enquête qu’elle a menée en 2002, lors de forums citoyens organisés pour réfléchir à la reconstruction du site du World Trade Center à New York. Ces forums, censés favoriser le dialogue, encourageaient les participants à partager leurs récits plutôt qu’à débattre. Pourtant, ce qu’elle a observé, c’est que les participants allaient bien au-delà de ce que les organisateurs attendaient d’eux.

Ils se décrivaient comme une mini-ONU, se voyaient comme des représentants des autres citoyens. Ils étaient prêts à se compromettre, à plaider, à continuer à défendre leurs recommandations après le forum. Leur imagination dépassait celle des organisateurs : ils s’étaient projetés dans des rôles politiques, de négociateurs et de défenseurs.

Ce que Polletta retient ici, c’est la capacité des citoyens à inventer de nouvelles formes de lien, de responsabilité, de coopération.

Pourtant, selon Polletta, « les idées, les accusations que les mouvements promènent […] sont institutionnalisées dans des manières très différentes de ce que les mouvements souhaitent. » Elle donne plusieurs exemples parlants : « Les activistes de justice raciale n’ont pas vu la diversité comme ce qu’ils se battaient pour. […] Le mouvement des femmes a compris le choix comme un but radical transformateur. […] Le mouvement environnemental n’a pas promis de recycler. »

Dans tous ces cas, les idées ont été récupérées, adaptées, parfois vidées de leur potentiel subversif pour entrer dans des structures existantes. Ces « réunions entre acteurs inégaux » sont, selon elle, inévitables, mais elles ne doivent pas être acceptées passivement.

Elle insiste : « Il vaut mieux adopter une perspective à long terme. »

Autrement dit, reconnaître que les changements véritables s’inscrivent dans le temps, qu’ils sont imparfaits, progressifs et parfois douloureux pour les militants qui voient leurs revendications transformées.

Cela n’implique pas de cesser de réclamer des changements profonds, mais bien de comprendre que toute avancée, même symbolique, est façonnée par les dynamiques de pouvoir dans lesquelles elle s’inscrit.

En réponse à une question sur les moyens de transformer les récits individuels en changement matériel pour les communautés opprimées, Polletta rappelle une leçon marquante tirée de ses recherches : « Parfois, raconter votre histoire personnelle peut être empêchant. »

Les témoignages personnels ont une puissance émotionnelle, mobilisatrice, mais peuvent aussi figer les individus dans une posture de vulnérabilité. « Ce qui m’a marquée, c’est l’idée que, en racontant une histoire, on empêche celui qui la raconte »

La solidarité ne fuit pas le conflit

Polletta nous invite à abandonner l’idée que la solidarité exige nécessairement le consensus, l’harmonie, la douceur relationnelle. Elle défend une vision plus robuste, plus adulte : « La contention, le désaccord, le débat peuvent être constitutifs de la solidarité ». Ce n’est pas l’absence de conflit qui crée des liens durables, mais la manière dont nous le traversons ensemble.

Elle oppose ici deux modèles : celui de la solidarité fondée sur l’intimité égalitaire, qui mise sur la proximité et l’accord tacite, et celui plus ouvert, dans lequel les divergences, les tensions, les désaccords sont acceptés comme des parties normales et fécondes de la relation.

11 septembre Francesca Polletta Justice solidarité World Trade Center
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