Jason Deschler, membre des tribus Miwok et Pomo, est responsable de la préservation au sein du Coast Miwok Tribal Council of Marin (CMTCM).
Depuis les hauteurs de Nasio, sur un terrain récemment racheté à Etcha Tumal – un ancien village de sa tribu – il contemple un paysage chargé d’histoire et de mémoire.
« Je suis au sommet de la colline de nos terres que nous venons d’acheter ici à Nasio, notre ancien village appelé Etcha Tumal, là où de nombreux membres de notre famille sont nés. »
C’est là que vivaient autrefois les ancêtres du peuple Miwok, dont les figures emblématiques Tom Smith et Maria Copa.
Autrefois, ces terres représentaient un territoire de 88 000 acres, une vallée continue sur quatre miles. Désormais, il n’en reste que 26 acres non développées que la tribu a pu récupérer. Ils souhaitent restaurer cette terre, la partager avec la communauté et surtout, transmettre les savoirs ancestraux sur sa gestion écologique comme l’utilisation du feu.
Le feu est un don sacré : création, destruction et métaphore écologique
Deschler commence par une histoire ancienne, comme on pourrait s’imaginer écouter au coin d’un feu: « O Taiish, le vieux coyote, était un filou. Il a joué de nombreux rôles pour amener l’homme sur cette terre et créer les choses. »
La légende dit que le coyote envoya son acolyte Kolipi, le colibri, chercher du feu auprès du soleil. Ce feu fut ensuite transmis aux humains, dissimulé dans l’arbre Buckeye.
Mais un jour, le feu du coyote s’éteint, et Kolipi, au lieu de demander du feu aux humains, le leur vole pendant la nuit. Les étincelles qui s’envolèrent embrasèrent la forêt, ce qui obligea les Miwok à migrer vers le nord, à Clear Lake, avant de revenir plus tard sur des terres désormais ouvertes et habitables.
Ce récit est en fait une réalité écologique : « Si nous n’utilisons pas le feu pour gérer notre paysage, nous risquons des incendies catastrophiques. Le feu est un don, un outil. » Cette sagesse millénaire résonne d’autant plus dans un État comme la Californie, qui a été ravagé par des feux de forêt incontrôlés.
Tout un écosystème chez les Miwok
En se promenant dans les collines d’Etcha Tumal, Deschler évoque les espèces locales aujourd’hui envahies par des broussailles non indigènes. « Aujourd’hui, ce paysage est couvert de graminées non-natives, mais autrefois, cette terre regorgeait d’herbes qui poussaient droites, appelées “herbes à cerf” ou deer grass, et de touffes appelées bunch grasses. »
Les pratiques modernes, comme l’usage d’équipements lourds pour défricher, détériorent le sol et favorisent l’apparition de plantes invasives comme le chardon étoilé.
Le feu, au contraire, permet de restaurer l’équilibre : il tue les espèces nuisibles, fertilise la terre via la cendre riche en potassium et en phosphore, et active la germination des graines natives dormantes. « Nos graminées natives aiment le feu », affirme Deschler.
La technique du brûlage culturel : une science ancestrale
Contrairement aux brûlages industriels ou aux incendies sauvages, les Miwok pratiquent ce que l’on appelle le « brûlage culturel ». « Nous allons d’abord débroussailler à la main, tracer une ligne coupe-feu autour du terrain, puis faire ramper le feu à travers le paysage. »
L’objectif n’est pas de créer une fournaise, mais une combustion lente et contrôlée, produisant du biochar – un charbon végétal bénéfique pour les sols.
Ce type de brûlage respecte l’écosystème, évite la destruction des graines natives et favorise leur retour. « Si l’on gratte le sol avec des machines, on tue ces graines. Mais le feu, lui, les nourrit. »

Le feu est aussi un outil culturel
Le feu a un rôle important dans les pratiques culturelles Miwok, surtout pour la vannerie. Des plantes comme le red bud ou le saule nécessitent des tailles spécifiques pour pousser droit et être utilisables dans la fabrication de paniers traditionnels. « Quand on brûle légèrement autour d’un tronc, on favorise la croissance de nouvelles pousses droites. »
Des espèces, comme le saule, réagissent même en produisant des champignons rares grâce à un certain type de charbon, appelé risome.
Deschler observe avec regret les méthodes modernes : « Les gens de CAL FIRE viennent avec des broyeurs, ils rasent tout, ils effacent les saules. » Pour lui, il faudrait au contraire couper, laisser sécher au sol, puis brûler de manière douce.