Le meurtre de Brian Thompson, PDG de UnitedHealthcare, a captivé l’attention du public non seulement à cause de la nature choquante du crime, mais aussi par l’émergence inattendue d’une fascination quasi-culturelle autour du suspect : Luigi Mangione.
Diplômé d’une prestigieuse université de l’Ivy League et issu d’une famille influente, Mangione est maintenant au centre d’un phénomène psychologique effrayant où les criminels deviennent des figures adulées par le public.
Entre revendications socialistes et l’idée que Luigi Mangione puisse être un tueur éthique, beaucoup de personnes réagissent positivement à ce tueur, qui a pourtant ôté la vie d’un homme de famille.
L’Affaire Luigi Mangione est déroutante
Le 4 décembre 2024, Brian Thompson a été assassiné devant un hôtel à Manhattan. Quelques jours plus tard, Luigi Mangione, un homme de 26 ans, a été arrêté à Altoona, en Pennsylvanie. Diplômé en informatique de l’Université de Pennsylvanie et ancien étudiant d’un programme à Stanford, Mangione ne correspond pas au profil stéréotype d’un assassin. Ses origines sociales privilégiées, son intelligence académique, et ses intérêts variés, allant de la robotique au développement personnel, ont créé une dissonance cognitive pour beaucoup de personnes ayant vent de l’affaire.
Des éléments troublants ont émergé : une arme imprimée en 3D, un silencieux fait maison, et une note manuscrite contenant des phrases telles que : « Ces parasites l’ont bien mérité. » Ces révélations, couplées à son comportement méthodique (disparition calculée, fausses identités, et équipement soigneusement sélectionné), le présentent comme une figure froide et déterminée, mais également mystérieuse.
Le meurtre de Brian Thompson : 4 décembre 2024
- 05h30 : Luigi Mangione quitte son auberge de jeunesse à Manhattan, située sur Amsterdam Avenue. Il porte un masque médical et transporte un sac contenant une arme imprimée en 3D et un silencieux.
- 05h41 : Il est aperçu près du Hilton Midtown, faisant les cent pas. Il achète une bouteille d’eau et un encas dans un Starbucks proche, probablement pour dissiper tout soupçon.
- 06h44 : Alors que Brian Thompson marche sur le trottoir, Luigi Mangione s’approche rapidement de lui et lui tire dessus avec un pistolet équipé d’un silencieux. Thompson s’effondre sur le sol et succombe à ses blessures en quelques minutes. La scène est enregistrée par des caméras de vidéosurveillance.
- 06h45 : Mangione est vu s’enfuyant à vélo.
- 06h48 : Il entre dans Central Park, où il jette un sac à dos contenant des objets compromettants pour éviter d’être identifié.
- 06h56 : Il sort du parc à West 77th Street et continue sa fuite.
- 07h00 : Après avoir abandonné son vélo, il monte dans un taxi à l’angle de la 86th Street et d’Amsterdam Avenue.
- 07h30 : Mangione est aperçu près du terminal de bus George Washington Bridge, où il semble quitter New York en bus.
La police, aidée par des images de vidéosurveillance, commence rapidement à suivre la trace de Luigi Mangione. Quelques indices cruciaux accélèrent l’enquête. Près de la scène du crime, la police découvre des munitions abandonnées avec des inscriptions manuscrites telles que « delay », « deny » et « depose », laissant penser à un message cryptique. Un sac à dos, retrouvé à Central Park contient des éléments confirmant que le suspect avait soigneusement planifié sa fuite. Enfin, l’auberge où il avait séjourné rapporte qu’il a utilisé un faux permis du New Jersey et qu’il portait constamment un masque pour dissimuler son visage.
Larrestation de Luigi Mangione : 9 décembre 2024
Cinq jours après le meurtre, la traque s’achève dans une petite ville de Pennsylvanie.
Le signalement à Altoona
- 9h14 : Une employée de McDonald’s à Altoona, en Pennsylvanie, reconnaît Mangione grâce aux photos diffusées par la police. Elle remarque son comportement nerveux et appelle immédiatement les autorités.
- La police locale intervient rapidement et trouve Luigi Mangione en possession d’éléments incriminants dont un pistolet « fantôme » imprimé en 3D, correspondant à l’arme utilisée lors du meurtre, un silencieux identique à celui vu sur les vidéos. La note manuscrite contenant des déclarations cryptiques sur des « parasites » et la justification de ses actes. Puis, des vêtements semblables à ceux portés par le suspect le jour du crime.
Avant même que New York ne dépose des charges pour meurtre, Mangione est inculpé en Pennsylvanie pour plusieurs infractions :
- Possession d’une arme sans permis.
- Falsification de documents d’identité.
- Détention d’instruments criminels.
- Fausse identification à des agents de la loi.
Il est ensuite détenu sans possibilité de libération sous caution en attendant son extradition à New York.
Une fascination dérangeante pour Luigi Mangione est survenue
L’un des éléments qui a alimenté la fascination pour Luigi Mangione est son surnom médiatique : le « Smiling Assassin » (Assassin souriant) . Ce nom provient d’une image capturée par des caméras de surveillance où Mangione, masqué, a brièvement souri à une employée du Starbucks, où il s’est rendu pour acheter son encas. Ce détail insignifiant a été transformé en une marque de fabrique dans la couverture médiatique, ajoutant une touche presque cinématographique à sa personnalité.
Beaucoup d’internautes ont tourné cela en plaisanterie, faisant allusion au fait qu’il aurait des origines italiennes et que charmer les gens fait partie de son ADN.
“Luigi Mangione enlève son masque dans un Starbucks pour draguer une employée JUSTE AVANT d’assassiner le PDG de UnitedHealthcare.
Une semaine plus tard, il se présente au McDonald’s avec l’arme du crime, la fausse carte d’identité qu’il a utilisée lors du crime, un manifeste et une arme chargée“
Braeden Sorbo
Les médias, souvent accusés de sensationnalisme, jouent un rôle crucial dans la construction de la célébrité des criminels. Des images soigneusement sélectionnées, des surnoms accrocheurs et une focalisation sur des détails anodins mais intrigants transforment des individus en personnages mythiques. Pour Mangione, son sourire énigmatique et ses écrits philosophiques, citant Aldous Huxley et d’autres penseurs, ont contribué à son image de « criminel intellectuel ».
Pourquoi le public s’entiche t-il de meutriers comme Luigi Mangione?
Le crime, particulièrement lorsqu’il est mystérieux, active une réponse émotionnelle puissante. Les individus cherchent à comprendre les motivations derrière de tels actes, souvent en anthropomorphisant le criminel. Mangione, avec son profil académique impressionnant et ses opinions philosophiques, incarne une contradiction intrigante : comment quelqu’un d’aussi « accompli » peut-il devenir un meurtrier ?
De nombreuses spéculations ont été faites sur le motif du crime, notamment au vu de l’aspect “Robin des bois” du crime – Le jeune homme aurait souffert d’un accident lorsqu’il surfait, ce qui a conduit à une opération très douloureuse de son dos.
“À en juger par cette photo, il semble que Luigi Mangione ait subi une fusion lombaire, une attelle métallique insérée dans ses vertèbres vertébrales inférieures, pour tenter de compenser la douleur causée par l’hyperlordose, une courbure excessive causée par des fléchisseurs de la hanche serrés. Je tuerais aussi quelqu’un s’il me faisait ça“
Morgan Klein, coach
Dans une culture saturée par les récits fictifs, les criminels célèbres deviennent souvent des antihéros. Leur rejet des normes sociales, leur intelligence (réelle ou perçue) les rendent fascinants. Mangione a publié des commentaires en ligne évoquant la « lutte contre le confort moderne » et la nécessité de se donner des « défis impossibles », des thèmes qui résonnent avec des récits classiques d’héroïsme et de transgression.
Le public boit les récits criminels comme de l’eau. Les médias renforcent cette tendance en offrant des récits continus et détaillés, transformant l’histoire en une sorte de feuilleton. Chaque détail sur Mangione — de son passé à ses opinions controversées — nourrit cette consommation.
Le cas de Luigi Mangione s’inscrit dans une tendance plus large où certains criminels deviennent des figures quasi-culturelles, souvent à cause de leur charme ou de leur apparence physique. On peut citer des exemples comme Ted Bundy, dont le charme présumé et les crimes horribles ont engendré des films, des documentaires, et un fervent soutien sur les réseaux.
Ce qui reste plus troublant, c’est le parallèle qu’effectue le public avec d’autres criminels semi “adulés”. Le cas de Luigi Mangione rappelle en effet celui de Theodore Kaczynski, plus connu sous le nom d’Unabomber.
Kaczynski, ancien prodige des mathématiques et professeur à l’Université de Californie, a mené une campagne de terreur pendant près de deux décennies, envoyant des colis piégés à des universitaires, industriels, et compagnies aériennes. L’Amérique vivait dans une peur panique et les gens n’osaient plus ouvrir leur courrier.
Il visait à dénoncer ce qu’il percevait comme les dangers de la société industrielle et a réussi à forcer le New York Times à publier un manifeste (une espèce de thèse doctorale) dénonçant les ravages de la modernité en échange de sa promesse de ne plus envoyer des colis piégés. Ce manifeste a d’ailleurs conduit à sa perte, puisque son frère a reconnu sa manière d’écrire et l’a dénoncé aux autorités.
Luigi Mangione, lui aussi issu d’un milieu académique prestigieux, semble avoir agi dans le cadre d’une idéologie personnelle où il percevait certaines figures, comme Brian Thompson, comme des “parasites” méritant d’être éliminés, une justification évoquée dans les notes retrouvées sur lui.
Les deux hommes ont en commun un isolement progressif qui a nourri leur radicalisation. Kaczynski vivait dans une cabane reculée sans électricité, développant son manifeste de 35 000 mots pour exposer sa vision dystopique du monde, tandis que Mangione, malgré une vie en apparence plus sociale, s’est laissé absorber par des idées extrêmes, relayées sur les réseaux sociaux et ancrées dans une fascination pour des penseurs extrêmes.
Tous deux montrent comment une intelligence brillante, lorsqu’elle est coupée de la morale (telles que les Dix Commandements de la Bible ordonnant aux humains de ne pas tuer leur prochain), peut se transformer en une arme destructrice, qui en plus, est applaudie par les masses.