La blockchain est au cœur de projets innovants dans divers secteurs, de la finance décentralisée aux NFT, avec des initiatives marquantes déployées par des startups telles que Ledger Project, iExec ou encore Hyperledger Foundation. Ces technologies redéfinissent l’avenir de l’économie numérique.
Claire Balva, autrice, consultante et directrice stratégie chez Deblock, une néo-banque cryptomonnaie, nous partage son expertise sur l’impact de la blockchain sur l’économie et son potentiel pour les entreprises traditionnelles, tout en se penchant sur la question de l’empreinte carbone des cryptomonnaies.
Le blockchain et la cryptomonnaie redéfinissent notre rapport à l’argent
Le Bitcoin a dépassé la barre des 90 000 dollars après l’élection de Donald Trump. Comment cette hausse pourrait-elle influencer les investissements en cryptomonnaies ?
“Une hausse spectaculaire du Bitcoin comme celle-ci attire immédiatement l’attention des médias et des investisseurs. Lorsque le prix franchit un seuil important, il génère de l’intérêt non seulement parmi les investisseurs expérimentés, mais aussi auprès de nouveaux entrants, curieux de savoir si ce pic marque le début d’un cycle haussier.
D’une part, de nouvelles personnes se demandent si c’est le moment d’acheter, pensant que la tendance va continuer. D’autre part, certains investisseurs qui sont déjà rentables se disent qu’il est temps de vendre pour réaliser leurs gains. Ce phénomène est récurrent dans l’univers des cryptomonnaies : plus le prix monte, plus l’intérêt augmente et plus les questionnements sur l’achat ou la vente se multiplient. Bien que cette hausse soit impressionnante, il faut rappeler qu’il ne s’agit pas d’un événement unique. Les hausses importantes du Bitcoin se produisent régulièrement et suivent une mécanique classique du marché.“
En 2024, les investissements institutionnels dans les cryptomonnaies en France ont atteint 5 milliards d’euros, contre 1 milliard en 2022. Quels sont les principaux facteurs qui attirent ces investissements institutionnels vers les cryptomonnaies ?
“L’augmentation des investissements institutionnels est liée à plusieurs facteurs clés. Tout d’abord, après l’effondrement de certaines entreprises et actifs cryptomonnaies en 2022, comme la faillite de FTX et la crise des stablecoins, les institutions ont pris un recul prudent. Cependant, l’arrivée des ETF bitcoin spot aux États-Unis en 2024 a joué un rôle déterminant : cet outil a légitimé l’ensemble du secteur et renforcé la confiance des acteurs institutionnels.
Cela a incité de nombreux investisseurs à diversifier leurs portefeuilles en incluant des cryptomonnaies, principalement du Bitcoin, qui bénéficie d’une reconnaissance croissante. En parallèle, le marché des cryptomonnaies est cyclique. Les experts anticipaient une année de hausse en 2024, et cette prévision de croissance a poussé les institutionnels à entrer dans le marché pour profiter de cette dynamique.“
L’adoption des cryptomonnaies par les institutions financières françaises a augmenté de 20% en 2023 selon la Banque de France. Comment expliquez-vous cette croissance ?
“Cette croissance est le reflet d’une tendance plus large, marquée par plusieurs facteurs. D’abord, il y a un aspect générationnel : les jeunes investisseurs cherchent des alternatives aux instruments financiers traditionnels. Les cryptomonnaies, en particulier le Bitcoin, attirent cette génération par leur caractère décentralisé et leur potentiel d’autonomisation financière. Ensuite, dans des pays où l’inflation est très élevée, comme l’Argentine ou le Liban, les cryptomonnaies deviennent une solution pour protéger le pouvoir d’achat.
Dans ces pays, l’instabilité monétaire pousse les populations à rechercher des moyens de sécuriser leur capital. Enfin, l’adoption des cryptomonnaies est aussi liée à un sentiment plus large d’opposition aux systèmes financiers traditionnels. Bitcoin, en particulier, est perçu comme un actif qui échappe au contrôle des banques centrales et des institutions financières, ce qui le rend attrayant dans un contexte où certains rejettent les élites financières. Ce phénomène est également visible dans des contextes politiques comme l’élection de Donald Trump, où un rejet des systèmes établis peut renforcer l’intérêt pour des solutions alternatives comme les cryptomonnaies.“
Quels impacts cela pourrait-il avoir sur le secteur financier traditionnel ?
“L’essor des cryptomonnaies pourrait avoir des conséquences significatives pour le secteur financier traditionnel. Si les cryptomonnaies continuent de croître, une partie des flux financiers risque de se détourner des banques traditionnelles vers des systèmes basés sur la blockchain. Cela obligera les institutions financières à se moderniser, à adopter de nouvelles technologies et à intégrer la gestion des cryptomonnaies dans leurs infrastructures.
Cependant, beaucoup d’institutions sont encore réticentes, car le secteur des cryptomonnaies est souvent perçu comme controversé. Néanmoins, les grandes entreprises financières suivent de près l’évolution du marché. Par exemple, le rachat récent de Bridge par Stripe pour plus d’un milliard de dollars montre que les géants du paiement commencent à saisir les opportunités dans ce domaine. Ils sont pragmatiques et réagissent aux demandes commerciales de leurs clients, ce qui les incite à intégrer progressivement les cryptomonnaies dans leurs services.“
Crypto et empreinte carbone, un cocktail pas si explosif.
Quels sont les efforts actuels en France pour promouvoir l’utilisation d’énergies renouvelables dans le secteur des cryptomonnaies ?
“Aujourd’hui, la majorité des cryptomonnaies n’utilisent plus la “preuve de travail” pour leur création, réduisant ainsi considérablement leur consommation énergétique. Par exemple, Ethereum a adopté la “preuve d’enjeu” il y a deux ans, ce qui a réduit sa consommation d’énergie de 99%. Bien que de l’énergie soit toujours utilisée, la consommation des transactions sur Ethereum est désormais très faible.
En revanche, pour des cryptomonnaies comme Bitcoin, qui utilisent encore la “preuve de travail”, la consommation d’énergie demeure élevée. Cependant, la majorité des mineurs de Bitcoin utilisent désormais de l’électricité renouvelable, car leur principal objectif est de minimiser leurs coûts énergétiques. Les mineurs recherchent les sources d’énergie les moins chères, souvent des sources intermittentes comme l’éolien ou l’hydraulique, où l’électricité excédentaire est vendue à bas prix, voire à prix négatif.
Cela permet aussi de donner une valeur économique à des zones géographiques où l’électricité, bien que produite localement, ne peut être utilisée faute d’infrastructure, comme c’est le cas dans certaines régions d’Afrique. Par exemple, l’électricité produite par un barrage, mais non raccordée au réseau, peut être utilisée par des mineurs de cryptomonnaies, apportant ainsi des bénéfices à des communautés locales en quête de débouchés économiques.“
Environ 12 % des Français sont investis dans les cryptomonnaies. Comment cette adoption croissante influence-t-elle l’empreinte carbone globale du pays ?
“L’adoption des cryptomonnaies par les Français a peu d’impact direct sur l’empreinte carbone globale du pays. Effectuer une transaction en Bitcoin ou acheter des cryptomonnaies n’augmente pas la consommation d’énergie directement, car c’est le minage, et non les transactions, qui est responsable de l’empreinte énergétique.
En revanche, la hausse du nombre d’investisseurs pourrait, à long terme, influencer l’ensemble de l’écosystème crypto. Cependant, il est important de noter que le secteur se tourne de plus en plus vers des sources d’énergie renouvelable pour alimenter les opérations de minage. La majorité des mineurs de Bitcoin s’approvisionnent désormais en électricité verte, ce qui réduit considérablement l’empreinte carbone liée à l’utilisation des cryptomonnaies.“