Sébastien Lecornu veut croire que la tempête politique s’éloigne peu à peu. Mardi soir, après plusieurs jours de consultations avec les formations politiques, le Premier ministre démissionnaire a assuré qu’une dissolution de l’Assemblée nationale n’était « plus à l’ordre du jour ».
« J’ai de bonnes raisons de penser que les partis veulent que la France ait un budget avant le 31 décembre », a-t-il déclaré à Matignon, avant de recevoir les socialistes et les écologistes.
Une phrase qui sonne comme un soupir de soulagement, après des semaines d’incertitude et de divisions dans la majorité. Lecornu doit rendre compte dans la soirée au président de la République des résultats de ses entretiens. Emmanuel Macron, fragilisé jusque dans son propre camp, voit s’éloigner pour l’instant la menace d’une nouvelle dissolution.
Des négociations intenses pour sauver le budget
Depuis plusieurs jours, le chef du gouvernement s’entretient avec les représentants du « bloc central » et des Républicains pour tenter de bâtir un compromis autour du budget 2026.
L’objectif est simple : éviter le vide politique. Lecornu a prévenu qu’il demanderait à chaque parti d’opposition « quelles concessions elles demandent, et quelles concessions elles sont prêtes à faire ».
Ce mercredi, il devait recevoir les dirigeants socialistes et écologistes, qui réclament tous deux la nomination d’un Premier ministre de gauche. De leur côté, La France insoumise (LFI) et le Rassemblement national (RN) ont refusé toute rencontre, accusant Lecornu de jouer la montre.
La réforme des retraites refait surface
Le sujet qui divise le plus reste la réforme des retraites adoptée en 2023. Élisabeth Borne, qui l’avait portée, a évoqué l’idée d’une suspension pour faciliter le dialogue. Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, voyait cette possibilité comme une « formidable avancée » avant sa rencontre avec Lecornu.
Mais le Premier ministre démissionnaire n’a rien laissé entendre sur ce point lors de son allocution. « Je veux savoir si cette suspension est réelle ou si ce n’est qu’un écran de fumée », a insisté Olivier Faure sur Franceinfo.
Du côté de LFI, Mathilde Panot a coupé court à toute idée d’accord : « Nous censurerons tout gouvernement qui poursuivra une politique macroniste. Le problème, c’est Emmanuel Macron, et Emmanuel Macron doit partir. »
Les socialistes, eux, gardent la porte entrouverte. Patrick Kanner, président du groupe PS au Sénat, a estimé qu’une suspension de la réforme coûterait certes cher, « mais bien moins qu’une impasse politique qui dure ».
Selon lui, le PS pourrait envisager un accord de non-censure du gouvernement si trois points sont confirmés : la suspension de la réforme, des mesures pour la justice fiscale et une amélioration du pouvoir d’achat.
Mais il a tenu à préciser : « S’il y a dissolution, il n’y aura pas d’accord avec La France insoumise. »
À droite, les critiques pleuvent aussi. David Lisnard, maire LR de Cannes, a appelé à une « démission programmée » du président de la République avant l’été prochain, estimant que « c’est la seule issue logique ». Pour lui, « ce serait une démarche gaullienne, dans l’intérêt supérieur de l’État ».
À l’Élysée, Emmanuel Macron continue de consulter. La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, affirme ne pas avoir abordé la dissolution lors de son entretien avec lui. « Ce n’était pas le sujet, et de toute façon, cela ne résoudrait pas grand-chose », a-t-elle déclaré sur RTL.
Elle se montre également prudente sur la suspension de la réforme des retraites : “Cela me gêne un peu. Il ne s’agit pas de renoncer aux grandes réformes que nous avons menées.”
À Bercy, le ministre démissionnaire de l’Économie, Roland Lescure, a confirmé que ses services travaillaient sur plusieurs scénarios, y compris celui d’un gel de la réforme. « Mais cela coûterait des centaines de millions dès 2026, et des milliards dès 2027 », a-t-il averti sur France Inter.
Des marchés rassurés, mais prudents
Les milieux économiques ont bien accueilli les propos de Lecornu. Mercredi matin, le CAC 40 gagnait 0,45 %, tandis que le rendement de l’OAT à dix ans reculait à 3,52 %. L’écart avec le Bund allemand est passé sous les 85 points de base, signe d’un léger regain de confiance.
Les investisseurs misent désormais sur la stabilité politique à court terme, même si personne n’exclut un nouveau rebondissement dans les semaines à venir.


