Le Premier ministre Keir Starmer a prononcé un discours percutant lors du congrès annuel du Parti travailliste, tenu à Liverpool du 28 septembre au 1er octobre au centre des congrès ACC Liverpool.
Dans son intervention, il a promis de « renouveler le Royaume-Uni », en plaçant la croissance économique au cœur de son projet, une croissance fondée sur une nouvelle manière de créer la richesse, notamment pour les classes populaires.
Il a opposé cette « politique du renouveau » à ce qu’il a appelé la « politique du ressentiment » de Nigel Farage.
Ce discours intervient à un moment clé du mandat de Starmer. Sa popularité, tombée à 13 % selon Ipsos, est en berne, tandis que Reform UK est désormais en tête des sondages d’après POLITICO
Que signifie “Renouveller le Royaume-Uni” pour Keir Starmer ?
Starmer décrit le « renouveau national » comme la construction d’« une Grande-Bretagne pour tous », une lutte contre le déclin et la division.
Selon lui, la voie la plus facile consiste à suivre les solutions rapides proposées par les politiciens « qui ne règlent rien », alors que le véritable changement demande du temps et de la constance dans la ligne économique du parti.
Pour Alex Thomas, directeur de programme à l’Institute for Government, les cinq grands thèmes du programme de Starmer étaient présents tout au long du congrès, mais « la croissance économique occupait le premier plan ».
Starmer a déclaré :
« La mission principale de ce gouvernement est de faire croître l’économie, d’améliorer le niveau de vie et de transformer notre manière de créer la richesse. »
Depuis la crise financière, a-t-il ajouté, les responsables politiques britanniques ont trop misé sur la mondialisation, et pas assez sur la formation des jeunes ni sur l’investissement dans les infrastructures.
Mais pour David Edgerton, professeur d’histoire de la science et de la technologie au King’s College de Londres, les politiques censées inverser le déclin sont à peine différentes de celles qui l’ont provoqué.
Selon lui, Starmer aurait transformé le Parti travailliste en une version « Blue Labour » des Tories, autrement dit un parti à la fois plus conservateur et plus flou idéologiquement.
Pauvreté infantile, formation et santé
Starmer n’a pas évoqué directement la fin du très impopulaire plafond d’aide pour le deuxième enfant, mais il a réaffirmé son engagement à lutter contre la pauvreté des enfants.
L’extension des repas scolaires gratuits serait selon lui « la première étape » de ce combat, qui permettrait de sortir 100 000 enfants de la pauvreté.
Pour Alex Prior, maître de conférences en politique et relations internationales à la London South Bank University, la bataille entre Labour et Reform est aussi « une bataille pour la classe ouvrière », car Starmer a cherché à associer les valeurs travaillistes au monde du travail tout au long de son discours.
Le Premier ministre a aussi annoncé un nouvel objectif pour les jeunes : deux tiers d’entre eux devront accéder soit à l’université, soit à un “apprentissage de haut niveau”, mettant ainsi fin à la cible des 50 % à l’université instaurée par le New Labour.
Le NHS et la promesse de modernisation
Plus tôt dans la journée, Starmer a présenté NHS Online, une nouvelle plateforme numérique qui, selon lui, permettra jusqu’à 8,5 millions de rendez-vous supplémentaires par an.
Il y voit une étape essentielle du renouveau britannique, combinant efficacité publique et innovation technologique.
Sécurité et identité : “Nous vous combattrons”
Starmer a aussi abordé le sujet des frontières, disant comprendre la demande de « frontières sûres », qu’il juge « raisonnable », mais il a fermement condamné ceux qui commettent des actes de vandalisme ou expriment une violence raciale.
« À ceux qui pensent qu’on ne peut pas être Britannique à cause de la couleur de sa peau, nous vous combattrons. Vous êtes les ennemis du renouveau national. »
Une défense acharnée du bilan travailliste
Starmer a énuméré plusieurs réalisations de son gouvernement : les avancées dans les énergies renouvelables, l’investissement technologique, et de nouveaux accords commerciaux.
Il a martelé :
« Est-ce cela, la Grande-Bretagne brisée ? »
Pour Matthew Flinders, fondateur du Sir Bernard Crick Centre for the Public Understanding of Politics, le problème du « Starmerisme » est que ses solutions à long terme ne résonnent pas avec les attentes émotionnelles et immédiates d’une grande partie du public.
« Le paradoxe, explique-t-il, est que le gouvernement travailliste peut déjà revendiquer plusieurs succès, sauver les chantiers navals et les aciéries, augmenter la garde d’enfants gratuite, réduire les listes d’attente du NHS, mais il lui manque encore la capacité à inverser la perception négative qui domine l’opinion. »
Farage et la “politique du ressentiment”
Starmer a évoqué Nigel Farage à plusieurs reprises, l’accusant de ne pas aimer ni croire en la Grande-Bretagne, et de choisir « la voie du déclin ».
Il a aussi laissé entendre que le Brexit faisait partie de ces « solutions rapides » dont Farage est responsable, avant de « s’en tirer sans dommage ».
Le Premier ministre a mis en doute le patriotisme de Farage :
« Veulent-ils simplement attiser la division parce que cela sert leurs intérêts ? »
Il a également dénoncé les discours de ceux qui prônent de réduire les services publics, de saboter l’économie, puis d’aller en Amérique pour dénigrer notre pays.
En réponse, Farage a accusé le Parti travailliste d’être « obsédé » par lui, qualifiant Starmer de « démagogue descendu dans le caniveau », et de « Premier ministre indigne ».
Quelles ont été les réactions au discours de Starmer?
Pour Lord Maurice Glasman, pair travailliste et professeur de politique à St Mary’s University, le discours était « courageux, sans être audacieux » :
« Condamner le racisme n’est pas une épreuve au congrès du Labour. »
Mais il a salué les propos de Starmer sur la formation professionnelle, le bien commun et le patriotisme, qu’il juge « significatifs ».
Selon lui, le fait que la fin du congrès ait déplacé le centre d’attention d’Andy Burnham à Shabana Mahmood montre que Starmer a, pour l’instant, consolidé sa position.
De son côté, Danny Kruger, député Reform pour East Wiltshire, a accusé Starmer de qualifier Reform de raciste, dans le but de les exclure du champ démocratique et de justifier la répression.
Enfin, plusieurs observateurs ont noté une nouvelle passion dans la voix du Premier ministre.
Chris Mason, rédacteur politique de la BBC, a évoqué « une fermeté et une détermination » qui rappellent à ses détracteurs « qui a remporté la large majorité il y a quinze mois ».
Et Steve Richards, ancien rédacteur politique du New Statesman, a qualifié ce discours de « meilleur de sa carrière », estimant que sa « voix authentique » était enfin revenue après sa maladresse de l’été dernier, lorsqu’il avait décrit le pays comme « une île d’étrangers ».
Selon lui, Reform offre à Starmer un adversaire plus clair et plus tranché que les conservateurs.


