Dévoilé tard dans la soirée du dimanche 12 octobre 2025, le nouveau gouvernement conduit par Sébastien Lecornu s’installe dans un climat politique tendu. À peine nommé, le Premier ministre doit affronter la perspective de plusieurs motions de censure déposées par l’opposition. Avec ses trente-quatre ministres, issus à la fois du monde politique et de la société civile, ce second gouvernement Lecornu devra rapidement prouver sa cohésion et sa capacité d’action.
Un gouvernement de 34 ministres sous haute surveillance
L’annonce du nouveau cabinet a été faite vers 22 heures. Le Premier ministre, reconduit par Emmanuel Macron après plusieurs semaines de concertations, a souhaité constituer une équipe resserrée, présentée comme « d’expérience et de terrain ». La porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, explique que l’objectif est de réunir « des profils concentrés sur l’action, sans ambition présidentielle pour 2027 ».
Cette exigence vise à éviter les rivalités internes qui avaient fragilisé les précédents exécutifs. Gérald Darmanin, par exemple, a accepté de « mettre entre parenthèses » ses projets politiques pour se consacrer pleinement à ses fonctions. « Il sera ministre, et uniquement ministre », a insisté Maud Bregeon sur RTL.
Parmi les nouvelles figures, Édouard Geffray prend la tête de l’Éducation nationale. Cet administrateur chevronné, âgé de quarante-sept ans, connaît bien le ministère pour y avoir exercé plusieurs fonctions depuis 2017. Directeur de l’enseignement scolaire pendant cinq ans, il est réputé pour sa connaissance fine des rouages administratifs et son sens du dialogue.
Autre nomination marquante : celle de Laurent Nuñez au ministère de l’Intérieur. Cet ancien préfet de police de Paris, passé par la DGSI, incarne la continuité de l’État dans les domaines de la sécurité et du renseignement. Son parcours, jalonné d’expériences à Bayonne, Marseille et Paris, prouve bien la volonté du gouvernement de s’appuyer sur des profils expérimentés dans la gestion de crises.
L’opposition est déterminée
À peine la composition du gouvernement rendue publique, les formations d’opposition ont annoncé la couleur. La France insoumise (LFI) et le Rassemblement national (RN) déposeront chacune une motion de censure.
Jordan Bardella, président du RN, a réaffirmé ce matin sur TF1 son intention de s’opposer frontalement à l’exécutif : « Ce gouvernement n’a qu’une mission : sauver Emmanuel Macron. » Il a ajouté que son groupe voterait toutes les motions, « même celles venues d’autres camps », au nom de ce qu’il qualifie « d’intérêt supérieur du pays ».
Du côté de la gauche, les députés insoumis ont également confirmé leur initiative. Les motions seront examinées après la déclaration de politique générale du Premier ministre, prévue mardi à 15 heures.
Maud Bregeon a d’ailleurs averti sur RTL : « La censure, c’est l’autoroute vers la dissolution. » Un message adressé autant à l’opposition qu’à la majorité, consciente qu’un rejet du gouvernement pourrait conduire le président à dissoudre l’Assemblée nationale.
Un calendrier resserré avant la déclaration de politique générale
Ce lundi matin, Sébastien Lecornu doit recevoir l’ensemble de ses ministres à Matignon pour une première réunion de travail. Les passations de pouvoir s’échelonnent depuis l’aube, dans une atmosphère mêlant gravité et prudence.
Le Conseil des ministres de mardi matin adoptera le projet de budget pour 2026, avec un objectif affiché : ramener le déficit public sous la barre des 5 % du PIB. Sur d’autres dossiers sensibles, en revanche, le gouvernement reste plus discret. Interrogée sur la réforme des retraites, la porte-parole s’est contentée de répéter qu’elle demeurait « nécessaire », tout en laissant au Premier ministre le soin de « définir la méthode et le calendrier » lors de sa déclaration.
Cette retenue traduit l’équilibre délicat que Sébastien Lecornu devra maintenir : convaincre les parlementaires sans provoquer de nouvelles fractures sociales. Le Premier ministre veut éviter le recours au 49.3, dont l’usage fréquent a nourri le mécontentement au cours des dernières années. « Sa non-utilisation reste valable », a insisté Maud Bregeon.
Sébastien Lecornu reprend les rênes
En reprenant les rênes du gouvernement, Sébastien Lecornu veut montrer une forme de continuité pragmatique dans la seconde moitié du quinquennat d’Emmanuel Macron. Ancien ministre des Armées, réputé pour sa rigueur et sa loyauté, il s’appuie sur une méthode qu’il veut « claire et collective ». Son entourage assure que les décisions seront désormais « mieux préparées, mieux expliquées et mieux appliquées ».
L’obstacle majeur demeure la fragilité parlementaire. Sans majorité absolue, le gouvernement Lecornu II devra composer avec un paysage politique fragmenté. Les motions de censure, déjà annoncées, sont autant de signaux d’hostilité que le Premier ministre devra désamorcer.
À Matignon, on mise sur le temps et la cohérence pour rétablir la confiance. « Il faut remettre le pays au travail, apaiser et convaincre », confiait hier soir un proche du chef du gouvernement.
Des personnalités issues de la société civile
Plusieurs nouveaux venus font aussi leur entrée au sein de l’exécutif. L’ancien patron de Système U, Serge Papin, hérite du portefeuille des PME, symbole d’une ouverture vers le monde économique. D’autres profils, moins médiatisés, proviennent des secteurs associatifs ou universitaires, dans une tentative de renouvellement de la vie publique.
L’équipe Lecornu devra prouver qu’elle peut travailler de manière unie, alors que les attentes sociales demeurent fortes et que la défiance envers les institutions persiste.


