Avec la mémoire du massacre de Srebrenica encore bien vivante, puisque ça a eu lieu du 11 au 16 juillet, il y a maintenant 30 ans, si vous êtes un jeune musulman des Balkans, il est fort possible que vous vous sentiez allié avec la cause Palestinienne.
Qu’ont vécu les musulmans des Balkans?
Les Balkans portent en eux des couches de douleurs superposées, de l’Empire ottoman à la Yougoslavie socialiste, en passant par l’horreur des années 1990.
Après la mort de Tito en 1980 et la chute progressive du communisme, l’ex-Yougoslavie a sombré dans un nationalisme brutal, qui va atteindre son apogée avec la guerre de Bosnie entre 1992 et 1995.
Sarajevo, la capitale bosniaque est assiégée pendant 1425 jours, le plus long siège d’une capitale moderne depuis la Seconde Guerre mondiale, où les habitants vivaient sans électricité, eau courante ni chauffage, cibles quotidiennes des snipers serbes perchés sur les collines.

Plus de 100 000 personnes furent tuées durant la guerre de Bosnie, dont environ 8 000 hommes et adolescents bosniaques (musulmans) massacrés à Srebrenica en juillet 1995. C’est un génocide reconnu par la justice internationale.
Dans son témoignage, Hasan Nuhanović, traducteur pour l’ONU à Srebrenica, raconte : « Mon père m’a dit : ‘Dis-leur que je veux rester ici avec toi.’ Mais je ne pouvais rien faire. J’ai vu mes parents et mon frère se faire emmener. Ils ont tous été tués. »
Dans la ville de Prijedor, plus de 3 000 civils vont être assassinés, et des camps de concentration comme Omarska ou Keraterm sont découverts a posteriori. Cela rappelle à l’Europe ses pires heures. Ces traumatismes collectifs hantent toujours la région.
La guerre du Kosovo (1998-1999) a laissé des traces : des milliers d’Albanais kosovars on été tués ou expulsés par les forces serbes de Slobodan Milošević.
Pour beaucoup de musulmans des Balkans aujourd’hui, voir Gaza bombardée et encerclée réveille ces souvenirs terrifiants d’un monde extérieur resté spectateur. Comme le confie Emir Suljagić, rescapé de Srebrenica et aujourd’hui directeur du mémorial du génocide : « Quand je vois la Palestine, je vois nous. J’entends nos mères pleurer. J’entends les appels au secours que personne n’a écoutés. »

Une plaie tellement vive qu’ils s’identifient aux gazaouites
Le Dr Francesco Trupia, expert des identités post-socialistes et post-coloniales nous décrypte ce phénomène :
« Après le 7 octobre 2023, dans une région comme les Balkans où les héritages postcoloniaux et post-socialistes se sont rejoints ces dernières années – surtout après l’agression russe contre l’Ukraine en février 2022 –, la violence génocidaire en cours à Gaza a poussé la plupart des musulmans des Balkans à se lever pour les Palestiniens.
Bien sûr, la religion est un facteur évident : ils se sentent unis dans l’oumma, la communauté musulmane mondiale. Mais il y a aussi la mémoire collective de la guerre de Bosnie, la reconnaissance historique de la Palestine par les anciens pays communistes, ainsi que l’instrumentalisation de l’histoire dans les médias qui ravive des traumatismes jamais vraiment guéris. »


